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Saïda et Aziza en passe d'être «séparées»

La naissance a parfois ses mystères que la science ignore. Saïda et Aziza, sont «attachées» l'une à l'autre. Elles sont sœurs siamoises.

Saïda et Aziza en passe d'être «séparées»
Nées en juillet 2007 à Taroudant, elles partagent un même destin depuis leur venue au monde. Elles ont deux corps mais sont reliées par leur abdomen et ont reçu en héritage un foie et un intestin grêle commun. Une anomalie de la nature qui survient dans un cas sur 100.000 lorsque le zygote, c'est-à-dire la cellule œuf, des jumeaux ne peut se diviser complètement. De plus, d'après les études scientifiques menées sur la question, les enfants fusionnés ou siamois sont pour la plupart des cas de sexe féminin. C'est le cas de Saïda et Aziza qui, en partageant le même corps, ne parviennent pas à vivre comme tous les enfants de leur âge. «Leur malformation les rend très solidaires l'une de l'autre, témoigne avec émotion, Omar, le père mais les contraint à être étendues la plupart du temps du fait des difficultés motrices que cela engendre chez elles». Face à cette situation difficile, les parents, Omar et Fatem, appelaient de leur vœu un donateur qui pouvait permettre à l'équipe médicale marocaine de l'hôpital pédiatrique Ibn Sina de réaliser cette extraordinaire opération qui fascine autant qu'elle interroge. Il y a quelques mois, une association s'était bien portée volontaire pour réaliser l'intervention, tous frais payés, en Arabie Saoudite, mais le projet a été abandonné. C'est l'hôpital Ibn Sina qui entend aujourd'hui «séparer» les siamoises, à sa charge, même si l'opération n'est pas sans risques comme le souligne le professeur Ettaybi Fouad.

«Lorsque les filles sont nées, on était désemparé, témoigne le père. Non seulement on ne savait pas comment nous occuper des petites, mais en plus on nous a prévenu que l'opération était fort coûteuse et avoisinait les 600.000 DH». Une somme faramineuse que Omar, maçon intérimaire, et Fatem, mère au foyer, auraient été bien incapables de débourser. Devant les risques que les filles encouraient, l'hôpital pédiatrique d'Ibn Sina de Rabat les a immédiatement mises sous surveillance étroite au sein du service de chirurgie pédiatrique. «Nous assumons leur suivi sanitaire et tous les frais d'entretien des petites, depuis leur naissance, explique le professeur Ettaybi, chef de Service des urgences chirurgicales pédiatriques à l'hôpital Ibn Sina et en charge de la future opération des petites siamoises. Nous avons ainsi soulagé les parents d'une charge à laquelle ils auraient été incapables de faire face». Une autre épreuve pour les parents qui, en plus d'être séparés de leurs enfants, devaient faire le déplacement régulièrement de Taroudant pour leur rendre visite. Depuis quelques temps, toutefois, la maman reste à l'hôpital avec les petites et l'intervention promet d'être pour bientôt. «Après la fête de l'Aïd Al Mawlid vraisemblablement, avance le professeur Ettayebi, mais les siamoises devront encore subir une batterie d'examens afin de garantir la réussite de l'opération».

«Il importait que les filles atteignent un an pour qu'on envisage l'intervention, explique le professeur. Elles devaient prendre du poids pour supporter le traumatisme de ce type d'opérations qui peut toujours mal tourner. L'équipe doit donc s'entourer d'un maximum de précautions pour réussir ce défi chirurgical. De plus, fait-il remarquer, ces interventions mobilisent des équipes chirurgicales multidisciplinaires énormes. 15 spécialistes dont plusieurs anesthésistes et réanimateurs seront au bloc, le jour J». L'un des facteurs les plus importants de la prise en charge de ces enfants siamoises, c'est l'expérience de cette culture chirurgicale extrêmement délicate. A l'heure actuelle, l'hôpital Ibn Sina a capitalisé un certain nombre d'expériences relatives à ce genre de malformations qui augure d'excellentes chances de réussite. «Aujourd'hui, disons que l'on peut opérer certains siamois, sur la base d'un bon bilan préopératoire. Mais, nous ne réalisons pas systématiquement ces opérations, déclare le professeur Ettaybi. Tout dépend du degré de fusion des siamois. Lorsque ceux-ci sont reliés par le cœur, le bassin, ou la voûte crânienne osseuse la séparation n'est pas envisageable chez nous.

On les transfère immédiatement à l'étranger. Dans le cas du partage du foie, on peut opérer s'il y a moyen de diviser celui-ci, ajoute-t-il. Nous avons mené une opération du même genre il y a un an, avec succès. Cependant, il faut toujours tenir compte du fait qu'un des deux enfants peut décéder suite à la séparation». Si pour la communauté scientifique, le cas des siamois est encore une énigme, reste à espérer que pour Saïda et Aziza, la solution médicale est pour demain.
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Recrudescence

Les siamois représentent à peine une naissance sur 50.000, voire 100.000. De plus en plus de cas de jumeaux siamois apparaissent ces dernières années et le phénomène est plus fréquent en Asie, en particulier en Inde. Dans les années à venir, une recrudescence des naissances d'enfants siamois pourrait vraisemblablement être due à la multiplication des techniques de grossesses assistées qui augmentent les chances de naissance de vrais jumeaux. Bien que le risque théorique augmente, il reste encore, à ce jour, marginal.
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