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Michel Nachef, la mémoire d'une civilisation

En s'installant au Maroc à l'âge de 21 ans, Michel Nachef n'a jamais pensé qu'un jour il rendra hommage à ce pays afin de le remercier pour tout ce qu'il lui a donné en matière à photographier.

Michel Nachef, la mémoire d'une civilisation
Une matière aussi riche qu'il continue toujours d'exploiter à travers sa vision d'artiste-photographe professionnel. En effet, les photos que nous avons le plaisir de voir accrochées à l'Institut français de Rabat en disent beaucoup sur cette affection qui lie Michel Nachef à son pays d'adoption, le Maroc. Sa profondeur d'âme et sa sensibilité d'artiste très talentueux lui permettent d'être classé parmi les meilleurs photographes professionnels. «Ce n'est pas une rétrospective de toute mon œuvre, parce que qu'il y a beaucoup d'autres sujets que je n'expose pas ici. J'espère avoir l'occasion de présenter à chaque fois l'un des thèmes que j'ai abordés dans ma carrière.

Cette fois-ci, c'est surtout le thème des Moussems qui est en exergue. Une activité qui représente pour moi un rassemblement extraordinaire. Des moments uniques que nous pouvons déceler dans des régions différentes du Maroc et avec des traditions et coutumes aussi multiples que riches», souligne l'artiste-photographe Michel Nachef, dont l'objectif de son appareil aime bien s'attarder sur les visages qui représentent pour lui la mémoire d'un peuple et l'histoire de toute une civilisation. «Ce sont des régions où il y a eu un mélange de Berbères et de juifs, dont certaines traditions se ressemblent un peu par osmose où des attitudes de différentes religions se rejoignent et se complètent harmonieusement.

Les moussems viennent à une époque de ma vie où j'ai réalisé que les photographies sont une reproduction exacte, structurée dans son ensemble, sans rien perdre du lieu et de l'époque, de toute l'activité humaine. J'ai éprouvé alors le sentiment très fort que je devenais archiviste comme un témoin fidèle, que j'archivais une mémoire qui n'appartenait pas qu'à moi seul, mais qui était partagée par beaucoup. Alors, j'ai eu envie soudain de tout photographier. Il a fallu organiser mon activité, repérer les thèmes, travailler sur un thème à la fois, en faire le tour complet avant de passer à un autre. Moulay Bouslhem, c'était un moussem unique qui a disparu depuis une quinzaine d'années pour plusieurs raisons», ajoute-t-il. Attiré par cette ambiance de grands rassemblements, le photographe a pu fixer à jamais toute une moisson de photos en noir et blanc où le monde citadin est pratiquement absent. « Rien ne m'intéresse dans le monde citadin. Dans les villes, on ne fait que détruire le patrimoine, qu'il soit oral ou matériel.

Dans le monde rural, le patrimoine oral est encore vivant. Il est transmis de génération en génération. A chaque fois que je visite une région marocaine, aussi lointaine qu'elle soit, je suis surpris par la richesse traditionnelle qu'elle emmagasine, ses paysages ensorcelants et le nombre impressionnant de marabouts», dit-il. Ces instants éternels sont, ainsi, mémorisés, devenant avec le temps des témoignages incontournables d'un lieu, d'une cité ou d'un pays.
«Un instant volé au passage du temps, c'est un instant d'éternité. Tant que les négatifs existent, les photos existent. Un instant éternel… c'est éternel une photo si l'on peut parler d'éternité sur cette terre. Je suis témoin, et ce qui m'intéresse avec la photographie c'est le travail d'archive, c'est l'accumulation de la mémoire».

Michel Nachef a, aussi, eu pour mission de repérer des sites anciens dans dix villes du Royaume, créant la collection «Repère de Mémoire» dans le souci de laisser aux générations futures tout le souvenir d'un patrimoine architectural. Ayant appris son métier tout seul, sans jamais fréquenter d'école, Michel Nachef a acquis une certaine maturité qui rend son travail un vrai devoir à accomplir avec beaucoup de soin et de conscience, s'entraidant en cela par une recherche assidue et continue dans son domaine. Très honnête dans son travail, l'artiste-photographe Nachef ne triche jamais dans ses prises, ne transforme pas ses négatifs et ne leurre pas les gens. D'où cette sincérité qui émane de ses photos le plaçant dans le rang des artistes exerçant avec passion et sensibilité.
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Un parcours mouvementé

Natif de Joun, un village du Mont-Liban, Michel Nachef a grandi dans une famille simple et chaleureuse où le père exerçait le métier de maçon. A douze ans, il a eu la chance de suivre des études dans un internat religieux jusqu'à quinze ans, âge où il a adhéré le collège officiel de Saida. Deux ans plus tard, Beyrouth l'accueille à l'Ecole normale pour suivre avec succès sa formation d'instituteur. A 19 ans, il part comme boursier de l'UNESCO, pour continuer ses études en Belgique. C'est là qu'il découvre la photographie proprement dite. De retour au Liban, il prend sa fonction d'instituteur au Lycée de Baalbec. Or, le destin en fait autrement, car une année plus tard, il s'envole au Maroc qui demande des enseignants bilingues (arabe, français). Ne faisant confiance qu'à son intuition, il n'hésite pas à faire les démarches nécessaires et son dossier est accepté. Il est nommé à Salé où il s'installe pour une dizaine d'années. En acceptant ce contrat, Michel Nachef n'a jamais pensé que c'est dans ce pays et grâce à ses beaux paysages, ses traditions et coutumes qu'il bâtira son avenir et connaîtra la célébrité d'un grand photographe.
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