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La Protection civile sur plusieurs fronts

Les sapeurs-pompiers sont chargés, entre autres, de la prévention, la protection et la lutte contre les incendies.

La Protection civile sur plusieurs fronts
Les femmes et les hommes de la Protection civile à Fès sont sans nul doute les premiers acteurs du secours. Ils sont chargés entre autres de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. Ils participent avec les autres services concernés à la protection et à la lutte contre tous type d'accidents notamment de la route, sinistres et catastrophes naturels, à l'évacuation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. Ils sont en somme sur tous les fronts. « La mission de la Protection civile est avant tout de défendre les âmes humaines et les biens que ce soit en temps de paix ou de guerre. C'est un corps qui est très sollicité sur plusieurs fronts. C'est aussi un métier où le sens du service général et de l'assistance est toujours une priorité malgré que son corps soit exposé en permanente aux différents dangers vu la nature de nos interventions», indique le Colonel Taleb Moulay El Hassan, commandant régional de la Protection civile de Fès- Boulemane.

Ces femmes et ces hommes de la Protection civile sont de fait sur le qui-vive pour pouvoir intervenir à la moindre alerte et en toutes circonstances. Et il y a de quoi. La région de Fès-Boulemane, se trouve dans la zone 2. C'est une "zone sismique. Elle est aussi sensible" pour plusieurs raisons. La médina de Fès est dans un état de vétusté avancé. Les habitations et les locaux de commerce qui ont atteint un niveau de dégradation avancé, sont devenus au fil des années de véritables bombes à retardement. Et ce malgré le lancement de plusieurs programmes de réhabilitation. A cause aussi de la fragilité des infrastructures de base, canalisations et voiries…Il suffit aujourd'hui de quelques averses pour que la médina soit inondée avec un risque important d'effondrement des habitations et de commerces. Les quartiers les plus exposés sont Khrachfiyine, Nekhaline, Sidi Aouad et Place R'cif à travers notamment le pont de Bab Jdid. La situation s'aggrave d'ailleurs d'une année en année et la médina de Fès est désormais exposée au risque d'inondation avec des dégâts importants et un véritable danger pour la vie des habitants.

« La nature du tissu urbain vétuste de la médina handicape les différentes interventions de secours en cas d'incendie ou autres accidents et rend l'accès difficile. Le site représente d'ailleurs un danger permanent notamment pour les secouristes malgré la procédure d'étaiement des bâtisses menaçant ruine enclenchée depuis plusieurs années par les autorités locales. Il y a aussi la zone nord de Jananate et Hay Hassani ainsi que d'autres quartiers qui sont anarchiquement construits et parfois sans fondements et sans bases. Et qui sont de fait exposés à de grands dangers d'effondrement », explique le Colonel Taleb Moulay El Hassan. Les négligences liées au non-respect des mesures préventives au niveau des unités industrielles représentent aussi un réel danger aussi bien pour les ouvriers qui y travaillent, pour la population ainsi que pour les secouristes. « Il existe au niveau des quartiers industriels des unités qui ne sont dotées d'aucunes mesures de sécurité en cas d'incendies et d'accidents. Il y a par exemple à Oulad Taib près de 200 unités industrielles qui travaillent clandestinement avec des risques aussi bien naturels que technologiques. Nous procédons souvent à des visites au niveau des différentes zones industrielles. Nous établissons des rapports sur les mesures de sécurités qui font souvent défaut au niveau des unités industrielles et nous les soumettons à qui de droit», ajoute-t-il.

La réduction du temps de l'intervention reste aussi le souci majeur des éléments de la Protection civile. Pour cela les interventions ont été renforcées par l'ouverture de nouveaux centres de secours aux quartiers Sidi Brahim, Doukkarat et Bensouda à Fès ainsi qu'à Immouzer, à Boulemane et à Moulay Yaacoub. Un dépôt pour les sinistrés en cas de catastrophes, d'une superficie de 50.000 m2, a été également créé dans la même perspective près de l'aéroport Fès-Saiss. Le commandant régional de la Protection civile indique aussi qu'un système d'information pour la gestion d'alerte et des interventions est également mis sur pied pour réduire le temps des interventions et les rendre plus efficaces. « Nous avons créé un centre de secours au quartier industriel de Sidi Brahim en partenariat avec l'Association des industriels de ce quartier. Un autre est en cours de création au pôle urbain de Bensouda, à Doukkarat et d'autres sont en cours de création au niveau régional », indique le commandant régional de la Protection civile, Moulay Hassan Taleb.

