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Le complexe artisanal en léthargie

Tout semble calme sur boulevard Bordeaux en ce vendredi après-midi. La belle battisse du complexe artisanal s'impose sur cette avenue où les résidences se serrent ne laissant place à aucun vide. Dès l'entrée, la couleur est annoncée et le décor suit parfaitement le thème de l'endroit. Les murs sont brodés d'arcades, les plafonds de gravures en plâtre et les portes en peintures manuelles.

Le complexe artisanal en léthargie
A l'intérieur de ce bâtiment à l'architecture des Riads s'exposent une trentaine d'échoppes et presque autant de métiers.
Bienvenu dans l'espace de l'artisan. L'agent de sécurité nous accueille avec un large sourire et nous indique l'allée qui mène vers les artisans. Dans le hall de ce riad qui se cache discrètement derrière l‘ombre des palmiers, des artisans se mettent à l'œuvre. Tandis que le premier taille le bois, l'autre tisse des tapis et un troisième peint soigneusement sa tablette.

Installés au sein de l'ensemble artisanal de Casablanca, ces artisans dévoilent agréablement l'aspect traditionnel de la cité blanche. A l'intérieur de ce bâtiment à l'architecture des Riads s'exposent une trentaine d'échoppes et presque autant de métiers. Articles de cuir, babouches, vannerie artisanale, broderie, reliure et dorure de livres, marqueterie sur bois de Thuya, fer forgé, métiers à tisser, stuc et zellige ou même des poupées habillées traditionnellement en djellaba, caftan, Hayek et autres, tout un pavillon est ouvert au grand public, et entièrement consacré à la production et à la vente de produits de l'artisanat marocain dont un grand choix de produits est offert aux visiteurs. Véritables œuvres d'art, ces petits objets sont les produits de longues heures de travail. Malheureusement, ils ne connaissent pas grand acheteur ni visiteur. Un commerçant se plaint : «Rares sont les visiteurs qui viennent ici. Nous recevons parfois nos clients habituels qui reviennent nous voir et faire des commandes. D'autres fois, ce sont des passants qui s'intéressent à la chose et rentrent voir. Ca leur arrive de sortir les mains pleines avec un souvenir.» Le travail n'est pas le premier passe-temps ici.

Dans ce calme relaxant et cette musique classique qui résonne entre les murs, le moment est propice pour faire une sieste comme a choisi de faire un autre vendeur qui a fermé la boutique pour y dormir. Une autre bande préfère jouer une partie de dame pour tuer le temps car finalement, le complexe artisanal ne connaît pas une grande effervescence. «Beaucoup de citoyens ignorent l'existence de l'ensemble artisanal. Malgré l'effort fourni pour mieux faire connaître le produit traditionnel marocain, on reçoit peu de touristes étrangers et encore moins de clients de la métropole», déplore l'un des artisans. En effet, en dépit de son charme, ce bâtiment qui évoque l'aspect des ruelles et «Foundouks» de Dar El Beida, reste toutefois boudé ou même négligé. A part le bruit des outils des Mâallems, cet endroit reste désert car presque personne ne le visite. L'ensemble artisanal sombre dans la grisaille et l'austérité loin des va-et-vient et de l'ambiance des espaces de commerce. Selon certains artisans, l'endroit n'enregistre pas autant d'activités que les «Kissarias» d'habits traditionnels ou quartier des Habous parce qu'il est tout simplement pris pour un bâtiment administratif.

Certes le complexe est méconnu mais certains Casablancais le boudent pour d'autres raisons. Les prix exorbitants en font parti.
Durant notre visite, une femme se pointe dans un atelier de menuiserie. «J'ai besoin d'une petite table en bois, j'ai préféré venir ici qu'aller au bazar qui, eux, proposent des prix exorbitants mais à ma surprise, la situation ne diffère pas ici. Les produits restent chers. 600 dh pour une petite table, c'est beaucoup».
Devant le vide qui règne dans la place et le peu d'acheteurs qui visitent le complexe artisanal, les commerçants doublent les prix à la vue d'un éventuel acheteur. «On ne réalise presque pas de bénéfices ici. Seule la participation dans les salons et expositions artisanales nous permet de survivre», explique un vendeur d'articles en bois. Souvent organisés par le ministère de tutelle ou la Chambre d'artisanat, ces évènements permettent aux artisans casablancais d'exposer leurs produits dans des stands qui mettent en valeur leur savoir-faire. Cependant, ces manifestations sont loin de satisfaire les créateurs d'articles traditionnels, installés dans l'ensemble artisanal du boulevard de Bordeaux. Ces derniers veulent inclure le complexe dans le circuit touristique de la ville afin d'attirer plus de clients.

Stratégie de la Chambre d'artisanat

Face à la léthargie du complexe artisanal, les responsables de la Chambre d'artisanat du Grand Casablanca organisent des «moussem» et salon d'artisanat afin d'encourager les habitants de la cité blanche à venir découvrir la production locale.
Ce genre de manifestation s'inscrit dans la nouvelle stratégie de développement du secteur, qui trace de nouvelles orientations à l'horizon 2015.
Ces évènements permettent aussi aux artisans casablancais d'exposer leurs produits dans des stands qui mettent en valeur leur savoir-faire.
Cependant, ces manifestations sont loin de satisfaire les créateurs d'articles traditionnels.
Certains déficitaires ont fermé leurs boutiques alors que d'autres viennent rarement au complexe. Des cadres administratifs de la Chambre d'artisanat arguent que cette problématique est due au faible budget consacré à ce secteur. Pour sortir de cette impasse, ils appellent à la refonte des statuts des Chambres de l'artisanat pour en faire un outil de suggestion et non pas uniquement un outil consultatif. Entre-temps, quelques artisans continuent de traduire leur passion en motifs en espérant de rendre à l'ensemble artisanal de la métropole, toutes ses lettres de noblesse.
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