Rien de plus accablant pour ces ados obsédés par l'idée de maigrir, que de se mettre à table. Bien évidemment, c'est l'organisme qui paie le lourd tribut de cette répugnance morbide pour la bouffe : ça commence par une perte progressive de l'appétit et une diminution phénoménale de la masse corporelle (de 15 à 50%), le tout assorti d'un ensemble d'effets secondaires plus fâcheux les uns que les autres : crampes, vertiges, perte des cheveux et des dents et disparition des règles chez les filles. Et s'il n'arrive pas à rompre ce cercle vicieux, un anorexique risque d'y laisser sa vie, à cause de la malnutrition. Il s'agit donc bel et bien d'une autodestruction préméditée et planifiée. Paradoxalement, les adolescents anorexiques ne voient rien de grave dans leur état de santé. Bien au contraire, ils s'estiment heureux d'avoir pu concrétiser leur fantasme et se déclarent « bien dans la tête et dans la peau ». C'est cette conviction inébranlable des vertus présumées de l'anorexie qui rend difficile toute thérapie : l'adolescent imagine y trouver son compte et préfère mourir que de prendre quelques kilos de plus.
Aucune force ne peut alors l'empêcher de faire ce qu'il veut. Souvent, ne comprenant rien dans cette attitude, les parents montent au créneau et essaient de ramener, par la force, leur ado « sur le droit chemin » en lui faisant manger contre son gré. Non seulement c'est inutile mais cela risque aussi de provoquer une réaction négative de la part de l'ado. Celui-ci ne manquera pas d'astuces pour se débarrasser de la nourriture qu'on lui fait ingurgiter, par exemple en se forçant à vomir. Le dialogue reste donc la seule et la meilleure option. Tout d'abord, il faut savoir situer le problème dans son contexte réel : l'anorexie n'est pas une simple histoire d'appétit, c'est une maladie à part entière qui a des origines psychiques profondes. D'ailleurs, son appellation scientifique le montre : anorexie mentale. Le refus de s'alimenter, lié ordinairement au manque d'appétit, n'est, en quelque sorte, que « l'arbre qui cache la forêt ». Ce n'est que le reflet d'un intense conflit qui oppose l'ado à la fois à son corps et aux autres. Rien de plus évident : quelqu'un qui mesure sa valeur à l'aune de sa taille ne doit pas avoir une belle image de soi. De même, sa relation avec son entourage est d'habitude gouvernée par un complexe d'infériorité selon lequel il ne serait accepté et estimé que s'il arrive à avoir la silhouette d'un tel mannequin ou d'une telle star de cinéma.
La visite d'un spécialiste s'impose-t-elle ? En effet, dans le cas de l'anorexie tout particulièrement, recourir aux bons offices d'un psychiatre ou d'un psychanalytique n'est pas une solution immédiate. Pour la simple et bonne raison qu'un anorexique ne reconnaît pas sa maladie et ne voit, dès lors, nul besoin de consulter un spécialiste. Pour le mettre devant la réalité des choses et le sensibiliser à la gravité de son état, c'est tout un parcours de combattant à faire. Ceci dit, la prise en charge psychiatrique s'avère possible et efficace à partir du moment où la maladie est dépistée précocement. Le cas échéant, ce sont les parents qui doivent prendre le problème de leur ado à bras-le-corps, avant d'aller voir le médecin. Les ordres et les discours autoritaires doivent alors faire place à la souplesse et au dialogue. La première des choses c'est d'essayer de reconstruire des liens de confiance avec l'ado et d'essayer de lui montrer votre côté sympathique, compréhensif.
Ainsi, faites-lui savoir que vous comprenez son souci d'avoir une belle silhouette et que vous trouvez cela normal à son âge. En revanche, dites-lui qu'à l'état actuel des choses, son but a été raté et qu'il s'en est sorti avec un corps chétif, presque squelettique. Pour étayer vos propos, faites intervenir des personnes en dehors de la famille (des amis de l'ado, des voisins, des professeurs). Sans doute, leurs témoignages donneront du grain à moudre à l'ado et déclencheront un déclic chez lui. Mettre à sa disposition une bonne documentation sur l'anorexie, ses symptômes, ses risques et son traitement lui permettra aussi de réaliser la gravité de son état et d'accepter de se faire traiter. Ce n'est qu'à ce moment-là que vous allez frapper à la porte du spécialiste. La mission de celui-ci consiste à planifier étape par étape le retour à la normale, à surveiller l'état et le poids de l'ado et à prévenir tout risque de rechute.
