Prenant. Et capable de vous retenir. Le romancier japonais Haruki Murakami nous en donne la démonstration, depuis son premier roman ; « Ecoute la voix du vent ». Et au fil des sorties, l'écrivain en donne la preuve renouvelée. « Le passage de la nuit », roman sorti en 2007 en traduction française. Un roman époustouflant avec un narrateur qui sait mener son lecteur de la première à la 230è page. Le plus est ce regard qui renvoie, sans cesse, à une approche, disons, cinématographique de l'univers romanesque. Mais, avant d'y arriver, le roman interpelle d'abord par une technique commune : une horloge qui trône au début de chaque chapitre. Dès le départ, le lecteur s'interroge quant à la place de cet objet iconique. Au point qu'il peut, facilement et avant même d'entamer la lecture, aller aux dernières pages pour y voir plus clair. Il est 23h55 au commencement. Et sur les dernières pages, où l'auteur cède la place à des horloges en milieu du récit, on arrive à 6h52. Déduction faite, le récit traverse pratiquement six heures.
Que se passe-t-il d'un bout à l'autre de ces six heures ?
Le début a tout l'air d'un décor planté : « La ville s'offre à notre regard.
Ce paysage urbain, nous l'observons à travers les yeux d'un oiseau qui volerait très haut dans le ciel. Depuis ce point de vue panoramique, la ville apparaît comme une gigantesque créature. Ou même comme un agrégat de corps vivants. S'étendant jusqu'à d'insaisissables confins des vaisseaux sanguins, innombrables, irriguent les cellules, les régénèrent inlassablement. Les vaisseaux convoitent des informations nouvelles, recyclent les anciennes. Donnent naissance à des consommations nouvelles, recyclent les anciennes. Créent de nouvelles contradictions, effacent les anciennes. En tous lieux, les corps agrégés clignotent au rythme des battements de cœur, s'échauffent, se meuvent. L'heure est proche de minuit, le pic d'activité est passé mais les échanges élémentaires indispensables au fonctionnement vital restent incessants. Tel un continuo la ville bruit. Monotone, monocorde, intégrant cependant des pressentiments. » Un panoramique, on le sent, qui ne restera certainement pas aussi longtemps que ça.
D'un moment à l'autre, on s'attend à ce que cet « oiseau » descende sur terre. Question de passer d'un plan général vers un plan plus serré, comme dit le jargon cinématographique. Le temps du récit presse le pas. Le regard fixe un restaurant. Une entrée puis un balayage du lieu. Et voici, que le narrateur-œil zoome sur une table. Mais, qu'est-ce qui va se passer ? L'auteur sait éveiller et maintenir le suspense. Une fille est absorbée dans sa lecture. Une rencontre subite a lieu. Un homme entre, avance et s'arrête devant la fille. La conversation commence plutôt hachée. Il la connaît. Pas elle. Ils se sont rencontrés avant. Sans plus. Au fil du dialogue, on se fait une idée des deux personnages. Tout cela à l'air de préparer autre chose. Mari et X parlent, se souviennent. Point. Séparation. L'homme s'en va. Mari reste. Deuxième rencontre, provoquée par la première. Une femme vient droit vers Mari et l'informe que Takahashi ( notre homme a un nom) l'a informée qu'elle pouvait la trouver là. Murakami a le don d'entraîner son lecteur dans des dédales imprévisibles.
La nuit de Tokyo l'interpelle et il nous fait partager la situation. L'expérience. Tout y passe. Une déambulage entre minuit et le lever du jour. Tokyo la bruyante le jour se dénude la nuit pour offrir un autre visage, sous le regard du chirurgien Haruki. Scène après scène, sur une nouvelle facette que le lecteur découvre. Plus encore, comme dirait un critique français, ce n'est plus de lecteur qu'il s'agit, mais d'un lecteur devenu « voyeur ». Qui plus est, a hâte, suivant les fils que détricote le narrateur de voir plus et plus clair. Les dialogues qui émaillent la texture du récit avancent, arrêtent et suspendent la lecture. C'est à couper le souffle. Quelque chose doit toujours se passer au premier coint d'une rue. Cela pèse, parfois. Cela nous invite, souvent, à aller plus loin. L'oiseau qui nous a mené vers la ville, s'envole pour aller vers le calme de la banlieue. Dans la parenthèse, on ne verra plus la nuit comme avant d'avoir vécu cette expérience avec Mari et les autres.
