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Les musées au Maroc, mythe ou réalité

Mardi 18 avril, le monde a fêté la journée internationale des musées. Le Maroc, à son tour, n'a pas dérogé à la règle et a connu l'organisation de quelques festivités ici et là. A titre d'exemple, la Villa des arts de Rabat, partenaire privilégié du projet «Musées sans frontières», a ouvert ses portes tout au long de la journée du mardi pour des visites guidées du Musée virtuel.

Les musées au Maroc, mythe ou réalité
Cette journée, en plus d'être une occasion pour la célébration de ces lieux de conservation du patrimoine est surtout un moment opportun pour s'interroger sur les musées au Maroc, leur état, leur public ainsi que leur sort. Estimés à une trentaine (on compte 12.000 musées en France), ces espaces d'art et d'histoire restent insuffisants et ne reflètent pas le patrimoine du Maroc.
Eccherki Dahmali, muséologue, conservateur et secrétaire général de l'ICOM arabe (l'organisation internationale des musées et des professionnels de musée), nous explique : «En regardant le nombre des musées et leur état, on se rend compte qu'ils ne reflètent ni le patrimoine marocain ni la richesse culturelle de notre pays. Or, le Maroc est très riche, que ce soit par sa géologie avec les différentes ères géologiques et leurs traces ou par son histoire politique avec les différentes dynasties qui ont gouverné le Maroc. Nous manquons également des musées régionaux.»

Les musées au Maroc ne relèvent pas uniquement du ministère de la culture mais aussi d'autres organismes privés. Cela fait déjà quelques années, depuis 1994 plus exactement, que les musées privés ont commencé à fleurir pour enjoliver et enrichir davantage la scène culturelle marocaine. Musée de Belghazi à Bouknadel, Musée Nejjarine de Fès, Musée de Omar Benjelloun de Marrakech, Musée Forbes de Tanger, Villa des arts de Casablanca, Musée virtuel de la Fondation ONA de Rabat, Musée du Judaïsme marocain à Casablanca… sont autant de lieux qui ont apporté un certain dynamisme grâce à leurs programmes variés qui changent tout au long de l'année, garantissant ainsi une réelle animation pour leurs visiteurs. Les musées publics, quant à eux, ont très peu de moyens et ne tentent pas de moderniser leur conception ou de l'adapter aux demandes du public. Ces musées n'ont aucun éclat bien qu'ils recèlent de nombreux trésors.

Des bijoux aux pièces de monnaie en passant par des costumes traditionnels, des œuvres artistiques, des tapis et des armes, des pièces de poterie et les fruits de fouille archéologique… En tout, c'est la culture, l'art, l'artisanat et le patrimoine qui sont dévoilés dans les quelques musées ethnologiques et archéologiques que compte le Maroc.
Par les objets qu'ils cachent, les musées sont des lieux de conservation du patrimoine. Mais réussissent-ils à drainer un grand nombre de visiteurs ? «Non», rétorque Eccherki Dahmali. Nos musées sont, en effet, désertés par le public marocain. Conservateurs et muséologues sont unanimes sur ce point : la plupart des visiteurs sont des touristes étrangers et des chercheurs ou des spécialistes dans le domaine. Et le commun des mortels ? Notre muséologue Eccherki Dahmali répond : «Le Marocain n'a pas cette culture muséale et préfère mille fois emmener ses enfants dans un parc de jeu que dans un musée.

La plupart des Marocains ne sont pas initiés à la visite des musées, ça ne fait pas partie de nos habitudes de sortie et on n'est malheureusement pas encore conscient de l'importance des musées.»
Nombreux sont les spécialistes qui déplorent la situation et se plaignent de l'inconscience du public marocain. Alors que les musées ne doivent pas être que des lieux de conservation du patrimoine mais aussi des lieux d'éducation à part entière, les jeunes visiteurs continuent à les bouder.
Zhor Rhihel, conservatrice du musée du Judaïsme marocain à Casablanca, raconte : «Si nos musées ne connaissent pas l'affluence qu'ils méritent, c'est surtout à cause des écoles primaires et secondaires qui n'organisent pas de sorties pédagogiques aux musées.

Depuis l'ouverture de notre musée, je n'ai pas cessé d'appeler les écoles et de leur proposer de venir nous voir, mais en vain. Je pense que la culture muséale est inculquée depuis le jeune âge et depuis les premières classes à l'école. Visiter un musée, apprécier une œuvre, savoir la décortiquer, voir ses différents aspects… sont des choses qui s'apprennent. D'autant plus que le musée offre un apport pédagogique qui complète les programmes scolaires.» Cela dit, les musées sont visités par un petit pourcentage de Marocains avertis qui ont déjà été initiés à la chose grâce à des voyages à l'étranger ou qui s'intéressent tout simplement à l'art, à l'histoire ou à la culture. En plus d'encourager les Marocains à se réconcilier avec les musées en leur offrant un produit adapté au citoyen marocain simple, les spécialistes invitent les fondations et les différentes institutions à ouvrir leurs propres musées. Un musée, c'est l'affaire de tous et pas uniquement du ministère de tutelle. «Il faut créer plus de musées pour conserver notre patrimoine et représenter toute sa richesse. Il est temps que le secteur privé soit plus actif et initie de nouveaux projets», déclare Eccherki Dahmali.

Rappelons que trois musées ouvriront leurs portes bientôt, on cite entre autres le Musée d'art contemporain de Rabat, le Musée royal du patrimoine et des civilisations à Rabat et le musée de la Bourse.
En attendant ces nouveaux venus sur la scène, arrêtons de croire que les musées sont dédiés à l'élite et que seuls les vrais passionnés d'art y accèdent. Les musées sont au service de la société, ils constituent l'un des maillons de la chaîne existentielle qui relie chaque individu à son passé.

Carte visite

L'ICOM est l'organisation internationale des musées et des professionnels de musées qui s'engage à préserver, à assurer la continuité et à communiquer à la société, la valeur du patrimoine culturel et naturel mondial, actuel et futur, tangible et intangible.
Créé en 1946, l'ICOM est une association à but non lucratif financée, en majeure partie, par les cotisations versées par ses membres. Il est également soutenu par divers organismes publics ou privés comme l'UNESCO, dont l'ICOM exécute une partie du programme concernant les musées. Les 28 000 membres de l'ICOM, présents dans 137 pays, collaborent aux actions de l'Organisation réalisées sur le plan national, régional ou international : ateliers, publications, formation, programmes jumelés et promotion des musées grâce à la Journée internationale des musées (le 18 mai de chaque année). Les membres participent aux activités des 115 comités nationaux et des 30 comités internationaux et des 17 organisations affiliées. Pour renforcer leur action, certains comités nationaux se sont regroupés en organisations régionales.
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