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Le côté pile de l'extraction de l'huile

De l'extérieur, elles ont l'apparence de simples maisons situées dans les ruelles étroites de la médina de Fès, mais à l'intérieur, ce sont de véritables unités de trituration de l'huile appelée communément les maâssaras.

Le côté pile de l'extraction de l'huile
Elles assurent une production réduite en raison notamment de l'étroitesse des locaux et des difficultés d'accessibilités. Mais elles sont à l'origine de problèmes importants de pollution à cause de leurs rejets déversés dans le réseau d'assainissement de la ville et atteignent l'Oued Fès, affluent de l'Oued Sebou. Elles ne sont pas d'ailleurs les seules. Sur Fès, environ 215 unités traditionnelles sont recensées avec juste 2% de la production de la ville et beaucoup de pollution. Les huileries industrielles d'un rendement plus élevé et surtout de capacité de trituration plus importante sont en nombre de 47 unités d'après les chiffres avancés par la Radeef : 34 unités sur le quartier industriel Dokkarat, 12 unités sur la médina et 1 unité sur Sidi Brahim.

Elles utilisent souvent le procédé d'extraction par pression et le procédé continu à trois phases dont la capacité de trituration moyenne est de l'ordre de 35 tonnes par jour et constituent les plus gros pollueurs. « Ces unités possèdent un potentiel de production très important de 38000 tonnes d'huile d'olive par an représentant ainsi 20 à 30% de la production de l'huile d'olives marocaine et générant par conséquent une pollution équivalente à 160000m3 par an soit 3 à 4 millions d'habitants sur la période d'octobre à février », précise le management de la Radeef. Ces différentes unités de trituration produisent en fait deux types de résidus polluants, le grignon et les margines. Le grignon étant un résidu solide formé des pulpes et noyaux d'olives.

Il est utilisé par certaines huileries industrielles pour produire une huile dite de grignon par l'extraction par solvant (chimique) de son huile résiduelle ou comme combustible dans des chaudières industrielles, des fours et des bains publics (Hammams). Les margines proviennent de leur côté de l'eau de végétation des olives, de l'eau ajoutée lors du procédé d'extraction et l'eau de lavage. Les margines sont caractérisées, selon les spécialistes, par une forte coloration, un faible PH ( 4,5 – 5,2), une forte charge organique ( 85 gO2/l DCO) et charges salines dues aux ajouts importants de sel pour la conservation des olives. Ces caractéristiques confèrent aux margines une pollution au moins 100 fois plus que celle des eaux usées urbaines. Le danger vient surtout du fait qu'au niveau des unités industrielles, les margines sont dans la plupart des cas déversées brutes sans aucun traitement dans le milieu naturel, soit directement soit à travers le réseau d'égouts public, et posent de sérieux problèmes de pollution. Les experts citent, entre autres, l'acidification du milieu, la destruction de la microflore bactérienne du sol, sels potassiques qui ont un effet néfaste sur les plantations, la pollution des cours d'eau, oueds et barrages et disparition de la vie aquatique et la pollution de la nappe phréatique, etc.

La problématique n'est pas nouvelle, elle fait l'objet depuis quelques années de débats et d'ateliers. Mais la situation sur le terrain se détériore d'une année à l'autre à Fès et sa région avec l'indifférence de la plupart des opérateurs du secteur et le silence complice des autorités locales. Pareil pour toutes les régions qui produisent l'huile d'olive. Celle de Meknès-Tafilalet est de plus en plus sensible à la problématique environnementale causée par la gestion des résidus industriels à cause notamment des vastes programmes de plantation et d'extension des surfaces oléicoles dans la région, de son important secteur de transformation des olives, dont la capacité estimée à 5 000 tonnes d'olives par jour et de la hausse attendue dans les prochaines années. D'ailleurs, la région est confrontée à chaque campagne oléicole aux risques de la pollution des oueds (Oued Bahte), barrages (Sid Chaed, Al Wahda) et des différents cours d'eau.
A noter qu'une commission technique a été créée à l'initiative du département de l'Environnement pour identifier les solutions pour le traitement de ces résidus polluants.

Le Fonds de dépollution industriel (FODEP) a financé de son côté la réalisation d'une étude qui se propose d'élaborer un diagnostic de l'industrie oléicole au Maroc. Les résultats de l'étude révèlent que deux options possibles pourraient être envisagées pour le Maroc pour faire face aux problèmes de margines et de la pollution engendrée. La première option consiste à éliminer les margines par évaporation. L'évaporation naturelle consiste à collecter les margines dans de grands bassins de stockage, peu profonds et ouverts à l'air libre (bassins d'évaporation) et leur élimination par évaporation naturelle. Un projet piloté par la Radeef avec deux bassins d'une surface de 14.000 m² fonctionne actuellement à Fès. Ces bassins qui sont situés à 15 km de Fès n'accueillent qu'une partie des margines des huileries. « Cette installation étant insuffisante pour traiter l'ensemble des effluents. La Radeef comptait réaliser dans le cadre du programme de dépollution industrielle une station d'évaporation forcée pour une capacité de 70 000 m3 par an. Cette solution peu éprouvée à ce jour peut engendrer beaucoup de problèmes techniques de fonctionnement et des nuisances en termes de transport incessant entre Fès et les bassins en plus des coûts d'investissements conséquents », explique un responsable de la Radeef.

