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Un marché pas comme les autres !

En cette matinée ensoleillée du 22 avril, c'est une activité intense que connaît la localité de Bouskoura, située à quelques kilomètres de Casablanca. Malgré une chaleur suffocante, une foule bigarrée remue les lieux.

Un marché pas comme les autres !
Des femmes et des hommes de tous les âges sont venus en masse au Souk «Tlate».
Certains attendent impatiemment le deuxième jour de la semaine pour faire leurs emplettes hebdomadaires. En effet, ce souk, l'un des plus connus de toute la région Casablancaise, attire de nombreux clients.
Malgré les changements et l'évolution des modes d'achat des Marocains, les souks gardent toujours une notoriété intacte et surtout une place
bien prépondérante chez les habitants à la campagne.

Car loin d'être un simple marché ordinaire où l'on peut faire ses courses et autres achats, les souks hebdomadaires sont également des lieux où les gens se rencontrent pour conclure des affaires, régler des litiges devant la «jamaâ» (notable) du village ou même demander la main d'une femme.
Pendant les siècles derniers, un souk faisait même office d'un tribunal. Ainsi, les conflits entre fellahs étaient réglés devant le “Caïd''. Et jusqu'à un passé très récent, les ruraux devaient attendre le jour
du souk pour effectuer des démarches administratives.
A l'entrée du «Tlate», un brouhaha impressionnent attire l'attention des visiteurs peu habitués à l'ambiance qui règne. Des échoppes de toutes les tailles se dressent à perte de vue et des marchands interpellent les clients à la criée.
Certains parmi eux ont même acquis des haut-parleurs pour attirer plus de chalands.

La journée commence très tôt le matin pour les commerçants qui doivent dans certains cas parcourir des dizaines de kilomètres pour atteindre le souk. La majorité parmi eux est
habituée des souks hebdomadaires. En effet, ce sont de vrais marchands ambulants.
Chaque jour, ils mettent le cap sur l'un des marchés de la région casablancaise : «Had soualem», «Sabt s'bit»… et la liste est longue.
Iza est vendeuse de produits de cosmétique traditionnels. Elle commercialise surtout du "Kohl" (rimmel) qui une poudre minérale composée principalement d'un mélange de galène, de soufre et de gras animal, utilisée pour maquiller les yeux et le "Siwak".
Assise devant sa marchandise étalée à même le sol, elle guette les allers et retours des passants, prête à répondre à la moindre sollicitation d'un client potentiel. «Dès mon jeune âge, j'ai commencé à arpenter les pistes de ce souk. J'ai donc une longue expérience !

Globalement, le marché connaît une grande activité pendant la matinée. Certes, les temps ont changé et les recettes des vendeurs ont considérablement chuté ces dernières années, mais le souk garde toujours une clientèle fidèle», affirme-t-elle.
Originaire de la région d'Essaouira, elle s'est installée avec sa famille à Bouskoura. Son commerce est sa principale source de revenus.
Pour avoir une place dans le souk, tous les marchands doivent s'acquitter d'une taxe au début de la journée.
En effet, le "Sank" est une taxe payée aux services communaux par les vendeurs dans la majorité des souks.

En effet, celle-ci ne date pas d'aujourd'hui. Il fait partie des règles qui ont toujours accompagné les souks au Maroc au fil des années. Bouchaib se remémore encore ses souvenirs d'enfance au souk avant l'indépendance. Agé de 88 ans, il est aujourd'hui vendeur d'engrais et autres outils d'agriculture. «Quand les “françaiss'' occupaient le Maroc, tous les marchands devaient s'acquitter du "Sank".
À l'époque, tous les ruraux venaient au souk chaque mardi pour faire les courses mais également pour assister à des bagarres qui éclataient souvent. Vous savez, il s'y passait toujours quelque chose dans le souk. Les résistants marocains transformaient à chaque fois le Tlat en un terrain de bataille contre les forces occupantes ainsi que les espions à leur service.
Les vendeurs du tabac étaient toujours la cible car les nationalistes en avaient interdit la vente», témoigne Bouchaib. Ce dernier prépare déjà son fils aîné à reprendre le flambeau.

De père en fils
Plusieurs métiers sont transmis de père en fils dans ces milieux notamment la boucherie. Les bouchers attirent une part considérable de la clientèle. Et pour cause, ils affichent des prix défiant toute concurrence au point que certains citadins font le déplacement au Tlat spécialement pour acheter la viande. Inutile de vérifier la présence des tampons sanitaires sur les carcasses car la plupart des bêtes sont égorgées dans des “tueries” aux alentours de Bouskoura.

