Les travaux du sommet de l'Union africaine viennent de s'achever à Addis-Abeba avec comme note finale l'élection pour un an de Mouammar Kadhafi à la tête de l'organisation panafricaine. Qu'une telle désignation soit inscrite dans le cours normal et les statuts de l'organisation ne fait pas éclipser sa portée politique que les observateurs ne manqueraient pas de relever. Il s'agit de la dimension qui sera donnée à cette présidence par la Libye d'une institution marquée par des luttes d'influence, parfois même déchirée sur son action et en tout état de cause soumise à des batailles intestines.
D'ores et déjà, quelques critiques de mauvais augure annoncent que l'élection du président libyen à la tête de l'Union africaine ne fait pas le bonheur de tous les chefs d'Etat africains réunis à Addis-Abeba. En l'occurrence, le gouvernement d'Afrique du Sud - et ceux qui évoluent dans son giron géopolitique - n'ont pas exprimé leur joie de le voir ainsi prendre pour un an les rênes de l'Union africaine. Mouammar Kadhafi, dont on peut tout dire et dont on se permet même de souligner sa dimension fantasque, a en revanche ses idées, et des idées arrêtées sur la manière dont devait, selon lui, évoluer le continent africain.
Celui-ci l'intéresse au plus haut point et constitue à vrai dire son terrain de prédilection. Il n'a jamais caché son ambition de l'imaginer, voire même de le transformer en une immense fédération appelée «Les Etats-Unis d'Afrique», regroupant tous les peuples d'un bout à l'autre sous une même bannière. Goguenards, même les commentateurs s'en donnent à cœur joie à la critique du rêve irénique de Mouammar Kadhafi. En vérité, ils ne réalisent pas son attachement, depuis des années, à ce projet qui, pour relever de l'idéalisme, constitue chez lui un défi. Venu à la politique en septembre 1969 par un coup de force, Mouammar Kadhafi a d'abord voulu continuer ce qu'on a appelé la «voie nassérienne» à l'époque, l'incarnation d'un pouvoir militaire nationaliste, peu enclin aux compromis et qui se nourrissait d'une littérature politique intransigeante à l'égard de l'Occident et des Etats-Unis en particulier.
Comme Nasser, venu au pouvoir en 1951 par un coup d'Etat mwe que vaille à mobiliser les foules arabes et africaines.
L'Union des peuples a constitué une constante chez le président Kadhafi pour ne pas susciter chez les autres un mélange mitigé d'intérêt et d'hostilité. L'un des premiers projets remonte à l'union scellée en 1974 entre lui et le président tunisien Habib Bourguiba qui, définie comme « arabe islamique » avait été avortée quelques mois seulement après, le parlement tunisien ne l'ayant jamais entérinée, et Bourguiba l'ayant rejetée avec le même empressent qu'il l'avait acceptée. Est venue ensuite l'Union arabe et africaine (UAA), réalisée après un accord signé à Rabat en 1986 avec feu S.M. Hassan II et qui avait le double mérite d'une part de durer – elle n'a jamais été défaite d'ailleurs – et de permettre une réconciliation politique spectaculaire entre le Maroc et la Libye.
Jamais en effet relations entre les deux pays et les deux peuples n'ont été aussi intensifiées et si fortement croisées qu'après cette période où le leader libyen, réalisant qu'il faisait fausse route dans l'affaire du Sahara, avait alors décidé de couper net avec les séparatistes et de les priver d'un inestimable soutien, politique, financier et militaire. Il a réitéré, au demeurant, son engagement en signant le 17 février 1989 à Marrakech le Traité portant création de l'Union du Maghreb Arabe ( UMA), union géopolitique et économique ambitieuse, mise en veilleuse pour cause de velléité algérienne à propos du Sahara.
Cependant, le projet ambitieux du président libyen aura été celui de l'Union des Etats du Sahel, vaste bande qui va de l'Egypte au sud du Maroc, que la réalité géopolitique mouvante et complexe aura tout simplement renvoyé aux calendes grecques et à des jours meilleurs. Il constituait le premier pas vers l'autre rêve stratégique de l'Union des Etats africains, transformé de nos jours – sémantique oblige – en « Afrique des Etats-Unis » ! On peut souligner la part grandissante et même grandiloquente du rêve dans ce projet, mais on ne peut nier la force de conviction qui le sous-tend, sur laquelle il s'adosse et la réalité qu'il recouvre : cinquante Etats d'Afrique, une diversité des peuples, une mosaïque ethnique, de cultures et de civilisations, des potentialités économiques, des richesses comme peuvent en rêver d'autres continents…Ne faut-il pas se laisser « griser » quelque peu par ce rêve impérial des temps modernes ?
En proclamant à Addis-Abeba sa volonté de relancer et de promouvoir son projet des Etats-Unis d'Afrique, Mouammar Kadhafi ne surprend que ceux qui ne le connaissent pas, ignorent peu ou prou son idéalisme et son irascible attachement à réaliser le groupement sous la même bannière de l'unité. Des « vieux pairs », chefs d'Etat ou de gouvernement auxquels il était habitué sur la scène africaine, ils sont peu nombreux à être encore en vie. Et les nouveaux ne sont pas enclins à s'inscrire dans sa logique, pourtant crédible et même séduisante. On dirait « réalisable », pour peu que les uns et les autres en mesurent la portée prémonitoire, l'impérieuse force dans un monde où, au nom de la mondialisation, les groupements qui se font sous nos yeux prennent de plus en plus un caractère économique cohérent et marginalisent l'Afrique. Unir les Etats et les peuples, créer une véritable entité « révolutionnaire » à l'époque, pragmatique de nos jours, le projet de Mouammar Kadhafi peut évidemment susciter d'étranges réactions, mais il est là. On ne s'étonnera point qu'il soit mis au goût du jour cette année, au grand dam de l'Afrique du Sud et de l'Algérie qui ont cru instaurer leur fameux axe « Alger-Pretoria » pour le marginaliser.
