«Mon cœur se resserrait à l'idée de retrouver ces lieux forgés dans l'âme du vide. Des voix semaient des parcelles de vie, disparates et enlacées à la fois», lit-on d'entrée de jeu, dans cette série de nouvelles de Mounir Ferram, baptisé «Les Racines de l'espoir» que l'Harmattan (France) vient de mettre à la disposition du lecteur.
«Le passé avançait obstinément, s'emparait de ma mémoire. Des visages emplissaient l'air que je respirais. Il ne restait plus que moi et la résonance de mes pas qui réveillaient d'autres itinéraires, plus lointains»
C'est de ces «visages» et ces «itinéraires lointains» qu'il s'agit tout au long de ces textes écrits par «un amoureux de l'écriture» qui aime travailler les mots comme l'artiste qui travaille la couleur ou la pâte argileuse. En fait, on devrait penser à l'orfèvrerie pour dire le soin dont ce jeune auteur entoure ses phrases. Il faut le faire quand on sait que Mounir Ferram nous vient de loin. De la galaxie de l'informatique et de la représentation numérique où il passe pour un expert, à celle, plus improbable, mais plus enchanteresse, des mots et des images éthérées qui, seuls, sont à même de révéler le monde.
«Une odeur de menthe invoquait cette lueur bleue, l'insouciance de l'enfance enchaînée au renoncement des choses… Qu'étais-je venu rechercher ici? Des retrouvailles? La vanité ardente des nostalgies? La rencontre qui déchante ou le cheminement imparable de l'âme avide d'ailleurs ? »
Inutile de faire un dessin. On devine le personnage qui se cache derrière ce «je» fictif. L'immigré de longue date, «le revenant» sur les lieux de l'enfance et de la nostalgie mélancolique. C'est un peu l'auteur lui-même. Natif de Khouribga, qu'il quitta à l'adolescence pour Paris où il fit études et carrière.
C'est aussi un peu nous tous. Ne sommes-nous pas tous des immigrants de nos lieux de naissance, à la campagne, en montagne, d'une autre ville ou d'autres origines encore dont on aime de temps en temps aller sentir «l'odeur de la menthe» et où on espère faire des retrouvailles, s'enivrer des effluves de la nostalgie ?
Belle introduction à ce qui suit. En tout cas pour Mounir Ferram, très à cheval, malgré sa culture et sa vie françaises, sur la culture arabe classique dont il était bercé dans son enfance, notamment la poésie antéislamique où il était d'usage, qu'avant d'entrer dans le vif du sujet, de «s'arrêter sur les vestiges du passé».
La nouvelle d'ouverture est un peu ça. Intitulée «Le fils du vent», c'est une sorte de rappel des temps passés, un arrêt sur les vestiges, ou comme on dit aujourd'hui, un arrêt sur image, des images familières d'un passé révolu qui ouvre sur d'autres pages. Du présent, celles-là, mais qui ressemblent à s'y méprendre au passé.
C'est ce que l'auteur nous dit à travers les nouvelles suivantes, six en tout, conçues sous forme de tableaux de personnages ordinaires que nous croisons quotidiennement dans la rue sans trop les fixer dans nos mémoires.
Mabrouka, Salah le fou, Hlima lbahria, Khémiss, Hadda, Khadija, des personnages du commun qui pourtant, une fois grattés du bout des ongles, se déclinent tel un univers de douleurs, de frustrations, de misère, mais aussi d'ingéniosité, de courage, d'amour, de générosité et d'espoir.
Derrière ces histoires se profilent les dures réalités des campagnes marocaines où, à la cruauté de la nature, s'ajoute celle, plus insupportable, des hommes et des circonstances. Le chant des sirènes de l'ailleurs prend sa source de cette misère et de ces frustrations, tout autant que l'embrigadement sous la bannière de l'intégrisme, ou la criminalité, les solutions de désespoir.
Chère Hlima, je ne suis pas aux Emirats Arabes Unis. Mon voyage s'est achevé brutalement en Jordanie. Je m'étais rendu comte que je faisais partie de nombreuses autres victimes, faussement recrutées pour des familles émaraties. En réalité, j'étais destinée pour un cabaret à Amman où je suis contrainte à danser, à servir de l'alcool et parfois, pire… Mon passeport m'a été confisqué à mon arrivée et j'étais hébergée dans des caves avec d'autres filles aussi infortunées que moi.»
