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La drague à la marocaine

On les trouve partout : au coin de la rue, sur les terrasses des cafés et au bord des voitures et des motocycles… ils sont de tous les âges, de tous les niveaux sociaux et de tous les aspects physiques qu'on peut imaginer.

La drague à la marocaine
Seule une chose les distingue: ce vice endurci et incorrigible d'aborder filles et femmes sur la voie publique. Appuyé contre un mur, mains dans les poches, Khaled est aux affûts du beau sexe. C'est son passe-temps favori qu'il pratique avec assiduité depuis longtemps. Chaque fois qu'une fille ou une femme passe, il louche des yeux et la balaye du regard de la tête aux pieds, le tout assaisonné de sifflements et de mots grossiers préparés auparavant pour l'occasion. Dame, demoiselle, jeune, âgée, jolie, laide, ce dragueur patenté ratisse large et a le cœur assez grand pour pouvoir admirer toutes celles que ses yeux croisent. A sentir ses regards persistants et à entendre ses remarques déplacées, certaines filles pudiques trébuchent, leurs joues s'empourprent et elles s'échappent vite pour s'épargner les insolences du jeune homme. D'autres, habituées à ces scènes se montrent indifférentes et continuent leur chemin sans broncher. De nos jours, nos rues se sont transformées en de véritables champs de combat opposant les deux sexes. Les hommes, paraît-il ont du mal à accepter la présence de la gent féminine sur la voie publique qu'ils considèrent comme leur espace naturel et exclusif.

Ils trouvent encore quelque chose d'arrogant, voire d'indigne à ce qu'une femme marche sans gêne dans la rue, coude à coude avec eux. La drague ou le harcèlement, est, du coup, une manière de les pénaliser et de leur dire : écartez-vous de notre chemin, laissez-nous en paix et allez vous enfermer chez-vous ! Mais cela n'empêche que la drague a souvent une visée sexuelle. Les dragueurs jettent d'habitude la responsabilité sur les filles et arguent, pour justifier leur attitude, de l'apparence peu respectable de celles-ci qui les met tout en flammes. Anouar, jeune étudiant à Madinat Al-Irfane, raisonne de cette manière. «On désigne souvent les dragueurs comme des personnes immorales, mal éduquées et sans scrupule. Mais jamais on ne fustige ces filles aguicheuses qui sont, à mon avis, l'origine du mal. Qu'attendez-vous d'un jeune homme qui croise sur son chemin une fille à moitié habillée, maquillée comme une poupée et qui exhale un parfum à donner le vertige ? Et qu'appelez-vous cela sinon une invitation franche à la drague ? », S'enthousiasme-t-il.

Mustapha, fonctionnaire à Rabat va jusqu'à assumer que ce sont les filles qui draguent les garçons, et non pas l'inverse. « Un homme est souvent faible devant une fille ou une femme qui le tente. C'est instinctif. Croyez-moi, il est très difficile pour un homme de détourner les yeux quand il rencontre une fille «allumeuse» sur son chemin», affirme-t-il. Mais pour la plupart des femmes, la drague reste un comportement répréhensible et inacceptable quelles que soient les circonstances et les motivations. A évoquer la question de la drague, Samira, fonctionnaire à Rabat, s'emporte : « la drague est une pratique vulgaire, avilissante et méprisable. Malheureusement, c'est devenu un phénomène de société. Sur l'espace public, la femme est perçue comme une proie facile ou une « chose » accessible. Elle doit faire attention à chaque geste, à chaque parole, alors que pour les hommes, tout est permis». Mais, selon la jeune femme, la drague ne fait pas que des gênées. «Il arrive parfois qu'on se sente flattée d'un compliment adressé avec « art» et politesse.

C'est un hymne à la beauté et au charme féminins », nuance-t-elle. Hasna, étudiante en journalisme, est du même avis. La drague pour elle est un éloquent témoignage d'admiration, pourvu, bien sûr, qu'elle ne dépasse pas les bornes. « Le fait que quelqu'un me fasse des avances me réconforte et me donne confiance en moi. Je me dis alors que j'ai une personnalité attirante et quelque chose qui me distingue des autres filles », avoue-t-elle.
Cependant, toutes les filles et femmes du monde condamnent à l'unisson le harcèlement sexuel qui constitue la forme la plus violente de la drague. Grossier et agressif, le harcèlement débute du moment où le dragueur manque de politesse, profère des paroles ou des remarque obscènes ou tout simplement s'obstine malgré le refus catégorique et sans équivoque de la fille. Le harceleur ne se borne pas, dans ce cas, aux simples mots, mais il joint « le geste à la parole » et pousse le bouchon plus loin en essayant de caresser le corps de sa victime ou de l'embrasser contre son gré. Souvent, les reproches ne font qu'enhardir les plus impertinents il devient donc nécessaire de crier au scandale pour leur faire entendre raison.
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Projet de loi

Invention de la ministre du Développement social, de la Famille et de la Solidarité Nouzha Skalli, ce projet tant attendu par les associations féministes patauge depuis l'année dernière. Il entre dans le cadre des efforts entretenus par le ministère pour éradiquer toutes les formes de violence à l'égard des femmes. Ce projet vise à criminaliser le harcèlement sexuel dans la rue, mais aussi sur les lieux de travail. En vertu de cette loi, aborder une femme sur la voie publique serait passible d'une peine d'un mois à deux ans de prison et d'une amende allant de 1200 à 2000 dirhams. Pour faire sortir cette loi au domaine de réalité, le département de Mme Skalli envisage des actions communes avec les ministères de la Jeunesse, de la Santé et la Gendarmerie royale. «Nous devons convaincre toutes les bonnes volontés sur la nécessité de combattre le harcèlement sexuel», avait affirmé la responsable en 2008. Il reste à signaler qu'une des grandes difficultés qui rencontrent le projet de la loi anti-drague consiste dans les frontières, très perméables, entre le harcèlement sexuel, unanimement fustigé, et la drague qui plaît à certaines femmes.
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