D'ores et déjà, quelques critiques de mauvais augure annoncent que l'élection du président libyen à la tête de l'Union africaine ne fait pas le bonheur de tous les chefs d'Etat africains réunis à Addis-Abeba. En l'occurrence, le gouvernement d'Afrique du Sud - et ceux qui évoluent dans son giron géopolitique - n'ont pas exprimé leur joie de le voir ainsi prendre pour un an les rênes de l'Union africaine. Mouammar Kadhafi, dont on peut tout dire et dont on se permet même de souligner sa dimension fantasque, a en revanche ses idées, et des idées arrêtées sur la manière dont devait, selon lui, évoluer le continent africain.
Celui-ci l'intéresse au plus haut point et constitue à vrai dire son terrain de prédilection. Il n'a jamais caché son ambition de l'imaginer, voire même de le transformer en une immense fédération appelée «Les Etats-Unis d'Afrique», regroupant tous les peuples d'un bout à l'autre sous une même bannière. Goguenards, même les commentateurs s'en donnent à cœur joie à la critique du rêve irénique de Mouammar Kadhafi. En vérité, ils ne réalisent pas son attachement, depuis des années, à ce projet qui, pour relever de l'idéalisme, constitue chez lui un défi. Venu à la politique en septembre 1969 par un coup de force, Mouammar Kadhafi a d'abord voulu continuer ce qu'on a appelé la «voie nassérienne» à l'époque, l'incarnation d'un pouvoir militaire nationaliste, peu enclin aux compromis et qui se nourrissait d'une littérature politique intransigeante à l'égard de l'Occident et des Etats-Unis en particulier.
Comme Nasser, venu au pouvoir en 1951 par un coup d'Etat mwe que vaille à mobiliser les foules arabes et africaines.
L'Union des peuples a constitué une constante chez le président Kadhafi pour ne pas susciter chez les autres un mélange mitigé d'intérêt et d'hostilité. L'un des premiers projets remonte à l'union scellée en 1974 entre lui et le président tunisien Habib Bourguiba qui, définie comme « arabe islamique » avait été avortée quelques mois seulement après, le parlement tunisien ne l'ayant jamais entérinée, et Bourguiba l'ayant rejetée avec le même empressent qu'il l'avait acceptée. Est venue ensuite l'Union arabe et africaine (UAA), réalisée après un accord signé à Rabat en 1986 avec feu S.M. Hassan II et qui avait le double mérite d'une part de durer – elle n'a jamais été défaite d'ailleurs – et de permettre une réconciliation politique spectaculaire entre le Maroc et la Libye.
Jamais en effet relations entre les deux pays et les deux peuples n'ont été aussi intensifiées et si fortement croisées qu'après cette période où le leader libyen, réalisant qu'il faisait fausse route dans l'affaire du Sahara, avait alors décidé de couper net avec les séparatistes et de les priver d'un inestimable soutien, politique, financier et militaire. Il a réitéré, au demeurant, son engagement en signant le 17 février 1989 à Marrakech le Traité portant création de l'Union du Maghreb Arabe ( UMA), union géopolitique et économique ambitieuse, mise en veilleuse pour cause de velléité algérienne à propos du Sahara.
Cependant, le projet ambitieux du président libyen aura été celui de l'Union des Etats du Sahel, vaste bande qui va de l'Egypte au sud du Maroc, que la réalité géopolitique mouvante et complexe aura tout simplement renvoyé aux calendes grecques et à des jours meilleurs. Il constituait le premier pas vers l'autre rêve stratégique de l'Union des Etats africains, transformé de nos jours – sémantique oblige – en « Afrique des Etats-Unis » ! On peut souligner la part grandissante et même grandiloquente du rêve dans ce projet, mais on ne peut nier la force de conviction qui le sous-tend, sur laquelle il s'adosse et la réalité qu'il recouvre : cinquante Etats d'Afrique, une diversité des peuples, une mosaïque ethnique, de cultures et de civilisations, des potentialités économiques, des richesses comme peuvent en rêver d'autres continents…Ne faut-il pas se laisser « griser » quelque peu par ce rêve impérial des temps modernes ?
En proclamant à Addis-Abeba sa volonté de relancer et de promouvoir son projet des Etats-Unis d'Afrique, Mouammar Kadhafi ne surprend que ceux qui ne le connaissent pas, ignorent peu ou prou son idéalisme et son irascible attachement à réaliser le groupement sous la même bannière de l'unité. Des « vieux pairs », chefs d'Etat ou de gouvernement auxquels il était habitué sur la scène africaine, ils sont peu nombreux à être encore en vie. Et les nouveaux ne sont pas enclins à s'inscrire dans sa logique, pourtant crédible et même séduisante. On dirait « réalisable », pour peu que les uns et les autres en mesurent la portée prémonitoire, l'impérieuse force dans un monde où, au nom de la mondialisation, les groupements qui se font sous nos yeux prennent de plus en plus un caractère économique cohérent et marginalisent l'Afrique. Unir les Etats et les peuples, créer une véritable entité « révolutionnaire » à l'époque, pragmatique de nos jours, le projet de Mouammar Kadhafi peut évidemment susciter d'étranges réactions, mais il est là. On ne s'étonnera point qu'il soit mis au goût du jour cette année, au grand dam de l'Afrique du Sud et de l'Algérie qui ont cru instaurer leur fameux axe « Alger-Pretoria » pour le marginaliser.
