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Le tapis rbati file un mauvais coton

«Un jour, une cigogne a laissé tomber dans le patio d'une maison un morceau de tapis oriental.

Le tapis rbati file un mauvais coton
Des femmes l'ont ramassé et s'en sont inspirées pour créer le tapis r'bati tel qu'on le connaît aujourd'hui ». Très populaire chez les habitants de l'ancienne médina, cette légende explique pour ainsi dire l'origine orientale du tapis de Rabat. Mais, une autre version, plus rationnelle, dit que le modèle initial de ce tapis aurait été amené par les Mauresques venues s'installer à partir du 17e siècle sur les rives du Bouregreg. Quoi qu'il en soit, le tapis de Rabat s'est forgé, au fil des siècles, sa propre notoriété pour devenir un produit phare de la capitale. Si vous voulez contempler la beauté de ces créations artisanales, il existe un endroit tout indiqué : la rue des Consuls à Rabat. Jadis, lieu prestigieux de résidence des diplomates étrangers, cette étroite ruelle située dans l'espace des Oudayas n'a rien perdu de sa renommée, ni de son charme d'antan.

Des deux côtés s'alignent des échoppes débordant de toutes sortes de produits d'artisanat : babouches en cuir, djellabas de laine pure, poteries… Mais, le commerce des tapis se taille la part du lion de ce patchwork artisanal. Tout au long de cette rue sinueuse, les petites boutiques spécialisées dans la vente des tapis sont légion. Elles sont de toutes les tailles : certaines grandes, spacieuses et bien fournies. D'autres sont plus modestes et situées dans des coins reculés. Exhibée à l'extérieur, parfois à même le sol, ou étalée à l'intérieur des échoppes, la marchandise émerveille l'œil par sa grande variété et ses couleurs bigarrées. «A l'œuvre, on connaît l'artisan », dit l'adage. Il en est de même pour la création des tapis : A la forme et aux couleurs des motifs et des dessins, on peut facilement reconnaître l'origine du tapis. Ceux fabriqués à Rabat, Salé et Casablanca dits « tapis citadins » se caractérisent par une parfaite symétrie, des motifs floraux et géométriques avec un médaillon au centre qui peut prendre plusieurs formes : rosace, losange, carré… Les couleurs des tapis citadins varient avec une dominante rouge. Par contre, les tapis berbères qui proviennent du Moyen Atlas se démarquent des tapis citadins par la richesse et l'éclat de leurs couleurs, leur originalité au niveau des dessins qui représentent parfois des animaux et leurs formes géométriques plus abondantes et plus complexes. Généralement, ils sont moins longs et moins épais que les tapis de Rabat.

Mais si l'offre est abondante et diversifiée, la demande est beaucoup moins forte que par le passé. Il suffit de faire un petit tour dans la rue des consuls pour s'en rendre compte. A l'entrée des boutiques, la même scène se reproduit comme un cliché : des hommes se tiennent tranquilles sur leurs petites chaises.
Ils passent leur temps à regarder nonchalamment les passants. «Comme vous voyez, je suis sans occupation. Le marché est en récession ces temps-ci et la clientèle se fait de plus en plus rare », se plaint le responsable d'une boutique en lançant un soupir de résignation. Le constat concernant la morosité du marché des tapis semble faire l'unanimité de tous ces marchands infortunés. Sur le même ton plaintif, Haj Said, les yeux rivés sur l'écran de son petit téléviseur, avoue : « La situation est désastreuse. Je passe toute la journée à ne rien faire. Il m'arrive souvent de passer trois jours entiers sans gagner un sou ». Pour lui, le prix de la marchandise n'y est pour rien : « De nos jours, les produits industriels fabriqués dans les usines sont vendus plus cher que les produits faits main et pourtant, ils sont plus prisés », affirme-t-il.

Au même moment, des femmes portant des habits caractéristiques des régions montagneuses viennent proposer leur marchandise. « Monsieur, voulez-vous quelques pièces ? Voyez, elles vous plairont, elles sont bien faites», disent-elles très poliment comme pour demander l'aumône. Le Haj les renvoie aussitôt.
«Il ne manque plus que cela », peste-t-il. Et de poursuivre en bâillant : «La boutique est surchargée. Ce sont les clients qui font défaut pas la marchandise». Apparemment, l'industrie moderne n'est pas la seule à blâmer dans cette misère des commerçants de tapis. La crise économique qui bat de plein fouet l'économie mondiale est la goutte qui a fait déborder le vase puisqu'elle a privé les marchands de tapis de leur principale clientèle : les touristes. Le tapis rbati file un mauvais coton.
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Les touristes se font rares

Les touristes ne montrent plus le même intérêt pour le tapis marocain. Et dans cette conjoncture précaire, les choses se dégradent encore davantage pour les marchands. L'air intéressé, une touriste française s'attarde longuement devant quelques pièces disposées à même le sol. Une vieille femme vêtue d'une djellaba semble être à l'affût. Elle s'empresse en toute pétulance au service de la cliente, déroule deux ou trois pièces pour les lui montrer, tout en aspirant à quelque gain arraché au mauvais sort consistant qui la guette depuis belle lurette. Après quelques minutes, la touriste se sauve sans émettre aucune promesse d'achat, laissant la vieille femme plutôt dépitée : «ces touristes viennent se distraire les yeux sans jamais oser acheter», lance-t-elle. La touriste qui ne parait pas l'avoir entendu, semble avoir ses raisons : « Avant de prendre la décision d'achat, j'essaye de faire le tour des boutiques pour comparaître entre les marchandises. J'apprécie la bonne qualité du tapis marocain et je trouve que les prix sont très abordables ». « Seulement, renchérit-elle, à l'aéroport, il est fort encombrant de porter une lourde pièce de trois ou cinq mètres de longueur ». Dès lors, les touristes préfèrent désormais s'offrir, en guise de souvenir des petites choses moins pesantes. Ils sont servis chez les boutiques voisines qui abondent de produits d'artisanat de tout acabit : objets de fer de formes baroques, petits paniers ficelés de fibres, babouches en cuir luisant, poteries multicolores…
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