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A Casablanca, les cafés à narguilé dans le collimateur des autorités

Quatre ans après la sortie du décret interdisant le narguilé dans les cafés et lieux publics, les autorités de la métropole reviennent à la rescousse.

A Casablanca, les cafés à narguilé dans le collimateur des autorités
Dans une réunion organisée le 6 février à la wilaya, Mokhtar Bekkali Kacimi, gouverneur, directeur des affaires générales à la wilaya de la région du Grand Casablanca a proposé des approches nouvelles pour faire face à ce phénomène dévastateur. Côté mesures, les autorités de la wilaya ont décidé de prendre un ensemble de dispositions pour appliquer l'arrêté n° 5 du 22 septembre 2004. «On est bien conscient du problème de la consommation excessive du narguilé, mais on souhaite prendre des mesures plutôt progressives et rationnelles», a affirmé M. Bekkali. Et d'ajouter que 450 poursuites ont été engagées contre les gérants de cafés où l'interdiction de fumer la «chicha» n'est pas respectée.

Les autorités locales devront d'abord donner deux avertissements aux personnes qui proposent le narguilé aux clients avant de procéder à la fermeture de leurs cafés et les présenter à la justice.
Cependant, les contraventions de la wilaya ne semblent pas dissuader les gérants des «cafés-chicha».

«Les propriétaires de ces espaces interdits risquent une amende de 100 à 120 DH, alors qu'un seul narguilé coûte plus de 30 DH. De fait, il vaut mieux équilibrer entre le délit et les sanctions imposées », explique un représentant du parquet.
Et de préciser que le procureur général essaie de donner des sanctions plus répressives que la fermeture du lieu, notamment quand les agents de la police saisissent du «mâassel» mélangé à la drogue.
Les propriétaires desdits cafés risquent aussi jusqu'à 10 ans de prison, quand il s'agit de mineurs qui utilisent leur espace pour la prostitution.
En parallèle à ces dispositions répressives, la wilaya du Grand Casablanca vise à sensibiliser les citoyens sur les risques qu'ils peuvent encourir une fois qu'ils tirent sur une «chicha».

Dans ce cadre, le professeur Zoubida Bouayad, responsable de l'association ''SOS Tuberculose et maladies respiratoires'' a affirmé qu'une heure de «chicha» est l'équivalent de 40 à 100 cigarettes fumées. Elle a en outre indiqué que la dernière étude présentée sur le tabagisme, réalisée en 2006 auprès de 9.197 personnes âgées de 15 à 75 ans, révèle que 18 % de l'échantillon sont des fumeurs.
Parmi ces sujets, 14,5 % se sont déclarés dépendants et consommateurs de tabac quotidiennement et 3,5% ont indiqué fumer de manière irrégulière. 31,5% des fumeurs sont de sexe masculin et seuls 3,3 % sont des femmes. Cette étude a également montré que le tabagisme commence à partir de l'âge de 9 ou de 11 ans. Dans le même contexte, Abdelkrim Badaoui, responsable du service des maladies respiratoires au CHU, a indiqué que le taux du tabagisme dans les établissements scolaires de la métropole est de 33 %.

Ce pourcentage augmente de plus en plus dans le centre-ville. «Un grand nombre de ces élèves sont des fumeurs par héritage», a-t-il souligné.
Et d'ajouter que le nombre d'enfants qui héritent le tabagisme de leur mère est 7 fois plus grand que ceux qui l'héritent du côté paternel. Ces jeunes sont également des cibles faciles aux campagnes publicitaires et films qui encouragent la consommation du narguilé.

Outre la prédisposition génétique qui facilite le passage au stade de "fumeur'', le professeur Bouayad a rappelé que la consommation du tabac et de la «chicha» chez les jeunes est un phénomène dû à des facteurs socio-économiques, culturels et familiaux. Ce fléau fait aussi razzia chez les femmes. Ba Brahim, propriétaire d'un café narguilé à Maârif avoue que 75% de sa clientèle sont des femmes. Les Casablancaises consomment, dit-il, avec délectation le narguilé. Pour expliquer cet engouement, les jeunes femmes affirment que l'arôme du «maâssel», issu de fruits, n'empeste pas comme la cigarette.