Abdel Hafid, la trentaine, est boucher depuis une dizaine d'années. «Ici, on vend de la viande avec un bon rapport qualité/prix. Malgré les fausses idées qui circulent sur la marchandise du souk, les clients viennent en masse», déclare t-il. L'une des originalités du souk, sans nul doute, réside dans les spectacles d'humoristes ou de musiciens qui regroupent les foules de passants. «Tous les visiteurs consacrent absolument quelques minutes pour les «halqas». Ces spectacles animés par un ou plusieurs humoristes font partie des traditions immuables chez les ruraux. Vous savez, pendant le protectorat, il y avait même des humoristes algériens qui animaient des halqas», informe Maâti. Originaire du douar «ch'raga» aux environs de Bouskoura, il est venu comme à l'accoutumée pour acheter des denrées. Pour ce dernier, peu de changements ou presque ont été apportés au Souk. «La superficie du marché a été réduite et certains vendeurs ont été remplacés par leurs fils.

Mais ce sont les prix qui changent ces dernières années, les tarifs ne cessent de flamber.
Je me rappelle encore que dans les années soixante, on utilisait les soldés, des
pièces de monnaie très répondues à cette époque, pour les
transactions.
Un seul solde suffisait pour nourrir une famille. C'était la belle époque !», se remémore Maâti, nostalgique.

Cependant, selon plusieurs clients, les prix de nombreux produits sont beaucoup plus abordables dans ces marchés hebdomadaires. Parmi eux, Abdelaziz, un jeune qui préfère se rendre au Tlat pour ses achats.
«La semoule et les huiles sont proposées à des prix moindres. Certes la différence n'est pas grande mais elle nous permet d'économiser un peu de d'argent», déclare t-il.
Les vendeurs des gâteaux et sucreries, eux, sont regroupés à la sortie du souk.
Les ruraux notamment ceux accompagnés par leurs enfants, doivent effectuer un passage obligatoire par ces magasins.
D'énormes amas de bonbons de toutes les couleurs sont proposés sur des étalages.

«J'achète toujours des sucreries pour mes enfants. J'ai pris l'habitude de leur offrir des petits gâteaux après mon retour du souk», poursuit Abdelaziz.
A la sortie du souk, des femmes et des enfants ont pris place sur des pick-up ou des charrettes.
Pour ces derniers, la journée est déjà terminée. Les enfants, très heureux, laissent paraître un sourire jovial. Ils s'amusent à compter les bombons que chacun d'eux gardent minutieusement dans un sachet entre les mains.
Le chemin du retour vers leurs maisons risque d'être très long et périlleux….
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De la PLV… au souk

La publicité sur le lieu de vente ou simplement la PLV désigne tout le matériel publicitaire présent sur le lieu de vente notamment les supermarchés ou les épiceries.
Ces dernières années, les grandes enseignes ont également investi les souks hebdomadaires.

Ainsi, des marques de véhicule ainsi que des banques y installent régulièrement des stands pour être plus proches des clients dans le monde rural. Lors de la visite effectuée au souk Tlat, une marque de voiture tout-terrain y était présente.
Ses représentants avaient pour mission d'informer les plus curieux sur les offres de la marque.

La PLV permet de faire la promotion d'un produit : présentoir, théâtralisation, opération trade marketing, etc. D'ailleurs, la PLV se réfère à l'ensemble des moyens de communication mis en œuvre par les entreprises pour promouvoir leurs produits sur le lieu de vente. Son objectif est de pousser le produit vers le consommateur (marketing push) par une mise en évidence efficace. En effet, sa présence peut être décisive avant tout acte d'achat. Souvent, le client se décide au dernier moment.
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Du méchoui et des beignets

Les vendeurs de méchoui pullulent un peu partout dans les souks hebdomadaires.
Et le Tlat ne déroge pas à la règle. Les plats de grillades font partie des habitudes qui ont toujours accompagnés les Marocains. Cependant, ces spécialités semblent être réservées aux plus riches. «Les gens dans les souks sont friands du méchoui.
Certains viennent au souk spécialement pour en manger. Bien évidemment, les prix de la viande et des abats sont beaucoup plus abordables pour les clients», explique l'Haj, spécialiste du méchoui.
Il est très connu dans le souk. Actuellement, il est épaulé dans son travail par ces deux fils.

Ceux qui n'ont pas les moyens pour s'offrir des plats de méchoui se rabattent sur les beignets. Les gens en raffolent pendant le souk. Le «chafanje», l'une des plus célèbres spécialités marocaines, se vend comme des petits pains.
Au Tlat, les vendeurs de beignets arrivent à peine à répondre aux sollicitations des clients. Servi le plus souvent avec du thé, un kilo de «chafanje» coûte seulement quelques dirhams.
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