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À quoi servent les festivals ?

Dr. Hassan FAOUZI Docteur en géographie, environnement,
aménagement de l'espace et des paysages Université Nancy 2, France.

À quoi servent les festivals ?
Tan Tan ville, Tan Tan plage, Chbeika, Guelmime, etc. Tous ces centres ont en commun d'être associés à un festival. La festivalomania est devenue une véritable cacophonie événementielle. À quoi servent ces festivals? C'est avec cette question pour le moins pertinente que nous ouvrons cet article. Pertinente, parce que dans le fond du fond, derrière tous ces «pourquoi y' en a-t-il autant» et «pourquoi devrions-nous nous soucier de leur financement» qui secouent régulièrement nos neurones, c'est bien elle qui nous taraude. À quoi servent les festivals? Un esprit chafouin aurait bien vite fait de répondre « à rien », mais ce ne serait que taquinerie de sa part. Pourtant, on serait bien en mal de lui opposer une réponse définitive. À quoi servent les festivals… À faire la fête et à voir les vedettes alors. C'est peut-être le plus bas dénominateur commun. À travers cet article on va s'attacher à comprendre l'origine de cet engouement pour les festivals, une marée bien perceptible sur l'ensemble du territoire marocain.

La mode des festivals prend racine dans les années 1980, sous l'impulsion du mouvement de la décentralisation dont le but, était la lutte contre le désert culturel des régions. Cette situation a fourni en partie aux premiers festivals leurs fondements idéologiques et préparé leur développement. Les festivals sont même devenus chez certains une préoccupation à part entière. Elles se développent sur tous les territoires mais également en direction de tous les publics. Les festivals sont normalement construits autour d'un projet artistique, visant la présentation de spectacles inédits, l'excellence, la découverte de nouveaux talents. Ils scellent la rencontre entre un créateur et un lieu. Ils ont aussi pour objectif premier la valorisation d'un patrimoine ou l'animation d'un site patrimonial, susciter la venue de touristes et dynamiser la fréquentation. Dans l'espace public, "le festival est un moment de relecture de la ville qui permet aux habitants de se réapproprier leur espace de vie". Beaucoup de territoires européens tirent des avantages économiques considérables des festivals. L'activité économique est stimulée par le festival qui permet la revitalisation de la ville en mettant en valeur ses atouts socio-économiques et ses spécificités naturelles et culturelles. Les festivals sont également intégrés à une offre touristique afin de faire connaître et de rendre attractives les localités (I. Garat, 2005).

Les festivals s'inscrivent pleinement dans les enjeux d'aménagement du territoire. Ils participent à l'organisation et à la promotion des territoires, Ils constituent un moyen d'aménagement intéressant à mettre en relation avec le goût que leur portent les responsables locaux. Non seulement le festival contribue à promouvoir l'image souhaitée, mais il a aussi la capacité d'enrayer une dynamique de représentation négative. Certaines villes s'emparent du canal culturel pour s'affirmer sur le plan national et international (exemple le festival Gnaoua d'Essaouira). Ce dernier offre la possibilité pour des villes moyennes généralement dépourvues d'atouts économiques ou d'avantages liés à leur localisation, de s'affirmer sur le plan national et international et de conjurer les logiques d'exclusion géographique consécutives à la mondialisation économique. Si les retombées attendues sont nombreuses (attraction de touristes voire d'entreprises, déclin des logiques d'exclusion, revalorisation territoriale, ouverture sur le monde), il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un outil à double tranchant.

Quels sont les effets économiques des festivals? Quelle est leur spécificité par rapport aux effets produits par des investissements dans d'autres domaines? Il s'agit de spécifier là les registres de la valorisation : les retombées financières des activités culturelles à travers le tourisme, la création de nouveaux métiers autour du patrimoine, le renforcement de la cohésion sociale et de l'attractivité territoriale, etc. La rentabilité de telles activités est souvent mesurée à l'aune des retombées économiques sur la cité et sur la région. Dans ces régions (Tan Tan ville, Tan Tan plage, Chbeika, Guelmime, etc.) la rentabilité est nulle, aucune dynamique n'est engendrée par ces festivals qui pourra rejaillir sur elles et permettre une meilleure identification de ces régions. Aucun programme n'est engagé, comme la rénovation et la restauration du patrimoine bâti sans parler des projets qui doivent être initiés par la population locale et qui sont inexistants. Pourquoi? C'est moins la présence du patrimoine que la volonté, le dynamisme et l'imagination des acteur s locaux qui est déterminante. Certains festivals sont créés alors que le site d'accueil ne présente aucune aménité particulière. La personnalité des créateurs ou des décideurs joue un grand rôle.

Les festivals des villes européennes ne seraient pas aussi connus si leurs élus n'étaient des amoureux de la culture qui ont décidé d'emmener leurs villes avec eux dans l'aventure du festival. Ces manifestations n'auraient pas le même impact si les élus, ne se sont personnellement investis dans un projet de festival destiné à valoriser leurs villes d'élection. Les plus grands festivals, ceux qui connaissent le plus grand nombre de spectateurs ou qui suscitent le plus vif intérêt médiatique, sont aussi ceux d'où se dégagent des personnalités fortes et très compétentes.
Les élus locaux des communes, des villes ou des régions, jouent un grand rôle dans le développement et le succès des festivals. Si les élus des villes européennes sont à l'origine du succès de l'événement, nos élus (dont l'incompétence créative est absolue) au contraire, profitent de l'organisation de ces manifestations à des fins électorales ou pour acquérir une certaine notoriété, etc… !!!
Dans nos régions (Tan Tan ville, Tan Tan plage, Chbeika, Guelmime, etc.) le foisonnement des festivals offre un contraste saisissant avec la mauvaise santé chronique des infrastructures. Hôpitaux, théâtres, routes, unités industrielles, éclairage, espaces verts, etc. sont déficitaires. Pire, dans ces régions, il n'existe pratiquement aucune bibliothèque ni médiathèque, pas de lieu permettant d'accueillir quelques centaines de personnes dans des conditions correctes pour lire et débattre.

En additionnant les subventions données à ces festivals, il serait possible de mener à bien une véritable politique de développement culturel et de construire en quelques années les infrastructures qui font défaut. Il faut que ces manifestations associent la musique à la découverte touristique, dans lesquels la musique anime le lieu et le lieu permet une écoute particulière de la musique. À Tan Tan ville, Tan Tan plage, Chbeika, Guelmime, etc., les stars sont là et chaque année, la couverture médiatique de ces présences prend un peu plus de place.
On préfère des têtes d'affiches connues venues du Moyen-Orient ou des nationaux, qui viennent remplir leurs poches, l'essentiel est de remplir les arènes. Et tant pis si des jeunes porteurs de projets et des jeunes diplômés attendent depuis des années un petit quelque chose. Dès l'introduction de son article apparu dans le New York Times du 07 Septembre 2008, A. O. Scott reformulait sa question: non pas à quoi servent les festivals, mais à qui sont-ils destinés? Là est la clé.
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