A cet argument s'ajoute celui de la tolérance des hommes vis-à-vis des femmes qui consomment le narguilé, alors que celles qui fument des cigarettes ou boivent de l'alcool sont sévèrement jugées. Outre les femmes, l'ensemble de catégories sociales en tâte. Des avocats, des médecins des employés de banques figurent parmi les catégories sociales qui consomment la «chicha». Pour savourer une pipe à eau, il faut débourser au minimum 30 DH dans un café un peu populaire. Cette somme peut atteindre 100 DH dans d'autres cafés bien aménagés et plus modernes. Il existe également des restaurants qui offrent au menu la «chicha». C'est dire que le phénomène a, bel et bien, pris de l'ampleur.
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Nombreux méfaits de la chicha

Les adeptes du narguilé minimisent ses effets néfastes sur la santé. Beaucoup pensent qu'il est moins nocif que la cigarette. Ils avancent que l'eau filtre les substances nocives de la fumée. Faux, répond Pr Bouayad, responsable de l'association ‘'SOS tuberculose et maladies respiratoires''. «La chicha contient 4 000 matières toxiques. En outre, la combustion douce du tabac du narguilé, qui dure 60 minutes contre 5 minutes pour la cigarette, génère plus de monoxyde de carbone et de goudron», a-t-elle expliqué.

En effet, l'analyse chimique de la fumée du narguilé a montré que les taux de nicotine, de goudron, de phénols sont inférieurs à ceux de la cigarette, mais la fumée du narguilé contient 10 fois plus de monoxyde de carbone (CO), connu pour donner des graves complications cardiovasculaires et cérébrales. Les adeptes de la chicha s'exposent au charbon utilisé qui dégage du monoxyde de carbone (CO). Ce gaz se fixe à l'hémoglobine à la place de l'oxygène et c'est ainsi que l'hémoglobine véhiculée par le sang va apporter aux différentes cellules de l'organisme du monoxyde de carbone plutôt que l'indispensable oxygène. Cette pipe à eau cause les mêmes maladies que celles dues à la cigarette : cancer du poumon, du larynx, bronchites chroniques, maladies cardiovasculaires, tuberculose… Pour cette dernière maladie, le Maroc enregistre annuellement 28.000 nouveaux cas. Il y aussi les herpès d'origine virale, les hépatites, mais cette éventualité reste minime.

Il faut signaler aussi que 95 % des bronchites chroniques sont liées à la cigarette, 90 % des cancéreux sont fumeurs. Par ailleurs, le rituel de la chicha est d'autant plus dangereux qu'il comporte des risques de transmission de maladies par l'eau, une mauvaise hygiène bucco-dentaire, vu qu'il se base sur le partage du narguilé. 80% des fumeurs utilisent le même tuyau et le même embout. «La consommation du narguilé en groupe compte, en plus de l'inhalation de produits toxiques et cancérigènes, des risques de transmission de maladies infectieuses, notamment la tuberculose,», a signalé Pr Bouayad. Le narguilé présente également un danger pour les employés des café-chicha. La fumée d'un narguilé équivaut 30 cigarettes pour ces fumeurs passifs. Ces derniers risquent l'intoxication aigue au monoxyde de carbone et parfois la mort selon les médecins du CHU.
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Témoignages

Khalid, 25 ans
Mon engouement pour la pipe à eau s'explique par l'envie de retrouver une convivialité perdue.
Le désir de se retrouver, hors des horaires de travail, en bonne compagnie avec des amis. En outre, je préfère la «chicha» à la cigarette. Le narguilé ne comporte aucun danger pour la santé, puisqu'il ne contient pas de substances nocives. Preuve en est, aucun de mes amis n'est tombé malade.

Nisrine, 18 ans
La consommation de la «chicha» est devenue depuis deux ans un rituel familial pour moi. Je consomme le narguilé au moins deux fois par mois avec mon frère et mes parents. Mais, je viens souvent au café après les cours pour bavarder pendant des heures avec mes amis, en se passant le tuyau. C'est un passe-temps sans plus. Si c'était risqué, mes parents ne me l'auraient jamais permis.

Fouad, 30 ans
Je sais qu'une session de narguilé est l'équivalent de 40 cigarettes, mais j'attends chaque jour ce moment de bonheur avec impatience. C'est essentiel pour déstresser après une journée de travail. Un pur moment de bonheur. De plus, avec la pollution et les bactéries qui circulent actuellement, le risque d'attraper des maladies respiratoires ne se limite pas à la «chicha».
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