Pour le pilote de Fès, on estime les frais de fonctionnement à 50 DH/m³ et les frais de fonctionnement et amortissement à 200 DH/m³. A cela s'ajoutent l'évaporation freinée par la formation d'une couche d'huile à la surface, les problèmes de transport, par camions citernes ou par conduites, ainsi que la nécessité de disposer de grandes superficies de 2 m²/m³ de margines, ce qui n'est pas à la portée de tous les opérateurs de la filière. L'évaporation forcée est basée de son côté sur le principe de l'augmentation de la surface d'évaporation par l'utilisation de panneaux à nids d'abeilles et l'atomisation des margines pulvérisées sur ces panneaux. Des essais avec cette technologie avaient été prévus pour une unité pilote d'évaporation de 2000 m³/an à Fès. Mais depuis dix ans ce projet n'a pas encore dépassé le stade de planification. Une nouvelle étude technico-économique pour le traitement des margines a été lancée par la Radeef en novembre 2007 sur financement FFEM. Elle préconise le changement de technologies vers des procédés continus bi-phasés pour l'ensemble des huileurs. « La mise en œuvre de cette solution écologique exige un effort de la part des huileurs mais reste la seule compatible avec le délai de mise en service de la station d'épuration », précise-t-on à la Radeef.

Le Centre marocain de production propre (CMPP) a mené de son côté une expérience pilote avec une grande unité industrielle à la ville de Meknès qui produit plus de 1000 T olives par jour. Et ce se basant sur l'utilisation du procédé écologique d'extraction de l'huile utilisant très peu d'eau et ne produisant pas de margines. Les résultats sont satisfaisants. Il ressort de l'expérience selon le rapport du CMPP que dans l'utilisation de la trituration à 2 phases, il y a une faible consommation en eau, un meilleur rendement en huile, une thermorégulation très précise de l'opération de « malaxage » 30°C et une meilleure rétention des composés antioxydants (les polyphénols). Aussi, pour une même capacité installée, le coût de l'investissement est moindre, puisque par rapport au système à trois phases certains équipements ne sont plus nécessaires tel que la pompe pour l'injection d'eau dans le séparateur horizontal, la chaudière pour le chauffage de l'eau et d'équipements pour le traitement des margines », explique dans le rapport de CMPP. De même le coût d'exploitation est moindre du fait que le volume d'eau mobilisé lors du processus de fabrication est très modeste et que l'énergie consommée est inférieure.

Seul hic, les grignons résultant de ce procédé écologique continu à deux phases sont humides. Ils contiennent 8 à 10 % plus d'eau que ceux du procédé à trois phases et peuvent contaminer le sol. Il n'est pas possible de les sécher à l'air libre et c'est la raison pour laquelle il est indispensable d'équiper les huileries travaillant selon le procédé écologique d'une installation de séchage des grignons. Le gouvernement a proposé dans ce cadre des facilités de financement de la conversion des unités de trituration en deux phases (équipement et expertise) mais en vain. Par manque de fibre écologique ou par peur du changement de technique chez bon nombre d'opérateurs de la filière, ce concept écologique, malgré ses nombreux avantages, est loin de trouver une large utilisation. Et de fait, on continue à polluer au vu et au su de tout le monde.
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500.000 m3 de margines éliminées

Dans près des 287 unités de trituration modernes et semi-modernes que compte le Maroc, la capacité de trituration minimale est supérieure à 10 tT par jour. La région de Fès constitue le premier pôle de concentration de ces unités industrielles avec 42 %. Elle est suivie de la région de Marrakech et la région de Meknès avec respectivement 22 % et 16% des unités industrielles. Elles assurent la trituration d'environ 50% de la production nationale des olives. Le procédé d'extraction par pression est adopté par toutes les "maâssara" de la médina et plus de 9 autres sur Dokkarat. Le procédé continu à trois phases dont la capacité de trituration moyenne est de l'ordre de 35 tonnes par jour, est installé par 25 unités dont 20 sont mixtes possédant les presses et les 3 phases alors que le système de trituration continu à deux phases est installé par une seule unité mais non fonctionnel. La filière oléicole marocaine occupe une superficie de 600.000 ha et le volume total des margines éliminées annuellement par les huileries avoisine les 500.000 m3.
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