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«Certains objectifs m'ont paru surdimensionnés»

Le Schéma directeur d'aménagement urbain (SDAU) du Grand Casablanca
est en cours d'approbation. Le point.

«Certains objectifs m'ont paru surdimensionnés»
Le Matin : Pourquoi demandez-vous la révision de ce projet ?

NABIL ROCHD :
En tant que Casablancais, ce projet m'interpelle, car il définit notre cadre de vie. N'étant pas encore approuvé par décret ministériel, le SDAU peut être révisé. Sinon, une fois publié au Bulletin officiel, il deviendra opposable à l'Etat, aux Collectivités locales et aux établissements publics, 25 ans durant.

Mais le projet a été élaboré par des spécialistes, à savoir les cadres de l'AUC et de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région d'Ile de France.

Casablanca est conçue, dans le contexte de la mondialisation, comme le «fer de lance de la stratégie nationale» pour moderniser le pays, attirer des investissements et des entreprises, assurer la cohésion sociale et affronter les défis énergétiques et environnementaux. Pour ce faire, l'équipe du Schéma directeur prévoit une offre métropolitaine nouvelle pour le développement des activités, de l'habitat et des équipements ainsi que la mise à niveau de la locomotive économique du pays. Mais ces objectifs sont, me semble-t-il, un peu trop ambitieux.

Les choix et les options d'aménagement de ce projet ont été validés par le Comité stratégique de pilotage.

La récession économique internationale, dont les ondes sismiques commencent à se faire sentir au Maroc, risque de compromettre ce projet d'envergure.
La crise financière réduit la demande et les échanges internationaux.
Le Plan Emergence adopté par le Gouvernement marocain avec un taux de croissance de 6% n'est pratiquement plus à l'ordre du jour. Pour 2009-2010, les économistes tablent plutôt sur un taux oscillant entre 5.24% et 3.4%. Des mesures d'urgence viennent d'être prises pour soutenir les secteurs exportateurs dans l'attente d'une stratégie nationale. Perdant 10 places depuis 2007, le Maroc occupe la 67e place au niveau du tourisme international. Selon le rapport Davos 2008-2009, notre compétitivité décline à la 73e place sur 134 pays.
Malgré les réformes du climat des affaires, nous sommes au 113e rang en matière de Business cost.

Mais les documents d'urbanisme sont indispensables pour orienter le développement économique et social de la ville, surtout en ce moment où le SDAU et les Plans d'aménagement sont attendus avec impatience.

Tous les plans mis en œuvre de 1917 à nos jours n'ont pas permis de juguler les problèmes complexes de la mégalopole. Prenons le cas du dernier SDAU de PINSEAU. L'extension le long du littoral Casablanca Mohammedia via Aïn Harrouda n'a pas vu le jour. La croissance urbaine a continué à s'étendre en taches d'huile vers El Jadida, Nouaceur et Médiouna, c'est-à-dire à l'opposé de l'axe prévu par l'architecte parisien. Plus de 80% des équipements collectifs n'ont pas été réalisés. L'accès aux services urbains de base reste inégal, en dépit de la concession attribuée à la Lyonnaise des eaux (Lydec). En périphérie, le branchement à l'eau courante ne touche que 6.5% des logements et le tout-à-l'égout est défaillant. Moins d'un m² d'espaces verts par Casablancais. En dépit de l'approbation du SDAU en 1985, de l'homologation des Plans d'aménagement en 1989 et de la publication de la loi d'urbanisme en 1992, l'habitat irrégulier prolifère encore. En l'absence de documents d'urbanisme élaborés dans les délais légaux, l'urbanisme de dérogation est devenu la règle à Casablanca. La Circulaire signée en 2003 par le Premier ministre a en effet permis d'urbaniser quelque 7080 ha à Zénata, Nouaceur, Sidi Moumen sud, Bouskoura, Lahrawiyine et Dar Bouâzza notamment. Autre fait majeur : la spéculation foncière et immobilière atteint son paroxysme ces dernières années.

Investisseurs et promoteurs immobiliers réclament quand même l'extension du périmètre urbain pour réaliser des projets créateurs d'emplois.

Le SDAU projette d'ouvrir 25000 nouveaux hectares d'ici 2030. D'immenses espaces naturels de la première couronne casablancaise seront sacrifiés, au lieu d'être protégés comme réserves alimentaires vu leur fort potentiel agricole. Alors que la population ne progressera que de 1.5 million d'habitants d'ici 2030, les surfaces prévues pour cette date représentent l'équivalent de celles occupées actuellement par 3.6 millions de Casablancais. Et il est proposé en outre d'urbaniser en un quart de siècle l'équivalent de ce qui a été urbanisé en un siècle. Par quels moyens exceptionnels allons-nous équiper les 1 000 nouveaux hectares par an, alors que la simple mise à niveau de la métropole nécessite des budgets colossaux ? Au lieu de respecter les règles de densités humaines les plus fortes pour exploiter les économies d'échelle, et les divisions spatiales les moins marquées pour éviter les ségrégations sociales, l'équipe du SDAU prévoit l'hyperurbanisation de l'espace au détriment des principes de développement durable.

Mais il faut répondre rapidement aux besoins des investisseurs.

Certes la demande est là, mais les besoins en foncier et en immobilier d'entreprises arrêtés par le Schéma directeur sont définis d'une manière aléatoire. Parcs d'activités et zones logistiques de fret de niveau international sont estimés à 4700 ha, soit le double de l'existant. 20 millions de m² de bureaux pour 2030, contre 8 seulement en 2004. Quant aux actifs supposés passer de 1.3 à 2.2 millions durant la même, rien n'est présenté à l'appui de ces projections.

La crise du logement bat son plein et les besoins des ménages sont énormes.

L'histoire de Casablanca est jalonnée de crises aiguës. La spirale des prix immobiliers, les coûts élevés des équipements d'infrastructure conjugués à la faiblesse du pouvoir d'achat des classes défavorisées limitent les efforts publics en matière d'éradication des poches de misère. L'habitat insalubre regroupe encore 28% de ménages casablancais. C'est pourquoi, construire 800.000 nouveaux logements en moins de 25 ans relève du miracle. De 2003 à 2007, la production des logements a été inférieure aux besoins des ménages estimés à 25.000 par an. Les 47.757 logements autorisés en 2008 s'expliquent surtout par la vague des dérogations accordées aux investisseurs et aux promoteurs immobiliers ; ce qui n'est plus le cas avec l'arrivée du nouveau wali du Grand Casablanca.
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