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Obama devant les musulmans

Par Parvez Ahmed Professeur à l'Université de North Florida

Obama devant les musulmans
«Il y a des musulmans dans ma famille, j'ai vécu dans des pays musulmans», a déclaré le président Barack Obama hier soir, dans l'interview qu'il a accordée à la chaîne Al Arabiya de Dubaï, dans son premier contact avec le public musulman.
Selon des rapports parvenus récemment du monde musulman, on y observe un regain d'optimisme, depuis l'investiture, il y a une semaine, du premier président afro-américain. Ce n'est pas seulement du fait de sa race, ou de son second prénom, Hussein. C'est, surtout, l'effet de son style réfléchi. Lors de son discours d'investiture, le président Obama s'est révélé particulièrement conscient de la situation : “Pour le monde musulman, nous cherchons une nouvelle voie, fondée sur l'intérêt mutuel et le respect mutuel”, ajoutant cet avertissement : “Aux dirigeants de ce monde qui voudraient semer la discorde ou attribuer à l'Occident la responsabilité de leurs maux … vos peuples vous jugeront sur ce que vous pouvez construire, et non sur ce que vous détruisez”.

Par ces mots, il affirmait que toutes les nations doivent trouver le moyen de résoudre leurs propres problèmes intérieurs sans en reporter la faute sur le monde occidental. Il reconnaissait cependant le rôle des Etats-Unis : “A mesure que le monde se rétrécit, notre humanité partagée se révèle. L'Amérique doit jouer le rôle qui lui revient dans l'avènement d'une nouvelle ère de paix”. Ces paroles d'espoir prononcées par le président Obama offrent aux musulmans l'occasion d'une nouvelle donne. En reconstruisant leurs communautés à partir d'une vision positive des opportunités économiques, éducatives et politiques de tous leurs citoyens, les musulmans peuvent positivement contrecarrer un extrémisme religieux en faillite morale et abhorré par un Islam fidèle à ses principes.

Obama les a assurés qu'ils ne seraient pas seuls dans ce combat. Il a juré d'abattre le terrorisme “par des méthodes conformes à nos valeurs et à nos idéaux”. En d'autres termes, il s'agit d'interdire non seulement la torture et les déportations clandestines, mais aussi de faire reculer les préjugés et les accusations gratuites. “Nous avons le devoir d'aller de l'avant, plutôt que de ressasser les conflits et les tragédies du passé”, a-t-il affirmé dans son entretien avec Al Arabiya.Pour se démarquer clairement du passé, Obama devrait, suivant l'exemple de l'Union européenne, s'interdire tout amalgame verbal entre la foi de l'Islam et le terrorisme, et reléguer aux poubelles de l'histoire tous les termes douteux que sont “islamofascisme”, “djihadiste”, “islamiste” et autres. Certains experts américains en matière militaire et de défense, dont Douglas Streusand, et le lt. col. Harry Tunnell de la National Defense University, reconnaissent que l'artifice rhétorique qui consiste à associer terrorisme et Islam ne fait qu'aliéner les musulmans, sans pour autant résoudre le problème du terrorisme. En se dotant d'une politique étrangère et d'une diplomatie radicalement différentes, Barack Obama peut aussi présider à l'avènement d'une nouvelle ère de coopération américano-musulmane.

Ainsi, les programmes d'aide à l'étranger doivent-ils être réévalués de façon à assurer un équilibre entre les impératifs de sécurité et les besoins sociaux que sont la santé, l'éducation, l'innovation et la création d'entreprises. Un département d'Etat nouvelle formule pourrait multiplier les programmes d'échanges et de formation partout dans le monde, et surtout dans les pays musulmans.
De tous les problèmes qu'Obama a reçus en héritage, un des plus coriaces est le conflit inextinguible entre Israël et le monde arabe. “Un œil pour œil et le monde sera aveugle”, disait Gandhi. Telle est la triste réalité de ce conflit. Une Amérique sûre d'elle-même et neutre pourrait rompre le cycle infernal, sur la base d'une sécurité, d'une dignité et d'une prospérité mutuellement garanties. Allant plus loin, Obama devra lancer l'idée d'une détente tous azimuts qui donnerait à tous les acteurs de la région, Syrie et Iran compris, la possibilité de jouer leur rôle dans la construction d'un avenir pour leur région. Obama doit poser sans équivoque que, dans son aide au monde musulman, l'Amérique ne bradera pas ses valeurs et ses idéaux.

Elle se fera le champion de la démocratisation, de la restauration de la primauté du droit, des principes de liberté religieuse et des idéaux d'égalité, particulièrement pour les femmes et les minorités. Selon un sondage Gallup de 2008, la majorité des populations musulmanes partagent en grande partie ces valeurs. Une Amérique amicale pourrait consolider ces tendances. Dans son dialogue avec le monde musulman, Obama devra aussi prendre en compte le rôle que les Américains musulmans peuvent jouer dans notre politique étrangère. Pendant la campagne, l'ancien secrétaire d'Etat, le général Colin Powell, avait particulièrement salué leur patriotisme, même s'il reste hélas invisible dans le discours public, si ce n'est dans le contexte du terrorisme. Imaginons un président Obama faisant fi des critiques qui ne manqueront pas de s'abattre sur lui et recherchant ouvertement le soutien des islamo-américains dans la reconfiguration d'une politique nouvelle à l'égard du monde musulman. Ce faisant, il anéantirait la légende qui nourrit l'anti-américanisme dans le monde musulman, à savoir que les Etats-Unis sont en guerre contre l'Islam.
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