Les moyens font défaut
Face au nombre croissant des interventions de la Protection civile, les moyens matériels, humains et financiers, demeurent encore insuffisants. Sachant que le territoire de compétence du commandement régional de Fès-Boulemane de la Protection civile s'étend sur une superficie globale de 20.397 km2, d'une population de 1.613.590 habitants. « Il y a une carence enregistrée au niveau des moyens humains aujourd'hui à cause notamment des départs volontaires et à la retraite qui ne sont pas remplacés. Il est important de renforcer l'effectif actuel par de nouveaux agents qualifiés. Il y a des efforts qui sont déployés par le ministère de l'Intérieur et la situation s'est beaucoup améliorée par rapport à des années précédentes surtout avec la création du fonds spécial. Ce denier nous a permis de se doter de matériel et d'améliorer la situation de la Protection civile. Il y a des recrutements qui sont programmés jusqu'à 2012», souligne Moulay El Hassan Taleb. En attendant le renforcement des moyens humains, la mise en place d'un programme de prévention à court et moyen termes s'impose avec notamment la consolidation des zones à risques, lancement d'études de danger pour les barrages et oueds jouxtant ou traversant la ville et surtout la sensibilisation au respect des mesures préventives au niveau des unités industrielles.

La question de l'entretien et des contrôles des sites industriels, de leur respect des normes de sécurité, des procédures et des équipements anti-incendie…interpellent de plus en plus décideurs, entrepreneurs, syndicats des personnels et citoyens. La gestion des risques d'accidents est souvent reléguée au second plan ou carrément inexistant dans de nombreuses entreprises marocaines, mettant souvent en danger, en cas d'incendies, aussi bien le corps de la Protection civile que les citoyens. L'incendie qui a éclaté il y a quelques mois dans le dépôt du "complexe céramique du Maroc" est toujours dans les mémoires. Il avait provoqué une déflagration d'une citerne de gaz propane entraînant à son tour l'effondrement de la dalle du dépôt (250 m x 140 m) et entraînant le décès du capitaine préfectoral de la Protection civile et plusieurs blessés graves parmi les éléments de la Protection civile que des ouvriers se trouvant surplace. Le commandant régional de la Protection civile Taleb Moulay El Hassan, gravement blessé lors des opérations de secours, a été par ailleurs amputé de la jambe droite. « Que se soit à cause de défaillance humaine ou naturelle, cet accident et des événements que j'ai vécus avec le corps de la Protection civile, à Fès comme au niveau national, ne font que renforcer mon engagement au service de mon pays et des citoyens », précise-t-il.

Cet incident rappelle un peu celui de l'usine de Rosamor à Casablanca qui a fait plusieurs morts et le malheur de leurs familles. Il démontre combien les sites et dépôts industriels sont exposés à de nombreux risques d'accidents. En jeu la sécurité, la santé, la vie du personnel, des habitants à proximité des sites industriels ainsi que celle des éléments de la Protection civile qui, investis d'une mission noble, travaillent souvent avec les moyens de bord dans leurs interventions avec la devise de toujours : Sauver ou périr.
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L'histoire de la Protection civile

L'histoire de la Protection civile au Maroc remonte à 1955. En 1964, une commission supérieure de la Protection civile a été créée auprès du Premier ministre. Il a fallu attendre 1997 pour voir l»ancienne Inspection de la Protection civile hissée au rang de Direction au sein du ministère de l'Intérieur. C'est le Premier ministre qui a la responsabilité de la définition de la politique générale de la Protection civile. L'exécution de cette politique, au niveau de l'administration centrale, revient au ministère de l'Intérieur.
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Questions à:Colonel Taleb Moulay El Hassan • Commandant de la Protection civile de Fès-Boulemane.

«Il y a une nouvelle culture d'anticipation des risques qui s'installe»
• Est-ce que l'élargissement des missions de la Protection civile a permis d'améliorer les moyens d'interventions ?

Les missions du corps de la Protection civile ont été élargies par décret pour mieux faire face aux divers sinistres et catastrophes. Ce décret modifiant et complétant le Dahir du 15 décembre 1997, relatif à l'organisation et aux attributions du ministère de l'Intérieur, a permis l'instauration d'une nouvelle organisation de la Protection civile ainsi qu'une nouvelle culture. Le changement concerne plus particulièrement la direction de la Protection civile qui a été investie de nouvelles missions. Celle-ci se présente désormais aujourd'hui comme un organisme national de réflexion, de recherche, d'étude, de conseil et d'intervention pour la protection des personnes et des biens dans tous les cas. Ces missions élargies englobent, entre autre, la prévention des risques industriels, technologiques et urbanistiques ainsi que la contribution à l'élaboration et à l'application des textes législatifs et organisationnels entrant dans le cadre de la gestion des risques. Il est aussi question pour le corps de participer à la sensibilisation et à la formation des habitants, mais aussi pour l'organisation et l'encadrement des actions bénévoles et de partenariat. La direction de la Protection civile, en vertu de ce décret, se retrouve avec une nouvelle organisation comprenant sept divisions dont l'école et d'un centre national de lutte antiacridienne. Il y a eu aussi création d'une division dédiée aux études, à la prospection et à la planification et qui devrait se charger de la gestion des risques et des plans de secours en tenant compte des spécificités régionales.
Partant de là, il y a une nouvelle culture d'anticipation des risques qui s'installe grâce aux nouvelles missions attribuées au corps de la Protection civile. Cela dit, les moyens demeurent encore limité au niveau de notre champ d'action à Fès et sa région pour faire face au nombre croissant des interventions. L'amélioration des interventions du commandement régional passe par le renforcement des moyens humains, la création et l'équipement de structures de la protection civile au niveau des zones industrielles, l'acquisition de lots d'outils (sauvetage, déblaiement et étaiement) pour les cellules de la protection civile et l'adaptation du matériel d'intervention et de sauvetage au contexte de la ville notamment la médina et le tissu ancien de manière générale.

