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Les fausses révélations sur le parc éolien Tarfaya


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Les responsables que nous avons interrogés, ces deux derniers jours, hésitaient entre l'indignation et la perplexité : pourquoi, alors qu'aucune décision n'a encore été prise, l'information selon laquelle le groupe GDF-Suez aurait été retenu pour réaliser et gérer la centrale éolienne de Tarfaya, a-t-elle été affichée, et à sa Une, par notre confrère «La Vie Economique» (vendredi 29 mai) ?
L'article n'est pas signé. Il énumère des évènements, dont certains très graves, sans en préciser ni la date, ni les auteurs, ni encore les circonstances, mais sur un mode assertif et avec une touche prononcée de théâtralité clairement destinée à faire croire que les faits dont il s'agit sont sûrs et certains.

Il commence au futur de l'indicatif avec le surtitre : « Il assurera la construction et la gestion du site ». Et ça continue au présent avec le titre : « GDF-Suez remporte le marché de la centrale éolienne de Tarfaya ». Et ça culmine, toujours à l'indicatif, dans le sous-titre : « Le groupe français était en compétition avec le duo maroco-américain international Power/Nareva holding, filiale de l'ONA ». Vérifications faites, ces informations sont absolument fausses. Ce qui en rend les termes pour le moins surprenants. Extraits : « Le verdict est enfin tombé. Selon des sources bien informées, c'est le groupe français GDF-Suez (…) qui a été déclaré adjudicataire pour la construction et la concession de la centrale éolienne de Tarfaya suite à l'appel d'offres international lancé par l'Office national de l'électricité (ONE) ».

Contactée, la Direction de l'ONE est sidérée. Elle s'étonne que quiconque puisse prétendre connaître ou annoncer le résultat d'une adjudication dont les étapes d'ouverture des plis techniques n'ont même pas été toutes franchies. La procédure en la matière est très précise, publique et contrôlée, et se déroule selon une succession d'étapes, rigoureusement normées, autonomes et distinctes, qui vont du recueil des expressions d'intérêt à la sélection des offres financières en passant par l'évaluation et la sélection des offres techniques.
On pourrait après tout considérer cette affaire comme une spéculation fantaisiste sauf que la fausse information sur le résultat de l'adjudication s'accompagne d'allégations plutôt graves.

L'ONE est en effet accusé d'avoir introduit dans le cahier des charges du projet « un changement de dernière minute », ce qui est, avons-nous appris, absolument faux. Cette fiction est pourtant utilisée à l'appui d'un argumentaire singulier. Elle aurait conduit à l'élimination de 16 groupements de candidats dont plusieurs poids lourds mondiaux des énergies renouvelables tels que EDF, International Power, Taqa et Iberdola (qui) avaient manifesté leur intérêt ». Et, sans qu'on sache pour quel motif, Suez est donné gagnant et le consortium International Power et Nareva Holding donné pour « finalement écarté ».

Que signifient ces fausses révélations ? Elles ont été publiées sans aucune vérification préalable ni auprès de la Direction de l'ONE ni auprès de ses départements ministériels de tutelle. Cette opération ne procède-t-elle que de la légèreté ? Doit-on se contenter de n'y voir qu'une mauvaise manière à l'encontre de l'ONE ou se demander si elle ne cache pas autre chose ? Sachant que d'aucuns n'hésitent pas à investir dans des procédés dits de guerre économique, on peut en effet se demander si l'ONE n'est pas que la cible apparente d'une opération qui a toutes les caractéristiques des méthodes de conditionnement et de pression psychologiques sur les décideurs. Dans cette perspective, l'attaque contre l'ONE ne serait qu'un leurre.

Le professionnalisme de l'Office national d'électricité est après tout reconnu depuis des décennies parmi les opérateurs mondiaux, il est familier des appels d'offres internationaux et les a toujours réussis avec une rigueur et une transparence qui pourraient en remontrer à beaucoup d'autres. L'objectif n'est-il pas de le complexer sur la décision qu'il doit prendre ? La technique de l'intoxication est presque cousue de fil blanc. Le projet conjoint du duo International Power/Narvea est donné, sans aucune explication, comme « finalement écarté » tandis que l'offre de Suez est abondamment détaillée en termes de volume et de tour de table financier.

Est-ce un simple hasard ? ou une technique bien connue des lobbyeurs qui vise, si jamais le duo maroco-américain était retenu, à préparer l'opinion aux cris de la châtelaine outragée contre la distorsion de la concurrence, le trucage de marché, l'élimination de celui qui ne pouvait pas perdre simplement parce qu'il était donné gagnant.

Il n'est pas rare en effet que la presse soit, malgré elle, transformée en véhicule de la guerre économique. Et ce n'est pas la première fois que notre confrère « La Vie Economique » se fait, ou se laisse, piéger sur ces questions d'appels d'offres et de marchés de concession de la production d'énergie (ils avaient il y a quelques mois affirmé que ONE avait cédé sa participation dans la centrale Tahhadart à SNI). Le souci légitime du scoop doit cependant trouver sa limite dans les règles de prudence et le croisement de l'information directement ou indirectement distillée à la presse par les gros intérêts, si on ne veut pas verser dans l'amateurisme. Quant à l'ONE, s'il est une chose qui lui permettra de faire échec à toutes les pressions c'est qu'il persiste à prendre ses décisions dans la sérénité et à rendre compte avec la plus grande transparence.
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