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Docteur Mohamed Hachem Tyal • psychiatre, psychothérapeute et sexologue.
Il faut d'abord faire la distinction entre deux choses totalement différentes : la perte d'appétit et le refus de manger. Dans le dernier cas, on parle d'anorexie mentale qui est assez fréquente chez les adolescents, notamment de sexe féminin. La plupart du temps, ce sont des troubles psychiques qui entraînent la perte d'appétit. C'est exactement le cas des filles qui ne supportent pas l'image de leur corps avec des rondeurs. Pour s'en débarrasser, elles cherchent à restreindre leur alimentation, se font vomir ou encore recourent à des purgatifs. Elles se retrouvent en fin de compte avec un corps chétif aux os saillants. Ce qui est impressionnant, c'est qu'elles n'ont pas l'impression qu'elles sont maigres. Pour elles, leur corps n'est pas anormal.
Pourquoi la plupart des anorexiques sont-ils des adolescents ?
C'est simple. C'est à l'adolescence que s'installent de grandes modifications au niveau du corps et de la psychologie : on veut plaire, on utilise son corps à des fins de séduction…C'est donc un moment de fragilité propice à l'apparition de l'anorexie mentale. En gros, cette maladie traduit chez l'adolescent(e) des problèmes d'affirmation, d'estime et d'acceptation de soi.
Comment les parents peuvent-ils «réconcilier» leur ados avec la nourriture ?
L'anorexie mentale est quelque chose qu'on doit prévenir. Malheureusement, quand la maladie est installée, il devient pratiquement impossible d'y faire face parce que, comme j'ai dit auparavant, le malade ne reconnaît pas son anomalie.
C'est donc l'une des maladies les plus difficiles à prendre en charge. S'il y a un conseil à donner aux parents, c'est de se comporter sans rigidité avec l'alimentation de leurs ados et enfants. Il y a quelques-uns qui mangent 2 ou 3 fois par jour, d'autres qui mangent 5 fois par jour. Il faut donc respecter le rythme et les choix de l'enfant ou de l'ado en matière d'alimentation.
Aucune force ne peut alors l'empêcher de faire ce qu'il veut. Souvent, ne comprenant rien dans cette attitude, les parents montent au créneau et essaient de ramener, par la force, leur ado « sur le droit chemin » en lui faisant manger contre son gré. Non seulement c'est inutile mais cela risque aussi de provoquer une réaction négative de la part de l'ado. Celui-ci ne manquera pas d'astuces pour se débarrasser de la nourriture qu'on lui fait ingurgiter, par exemple en se forçant à vomir. Le dialogue reste donc la seule et la meilleure option. Tout d'abord, il faut savoir situer le problème dans son contexte réel : l'anorexie n'est pas une simple histoire d'appétit, c'est une maladie à part entière qui a des origines psychiques profondes. D'ailleurs, son appellation scientifique le montre : anorexie mentale. Le refus de s'alimenter, lié ordinairement au manque d'appétit, n'est, en quelque sorte, que « l'arbre qui cache la forêt ». Ce n'est que le reflet d'un intense conflit qui oppose l'ado à la fois à son corps et aux autres. Rien de plus évident : quelqu'un qui mesure sa valeur à l'aune de sa taille ne doit pas avoir une belle image de soi. De même, sa relation avec son entourage est d'habitude gouvernée par un complexe d'infériorité selon lequel il ne serait accepté et estimé que s'il arrive à avoir la silhouette d'un tel mannequin ou d'une telle star de cinéma.
La visite d'un spécialiste s'impose-t-elle ? En effet, dans le cas de l'anorexie tout particulièrement, recourir aux bons offices d'un psychiatre ou d'un psychanalytique n'est pas une solution immédiate. Pour la simple et bonne raison qu'un anorexique ne reconnaît pas sa maladie et ne voit, dès lors, nul besoin de consulter un spécialiste. Pour le mettre devant la réalité des choses et le sensibiliser à la gravité de son état, c'est tout un parcours de combattant à faire. Ceci dit, la prise en charge psychiatrique s'avère possible et efficace à partir du moment où la maladie est dépistée précocement. Le cas échéant, ce sont les parents qui doivent prendre le problème de leur ado à bras-le-corps, avant d'aller voir le médecin. Les ordres et les discours autoritaires doivent alors faire place à la souplesse et au dialogue. La première des choses c'est d'essayer de reconstruire des liens de confiance avec l'ado et d'essayer de lui montrer votre côté sympathique, compréhensif.
