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«Ifriquia», une vraie bourse aux moutons

«Je viens chaque année à ce marché pour chercher le mouton de l'aïd", nous confie Hafid, un père de famille rencontré au Souk des ovins «Ifriquia».

«Ifriquia», une vraie bourse aux moutons
Pour bien négocier le prix de sa bête de sacrifice, Hafid a emmené avec lui un expert en la matière. « Le choix du mouton n'est pas donné à n'importe qui. Il faut vraiment s'y connaître. Sinon, on risque de se faire arnaquer dans la qualité et le prix de la bête. C'est pour cela que je suis venu avec mon oncle», explique Hafid. Au contraire de ce dernier, Soumaa, une veuve quadragénaire, est venu à « Ifriquia » accompagnée de son fils âgé de 12 ans. Ce dernier, essaie aussi bien que mal d'assumer sa responsabilité.

Il n'hésite pas de demander les prix aux vendeurs et de s'introduire à l'intérieur des rassemblements regroupés pour avoir un maximum d'informations sur l'état du marché avant d'acheter. La terre glissante et le froid ne dissuadent pas cette femme et son fils de faire le tour du souk pour avoir une idée sur tout le marché. «Plus qu'une simple fête, Aïd Al Adha est devenu le symbole de fierté et d'appartenance à un niveau de vie ou à une classe sociale déterminée. Chose dont je ne peux pas priver mes enfants», souligne Soumaa.

«Cette occasion est sacrée pour moi. En fait, les premiers symptômes de l'Aïd commencent déjà en venant au souk. Il est primordial pour moi de toucher les moutons, de sentir l'odeur de la campagne et surtout d'être en contact direct avec les paysans», rétorque l'oncle de Hafid. En réalité, ces deux Casablancais évitent d'acheter des ovins de chez les «chennaka» (intermédiaires). Pour eux, ces derniers profitent de cette occasion pour monter les prix des bêtes. En effet, ces intermédiaires déguisés en acheteurs se faufilent parmi la foule à l'intérieur du marché pour augmenter les tarifs. Il faut dire que leur manigance est encouragée par la forte demande des Casablancais notamment ceux qui ne lésinent pas sur le prix du mouton au détriment de leurs concitoyens.
«Nombreux sont les vendeurs de bétails qui essayent d'avoir une idée sur la situation de plusieurs points de vente avant d'acheminer leurs troupeaux dans tel ou tel souk», explique ce Casablancais originaire de Beni Messkine qui prend tout son temps pour acheter un mouton.

Munis de leurs téléphones portables, vendeurs et intermédiaires s'échangent en permanence des informations à propos de tous les grands marchés de bétails dans la ville avant de fixer les prix.

«On dirait une bourse de moutons», lance avec ironie un jeune habitant de la cité blanche. «Excessivement chers, les prix des moutons ont battu tous les records cette année», ajoute-t-il. En fait, les prix se situent cette année aux alentours d'une moyenne de 3000 à 4000 DH pour la race Timahdite ou encore la race Sardi. Cependant, ce montant peut être facilement augmenté quand il s'agit d'un gros mouton qui fait monter les enchères. Adil, un Casablancais de 29 ans, a dû faire à plusieurs reprises le tour du souk «Ifriquia» avant de trouver «le mouton à sa bourse». «Je suis ici depuis 9h du matin et je n'ai trouvé ma bête de sacrifice qu'après la prière d'Ad-Dohr parce que je ne peux pas payer plus de 3.000 DH», affirme-t-il. Toutefois, Adil ne cache pas sa colère vis-à-vis de la cherté des prix. Une cherté justifiée par les vendeurs de bétails. «Les prix des animaux destinés au sacrifice de l'Aïd Al Adha varient selon la qualité, la race, l'âge des animaux et aussi en fonction du lieu et de la durée qui nous séparent du jour du sacrifice. Le souk du mouton est également très sensible à plusieurs autres facteurs tels que l'intermédiation, la spéculation, les aléas climatiques, le coût d'élevage, le transport... », explique ce paysan de Beni Mellal. « On doit payer quotidiennement 10 DH par tête d'ovins pour faire entrer le camion au souk.

De plus, les aliments de bétail sont chers. Toutes ces dépenses participent à l'augmentation du prix», ajoute un autre vendeur. Tous ces facteurs avancés par les producteurs compliquent la tâche des citoyens et nuisent parfois à leur budget, notamment ceux qui n'ont pas assez de ressources financières pour suivre les enchères.
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L'innovation au service

Une ferme de la commune Laghdira (Province d'El Jadida) a lancé un site sur Internet concernant un marché de moutons, inaugurant ainsi une première au Maroc, ce qui menace les recettes de marchés d'ovins réputés dans la région, tels Tlat Sidi Bennour, Khmis Zmamra, Chtouka ou Jmaat Shim. Le marché/site, qui est ouvert pendant 24 heures, épargne à ses visiteurs la corvée du déplacement, en leur permettant de choisir et d'acquérir leur mouton par un simple clic.

En vue de faciliter davantage l'opération, la ferme se charge de la livraison d'El Jadida à Casablanca dans le respect total des délais. En cas de retard, le client est avisé par mail ou par téléphone. D'autre part, si le mouton subit un dommage en route, la ferme s'engage de le remplacer ou de rembourser le client qui, de son côté, est tenu de signer une décharge de responsabilité. On parle déjà du «souk électronique du mouton» ou du «E-mouton».

Tous ces nouveaux comportements font du «souk du mouton», un marché digne des grandes places boursières, sauf que ces dernières disposent d'un conseil déontologique, qui joue le rôle du régulateur et veille au respect des règles du jeu, alors que la «bourse du mouton» est livrée à elle-même. Devant cette situation, les autorités de tutelle et les associations des consommateurs sont appelées à se manifester devant un marché juteux qui mérite d'être régulé pour plus de transparence, afin qu'il profite directement aux éleveurs et aux agriculteurs et contribue ainsi au développement rural.
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