Source : www.evene.fr
Que se passe-t-il d'un bout à l'autre de ces six heures ?
Le début a tout l'air d'un décor planté : « La ville s'offre à notre regard.
Ce paysage urbain, nous l'observons à travers les yeux d'un oiseau qui volerait très haut dans le ciel. Depuis ce point de vue panoramique, la ville apparaît comme une gigantesque créature. Ou même comme un agrégat de corps vivants. S'étendant jusqu'à d'insaisissables confins des vaisseaux sanguins, innombrables, irriguent les cellules, les régénèrent inlassablement. Les vaisseaux convoitent des informations nouvelles, recyclent les anciennes. Donnent naissance à des consommations nouvelles, recyclent les anciennes. Créent de nouvelles contradictions, effacent les anciennes. En tous lieux, les corps agrégés clignotent au rythme des battements de cœur, s'échauffent, se meuvent. L'heure est proche de minuit, le pic d'activité est passé mais les échanges élémentaires indispensables au fonctionnement vital restent incessants. Tel un continuo la ville bruit. Monotone, monocorde, intégrant cependant des pressentiments. » Un panoramique, on le sent, qui ne restera certainement pas aussi longtemps que ça.
D'un moment à l'autre, on s'attend à ce que cet « oiseau » descende sur terre. Question de passer d'un plan général vers un plan plus serré, comme dit le jargon cinématographique. Le temps du récit presse le pas. Le regard fixe un restaurant. Une entrée puis un balayage du lieu. Et voici, que le narrateur-œil zoome sur une table. Mais, qu'est-ce qui va se passer ? L'auteur sait éveiller et maintenir le suspense. Une fille est absorbée dans sa lecture. Une rencontre subite a lieu. Un homme entre, avance et s'arrête devant la fille. La conversation commence plutôt hachée. Il la connaît. Pas elle. Ils se sont rencontrés avant. Sans plus. Au fil du dialogue, on se fait une idée des deux personnages. Tout cela à l'air de préparer autre chose. Mari et X parlent, se souviennent. Point. Séparation. L'homme s'en va. Mari reste. Deuxième rencontre, provoquée par la première. Une femme vient droit vers Mari et l'informe que Takahashi ( notre homme a un nom) l'a informée qu'elle pouvait la trouver là. Murakami a le don d'entraîner son lecteur dans des dédales imprévisibles.
La nuit de Tokyo l'interpelle et il nous fait partager la situation. L'expérience. Tout y passe. Une déambulage entre minuit et le lever du jour. Tokyo la bruyante le jour se dénude la nuit pour offrir un autre visage, sous le regard du chirurgien Haruki. Scène après scène, sur une nouvelle facette que le lecteur découvre. Plus encore, comme dirait un critique français, ce n'est plus de lecteur qu'il s'agit, mais d'un lecteur devenu « voyeur ». Qui plus est, a hâte, suivant les fils que détricote le narrateur de voir plus et plus clair. Les dialogues qui émaillent la texture du récit avancent, arrêtent et suspendent la lecture. C'est à couper le souffle. Quelque chose doit toujours se passer au premier coint d'une rue. Cela pèse, parfois. Cela nous invite, souvent, à aller plus loin. L'oiseau qui nous a mené vers la ville, s'envole pour aller vers le calme de la banlieue. Dans la parenthèse, on ne verra plus la nuit comme avant d'avoir vécu cette expérience avec Mari et les autres.
Biographie d'Haruki Murakami
Originaire de Kobe, Haruki Murakami étudie la tragédie grecque à Tokyo. Puis il dirige un club de jazz, avant d'enseigner à Princeton durant quatre années. Son premier livre - non traduit - ‘Ecoute le chant du vent', en 1979, lui vaut le prix Gunzo. Expatrié en Grèce, en Italie puis aux Etats-Unis, il rédige ‘Chroniques de l'oiseau à ressort' en 2001 et ‘Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil' en 2002. Suite au séisme de Kobe et à l'attentat de Tokyo en 1995, il décide de revenir s'installer au Japon. Il y écrit un recueil de nouvelles ‘Après le tremblement de terre', puis ‘Les Amants du Spoutnik' en 2003. Son roman initiatique ‘Kafka sur le rivage', sorti en 2006, l'inscrit définitivement parmi les grands de la littérature internationale. L'oeuvre d'Haruki Murakami oscille entre la pensée bouddhiste qui voit des répercutions à nos actions sur une échelle plus large et la chronique sociale dans un cadre fantastique.Source : www.evene.fr