Ainsi, faites-lui savoir que vous comprenez son souci d'avoir une belle silhouette et que vous trouvez cela normal à son âge. En revanche, dites-lui qu'à l'état actuel des choses, son but a été raté et qu'il s'en est sorti avec un corps chétif, presque squelettique. Pour étayer vos propos, faites intervenir des personnes en dehors de la famille (des amis de l'ado, des voisins, des professeurs). Sans doute, leurs témoignages donneront du grain à moudre à l'ado et déclencheront un déclic chez lui. Mettre à sa disposition une bonne documentation sur l'anorexie, ses symptômes, ses risques et son traitement lui permettra aussi de réaliser la gravité de son état et d'accepter de se faire traiter. Ce n'est qu'à ce moment-là que vous allez frapper à la porte du spécialiste. La mission de celui-ci consiste à planifier étape par étape le retour à la normale, à surveiller l'état et le poids de l'ado et à prévenir tout risque de rechute.
Une maladie juvénile et féminine
L'anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire qui élit ses victimes parmi les adolescents. C'est une pathologie qui touche principalement les filles entre 12 et 20 ans. Ainsi, 9 sur 10 des personnes atteintes d'anorexie sont de sexe féminin. Rien de plus normal : les adolescentes cherchent toujours à plaire, s'occupent plus de leur corps et attachent une importance particulière à leur aspect physique. D'ailleurs, qui d'entre nous n'a pas caressé pendant sa jeunesse le rêve d'avoir la taille de guêpe d'un top-modèle ou les formes élégantes d'une jolie actrice d'Hollywood ? Cela renvoie à un autre constat : c'est le rôle décisif des parents dans la fixation des normes de beauté chez les jeunes. Ce rôle devient nocif du moment où on va faire, même indirectement, l'apologie de l'anorexie et qu'on va l'ériger en un canon de beauté.«L'anorexie mentale est quelque chose qu'on doit prévenir»
Comment définissez-vous l'anorexie mentale ?Il faut d'abord faire la distinction entre deux choses totalement différentes : la perte d'appétit et le refus de manger. Dans le dernier cas, on parle d'anorexie mentale qui est assez fréquente chez les adolescents, notamment de sexe féminin. La plupart du temps, ce sont des troubles psychiques qui entraînent la perte d'appétit. C'est exactement le cas des filles qui ne supportent pas l'image de leur corps avec des rondeurs. Pour s'en débarrasser, elles cherchent à restreindre leur alimentation, se font vomir ou encore recourent à des purgatifs. Elles se retrouvent en fin de compte avec un corps chétif aux os saillants. Ce qui est impressionnant, c'est qu'elles n'ont pas l'impression qu'elles sont maigres. Pour elles, leur corps n'est pas anormal.
Pourquoi la plupart des anorexiques sont-ils des adolescents ?
C'est simple. C'est à l'adolescence que s'installent de grandes modifications au niveau du corps et de la psychologie : on veut plaire, on utilise son corps à des fins de séduction…C'est donc un moment de fragilité propice à l'apparition de l'anorexie mentale. En gros, cette maladie traduit chez l'adolescent(e) des problèmes d'affirmation, d'estime et d'acceptation de soi.
Comment les parents peuvent-ils «réconcilier» leur ados avec la nourriture ?
L'anorexie mentale est quelque chose qu'on doit prévenir. Malheureusement, quand la maladie est installée, il devient pratiquement impossible d'y faire face parce que, comme j'ai dit auparavant, le malade ne reconnaît pas son anomalie.
C'est donc l'une des maladies les plus difficiles à prendre en charge. S'il y a un conseil à donner aux parents, c'est de se comporter sans rigidité avec l'alimentation de leurs ados et enfants. Il y a quelques-uns qui mangent 2 ou 3 fois par jour, d'autres qui mangent 5 fois par jour. Il faut donc respecter le rythme et les choix de l'enfant ou de l'ado en matière d'alimentation.