• Il y a des périodes à risques à Fès. Y a-t-il des programmes spéciaux lors de ces périodes ?

A Fès par exemple, il y a les risques naturels tels les effondrements et les glissements de terrain, il y a aussi les risques de pollution, en plus des accidents de circulation et le transport des produits dangereux.
Au niveau de la région, la Protection civile est très bien organisée pour anticiper les risques potentiels. Nous sommes en contact permanent avec les services de la météorologie ainsi qu'avec d'autres services pour avoir le maximum d'informations pour pouvoir réagir à temps en cas de besoin. Il y a aussi lieu de préciser que selon les moyens dont nous disposons, nous procédons par priorités en impliquant bien entendu les différents services concernés de près ou de loin par l'incendie ou l'accident.
S'agissant des mesures à prendre pour faire face aux inondations, il faut tenir compte des documents d'urbanisme des zones susceptibles d'être inondées, procéder au curage des lits d'oued et à l'enlèvement de tout obstacle qui entrave l'écoulement des eaux et déplacer certaines conduites d'eau potable ou d'assainissement. Pour ce qui est des risques d'incendie, il y a l'importance de la création d'une commission permanente de contrôle de la conformité des établissements insalubres, incommodes ou dangereux avec l'implication de tous les services concernés pour veiller sur la conformité des constructions aux normes en vigueur et l'entretien du réseau des bouches d'incendie. Je rappelle à ce titre que nous avons procédé, dans le cadre de la gestion et prévention des risques à une simulation au niveau de la médina. Il était question d'évaluer l'efficacité des éléments de la Protection civile et leur aptitude à bien gérer une situation de crise.

• Et qu'en est-il du risque industriel ?

Nous rencontrons souvent le risque industriel en l'absence d'une réelle politique de sécurité au niveau des unités industrielles comme d'ailleurs le cas de l'incendie du dépôt de l'usine de céramique dans lequel j'ai perdu un capitaine et j'étais victime avec d'autres membres de la protection civile. Il y a eu défaillance en matière de sécurité incendie ainsi qu'une faute de réglementation. C'est d'ailleurs à partir de cet incendie que Sa Majesté le Roi, que Dieu le garde, a donné ses Hautes instructions pour que toutes les unités industrielles soient dotées de réglementation. Le contrôle doit également s'effectuer de manière permanente.
Les opérateurs doivent aussi prendre conscience qu'il ne suffit plus de construire de belles usines. Il est important, voire vital de respecter les mesures de sécurité. Il y va de la vie des citoyens ainsi que de l'économie du pays. Une usine qui ferme est aussi une perte pour le pays.

• Peut-on savoir quel est votre sentiment aujourd'hui après l'accident qui a failli vous coûter la vie ?

J'ai perdu dans cet accident un capitaine et un de mes adjoints que je pleure jusqu'à présent. J'ai également perdu une partie de ma jambe. Mais je reste convaincu dans mon engagement pour servir mon pays et les citoyens.
C'est surtout la visite de Sa Majesté le Roi, que Dieu le garde, qui m'a le plus marqué et rempli d'une grande joie après l'accident et ces événements tragiques que j'ai vécus. Sa Majesté m'a honoré avec sa visite et son appui moral et financier et a honoré le corps de la Protection civile. C'est d'ailleurs grâce à S.M. le Roi, que j'ai pu être opéré plusieurs fois au Maroc et en France. Et c'est grâce à lui que je poursuis toujours des soins médicaux. J'aimerai préciser que sous les décombres, j'ai géré moi-même l'opération de secours et je ne regrette à aucun moment cette intervention. Ce genre de situation fait partie de nos missions et ma seule consolation est que l'intervention de la Protection civile lors de cet incident a permis de sauver plusieurs vies humaines et à éviter une grande catastrophe dont les dimensions allaient faire une explosion de plusieurs kilomètres de rayon. Le risque zero n'existe pas dans le vocabulaire de la Protection civile qui travaille toujours avec la devise: sauver ou périr. J'ai passé quarante-cinq jours d'hospitalisation après avoir réellement frôlé la mort et je me suis retrouvé juste après dans mon bureau avec mes béquilles pour remplir la mission d'intérêt général dont je me suis investi et servir mon pays.
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