«Le passé avançait obstinément, s'emparait de ma mémoire. Des visages emplissaient l'air que je respirais. Il ne restait plus que moi et la résonance de mes pas qui réveillaient d'autres itinéraires, plus lointains»
C'est de ces «visages» et ces «itinéraires lointains» qu'il s'agit tout au long de ces textes écrits par «un amoureux de l'écriture» qui aime travailler les mots comme l'artiste qui travaille la couleur ou la pâte argileuse. En fait, on devrait penser à l'orfèvrerie pour dire le soin dont ce jeune auteur entoure ses phrases. Il faut le faire quand on sait que Mounir Ferram nous vient de loin. De la galaxie de l'informatique et de la représentation numérique où il passe pour un expert, à celle, plus improbable, mais plus enchanteresse, des mots et des images éthérées qui, seuls, sont à même de révéler le monde.
«Une odeur de menthe invoquait cette lueur bleue, l'insouciance de l'enfance enchaînée au renoncement des choses… Qu'étais-je venu rechercher ici? Des retrouvailles? La vanité ardente des nostalgies? La rencontre qui déchante ou le cheminement imparable de l'âme avide d'ailleurs ? »
Inutile de faire un dessin. On devine le personnage qui se cache derrière ce «je» fictif. L'immigré de longue date, «le revenant» sur les lieux de l'enfance et de la nostalgie mélancolique. C'est un peu l'auteur lui-même. Natif de Khouribga, qu'il quitta à l'adolescence pour Paris où il fit études et carrière.
C'est aussi un peu nous tous. Ne sommes-nous pas tous des immigrants de nos lieux de naissance, à la campagne, en montagne, d'une autre ville ou d'autres origines encore dont on aime de temps en temps aller sentir «l'odeur de la menthe» et où on espère faire des retrouvailles, s'enivrer des effluves de la nostalgie ?
Belle introduction à ce qui suit. En tout cas pour Mounir Ferram, très à cheval, malgré sa culture et sa vie françaises, sur la culture arabe classique dont il était bercé dans son enfance, notamment la poésie antéislamique où il était d'usage, qu'avant d'entrer dans le vif du sujet, de «s'arrêter sur les vestiges du passé».
La nouvelle d'ouverture est un peu ça. Intitulée «Le fils du vent», c'est une sorte de rappel des temps passés, un arrêt sur les vestiges, ou comme on dit aujourd'hui, un arrêt sur image, des images familières d'un passé révolu qui ouvre sur d'autres pages. Du présent, celles-là, mais qui ressemblent à s'y méprendre au passé.
C'est ce que l'auteur nous dit à travers les nouvelles suivantes, six en tout, conçues sous forme de tableaux de personnages ordinaires que nous croisons quotidiennement dans la rue sans trop les fixer dans nos mémoires.
Mabrouka, Salah le fou, Hlima lbahria, Khémiss, Hadda, Khadija, des personnages du commun qui pourtant, une fois grattés du bout des ongles, se déclinent tel un univers de douleurs, de frustrations, de misère, mais aussi d'ingéniosité, de courage, d'amour, de générosité et d'espoir.
Derrière ces histoires se profilent les dures réalités des campagnes marocaines où, à la cruauté de la nature, s'ajoute celle, plus insupportable, des hommes et des circonstances. Le chant des sirènes de l'ailleurs prend sa source de cette misère et de ces frustrations, tout autant que l'embrigadement sous la bannière de l'intégrisme, ou la criminalité, les solutions de désespoir.
Esclavage
«Chère Hlima. Mon silence m'était une contrainte, une douleur restée imperceptible à mon être. Je ne sais ni par où commencer mon calvaire, ni comment démêler les fils de ma tristesse sans que des flots de larmes envahissent mes mots. J'espère qu'ils vont parvenir jusqu'à toi et te décrire ce que j'endure…Chère Hlima, je ne suis pas aux Emirats Arabes Unis. Mon voyage s'est achevé brutalement en Jordanie. Je m'étais rendu comte que je faisais partie de nombreuses autres victimes, faussement recrutées pour des familles émaraties. En réalité, j'étais destinée pour un cabaret à Amman où je suis contrainte à danser, à servir de l'alcool et parfois, pire… Mon passeport m'a été confisqué à mon arrivée et j'étais hébergée dans des caves avec d'autres filles aussi infortunées que moi.»
