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Thaïlande : des bouddhistes et des musulmans vivent en parfaite harmonie

Philip Golingai
Journaliste malaisien travaillant à Bangkok et rédacteur pour Asia News Network, groupement de 21 journaux asiatiques, comprenant le journal malaisien The Star et le quotidien indonésien Jakarta Post.

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BangkHamzah Desa, Thaïlandais musulman de 42 ans, est assis en tailleur dans la véranda de sa maisonnette en bois à Kampung Che Bilang à Satun, province à majorité musulmane du sud de la Thaïlande.
Dans le village, c'est un dimanche après-midi comme tous les autres. Une poignée de villageoises voilées achètent des salades de papayes et des brochettes de poulet à un marchand ambulant.
« Regardez-les. Le vendeur est un Chinois bouddhiste et les clientes des Malaisiennes musulmanes », dit Hamzah, agent de développement pour les services communautaires de Kampung Che Bilang, dans un malais empreint d'un fort accent de Kedah. « C'est une scène qu'on verrait difficilement à Pattani (région dont la population est majoritairement musulmane et qui est divisée en trois provinces - Yala, Narathiwat et Pattani – situées sur la côte est de l'isthme de Kra).»

Hamzah désigne ensuite l'épicerie d'à côté, dont le propriétaire, Bunleur Karnsannok, est un Chinois bouddhiste de 62 ans, pour illustrer la façon dont bouddhistes et musulmans vivent côte à côte, dans l'harmonie, à Satun.
«Nous sommes comme des frères. Quand nous célébrons l'Aïd el Fitr pour marquer la fin du jeûne du Ramadan, nous offrons des gâteaux à la famille de Bunleur et, au Nouvel An chinois, c'est eux qui nous en offrent. » dit-il. «Nous sommes tous les mêmes », reprend en écho son voisin épicier qui vit dans le village depuis 40 ans. La relation fraternelle entre musulmans et bouddhistes dans la province de Satun est en grand contraste avec la situation dans la région de Pattani, où les agitations liées au mouvement séparatiste ont fait plus de 3.700 morts – bouddhistes et musulmans – depuis janvier 2004.

La province de Satun, qui se trouve en bordure des Etats de Kedah et de Perlis dans le nord de la Malaisie, faisait autrefois partie du Sultanat de Kedah. Dans le traité de 1909, les autorités siamoises et britanniques séparèrent les régions septentrionales malaisiennes de Pattani, Kelantan, Terngganu et Kedah. Les Siamois obtinrent Pattani et une partie de Kedah (l'actuelle Satun) tandis Kelantan, Trengganu et la majeure partie de Kedah revinrent aux Britanniques. La capitale de la province de Satun est appelée Satun (prononcé "stoun") et se trouve à environ 970 km au sud-ouest de Bangkok. A peu près 70 % de sa population, qui se chiffre à 280.000 habitants, est d'origine malaise et musulmane. Les musulmans de Pattani et les musulmans de Satun n'ont pas les mêmes aspirations, remarque Siti Hajar Sasen, qui porte le voile et habite à Kampung Che Bilang. La jeune ménagère de 27 ans est mariée à un Malaisien de 50 ans, propriétaire d'un restaurant halal dans la ville de Satun et exportateur de poisson thaïlandais, provenant de Ranong, vers Kuala Perlis en Malaisie.

« Les Malaisiens de Pattani veulent se séparer de la Thaïlande, alors que nous voulons vivre harmonieusement avec les autres communautés », explique-t-elle. « Tout ce que nous voulons, c'est la paix, lutter contre le gouvernement thaïlandais n'est pas bon pour les affaires. » Cette absence de tensions entre communautés est économiquement très bénéfique pour la population de Satun. Le revenu par habitant y est à peu près 50 pour cent plus élevé qu'à Pattani – où pratiquement chaque jour des personnes meurent, victimes d'attentats séparatistes.
Siti Hajar reconnaît qu'elle vit sans problème dans le royaume majoritairement bouddhiste. « Le gouvernement n'empêche pas les musulmans de faire des affaires et de devenir millionnaires, le gouvernement n'empêche pas les musulmans de bâtir des mosquées. Que demander de plus ? »

Ali Man, un chef religieux musulman de 75 ans qui vit à Kampung Che Bilang partage cet avis. « Bien qu'en Thaïlande, nous soyons une minorité, quand nous nous portons acquéreur d'un terrain, le gouvernement thaïlandais n'attache pas d'importance au fait que nous soyons musulmans ou bouddhistes », dit-il, vêtu d'un costume traditionnel malais, que lui a offert son frère, un Malaisien qui vit à Kuala Lumpur. Ali sourit lorsqu'on lui demande s'il possède d'énormes plantations de caoutchouc. « Dieu soit loué » dit –il, « je suis reconnaissant que le gouvernement n'exerce pas de discrimination». Hamzah reconnaît également qu'il n'y a pas de discrimination à Kampumg Che Bilang. «Bien que nous formions la majorité (90 pour cent des 500 foyers vivant au villages), nous n'imposons pas nos opinions religieuses aux autres », dit-il.

Pour citer un exemple, le comité de développement du village permet aux non musulmans de consommer de l'alcool en public, dans une zone de chantiers navals fréquentée par des armateurs occidentaux. Est-ce que Hamzah aurait voulu que la province de Satun fasse toujours partie de Kedah ? «L'histoire en a décidé autrement. Mes ancêtres sont devenus Thaïlandais en un clin d'œil», dit-il. « Je ne le regrette pas. Je suis né Thaïlandais. »
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