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Une Charte nationale de l'environnement à valeur constitutionnelle

Mohammed Bedhri
Professeur à la faculté de droit d'Oujda

Une Charte nationale de l'environnement à valeur constitutionnelle
La première Charte mondiale de la nature a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies en 1982. En Europe, plusieurs chartes de l'environnement ont été adoptées dont notamment la Charte européenne de l'eau proclamée en mai 1968 à Strasbourg par le Conseil de l'Europe, la Charte des parcs naturels régionaux adoptée en 1975 à Constantin. Aux Etats-Unis, le droit pour chaque individu à l'environnement sain a été adopté par le Congrès en 1969. Bien construits, emplis de formules grandioses, ces textes n'ont qu'un défaut : leur force obligatoire est nulle. Faute de sanction, l'absence de mécanisme propre à en mesurer l'application, leur rôle ne peut être que philosophique ou politique.

Toutefois, il ne faut surtout pas négliger leur impact et nous saluons cette nouvelle source de droit, qualifiée de «soft law». Pour ce qui est de la Charte de l'environnement annoncée par le S.M le Roi Mohammed VI, lors du discours du trône le 31 juillet dernier, elle ne peut être qu'obligatoire et de rang constitutionnel. Quels seront le contenu et la nature juridique de ce texte ? A titre d'exemple, la Charte française adossée à la Constitution de 1958 constitue une référence pour le législateur appelé à élaborer le texte en question ? La Charte de l'environnement initiée par l'ancien Président français Jacques Chirac est une avancée indéniable dans la quête de la sauvegarde de l'environnement. La Charte de l'environnement a été adoptée le 28 février 2005 par le Parlement réuni en congrès à Versailles, avec plus de 95 % des suffrages exprimés. Elle place désormais les principes de sauvegarde de l'environnement au même niveau que les droits de l'homme et du citoyen de 1789 et que les droits économiques et sociaux du préambule de 1946. La Charte reconnaît notamment à chacun le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, le droit d'accéder à l'information détenue par les autorités publiques et le droit de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. Si ce texte accorde des droits à chacun, il impose aussi des devoirs.

Chacun doit ainsi contribuer à la préservation et à l'amélioration de l'environnement et, le cas échéant, contribuer à la réparation des dommages qu'il a causés. Par ailleurs, les pouvoirs publics sont tenus d'appliquer le principe de précaution et de promouvoir un développement durable. Enfin, le texte modifie l'article 34 de la Constitution afin de confier au législateur la détermination des principes fondamentaux de la préservation de l'environnement. L'élévation au rang constitutionnel de principes à finalité environnementale (prévention, précaution, responsabilité) va permettre de donner une assise juridique à certains instruments nécessaires à la politique publique en matière d'environnement. Sur le plan formel, la Charte dispose d'un préambule et d'un corps de texte qui comprend dix articles. Par conséquent, la charte française constitue une référence importante pour s'en inspirer tout en gardant à l'esprit que la France et le Maroc sont deux pays différents. La Charte de l'environnement marocaine devrait également disposer d'un préambule qui devrait souligner la richesse de l'écosystème marocain menacé par la pollution et la détérioration de l'environnement. L'article 1 devrait insister sur le droit à l'environnement de chaque citoyen. Le droit à l'environnement constitue le droit de la troisième génération au même titre que le droit à la solidarité et au développement.

Dans des pays, le droit à l'environnement a été intégré à la Constitution. Cette tendance à la constitutionnalisation du droit à l'environnement relativement jeune, ne s'est concrétisée qu'à partir des années 70. Elle s'exprime de différentes manières et avec un degré d'intensité inégale. Parfois, c'est le droit à l'environnement qui est énoncé comme c'est le cas de l'article 56 de la Constitution de la Turquie de 1982. La Constitution espagnole de 1978 stipule que « tous ont droit de vivre dans un environnement sain, etc. ». Les Constitutions grecque, russe, chinoise et péruvienne mettent l'accent sur le droit à l'environnement garanti aux citoyens. Aussi, nous proposons que l'article 1, « l'Etat garanti à chacun le droit de vivre dans un environnement de qualité. Ce droit est exercé individuellement ou collectivement dans le cadre des lois qui le régissent.» L'article 2, « Tous les citoyens doivent veiller au respect de l'environnement ». Si la Charte reconnaît le droit à l'environnement dont jouissent les citoyens, en contrepartie, ceux-ci ont l'obligation de protéger l'environnement. L'article 3 « Quelques soient les dommages infligés à l'environnement, ils doivent donner lieu à des réparations et faire l'objet de poursuites judiciaires.

L'article 4 « L'Etat veille au respect du principe de précaution pour parer aux risques écologiques engendrés par des projets économiques dont les impacts ne sont pas maîtrisés. » Le principe de précaution érigé en tant que principe juridique de droit de l'environnement est aujourd'hui largement intégré dans le corpus juridique de nombreux pays. Etant donné que ce principe n'est pas encore introduit en droit marocain, la charte devrait le consacrer en tant que principe fondamental. L'article 5 « L'Etat doit mettre œuvre une politique économique et sociale fondée sur la promotion du développement durable. » L'article 6 « L'éducation et la formation à l'environnement sont les piliers de la prise de conscience de la nécessité de sauvegarder l'environnement ». L'article 6 « L'Islam est berceau de la civilisation marocaine. Le Coran et la Sunna sont des sources fondamentales de toute éducation à l'environnement.»
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