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Administration des impôts et contribuables : Comment développer une relation de confiance?

Favoriser l'adhésion des citoyens et des entreprises à s'aquitter de l'impôt.

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Quels sont les comportements qui font qu'une société est développée? Qu'est-ce qui permet la modernité, le progrès et la croissance, quelles sont les causes de la richesse des nations, se demandait, après d'autres grands économistes et sociologues, Alain Peyrefitte, responsable politique français, plusieurs fois ministre, mais surtout remarquable observateur de la société et auteur notamment du «Mal français», de «Quand la Chine s'éveillera» et de «La société de confiance». Faisant part de sa conviction, il soulignait qu'au-delà des explications matérielles comme le capital, le travail, les ressources naturelles, le climat, les mentalités et les comportements constituaient le principal facteur du développement ou du sous-développement. Que le lien social le plus fort et le plus fécond est celui qui repose sur la confiance réciproque-entre un homme et une femme, entre les parents et leurs enfants, entre le chef et les hommes qu'il conduit, entre citoyens d'une même patrie, entre le malade et son médecin, entre les élèves et l'enseignant, entre un prêteur et un emprunteur, entre l'entreprenant et ses commanditaires - tandis qu'à l'inverse, la défiance stérilise».

Ce lien de confiance est fondamental dans une société. Cet «ethos de la confiance fut au cœur de l'intervention du directeur général des Impôts, M. Zaghnoun, qui a traité de cette relation de confiance entre l'administration et les contribuables, sous forme de «partenariat» fondé sur la confiance qui répond aux attentes des uns et des autres. Partenariat et confiance, ce sont là des objectifs, car, reconnaissons-le, nous en sommes loin, au vu des niches fiscales, du sport national qu'est la fraude fiscale et au vu de l'ampleur de l'informel. Plusieurs mesures sont prévues dans le projet de la loi de finances 2011 pour favoriser l'adhésion des citoyens et des entreprises à l'impôt : institution d'un plan épargne action, d'un plan épargne logement, régime exceptionnel aménagé pour les petites entreprises qui seraient soumises à un taux de 15% au lieu de 30% sur leur résultat, amnistie pour les entreprises « informelles » qui décideraient de se déclarer…mais il faut aller plus loin et travailler cette relation de confiance entre le citoyen et l'administration fiscale et vice versa. Comment ? C'est sur ce thème que revient ce commis de l'Etat qui a su transformer l'administration de la douane à un moment difficile.

Pour assurer cette confiance avec l'administration des impôts, « assurer un meilleur accueil de l'usager avec le guichet unique, réduire les délais de réponse et puis simplifier les démarches et procédures notamment par la mise en place d'un système d'information efficace en vue, entre autres, de dématérialiser le processus et assurer une administration 100% électronique » n'est pas suffisant. Ce sont les mentalités et les comportements qu'il faut changer pour donner du sens à la nouvelle gouvernance des finances. M. Zaghnoun est intervenu au Centre de recherches juridiques, économiques et sociales à la faculté de Casablanca, route d'El Jadida, au centre Links dirigé par Mohamed Berrada, ancien ministre des Finances, qui a dirigé plusieurs grandes entreprises nationales comme la RAM, l'OCP… qui a su donner au centre une envergure nationale et internationale et qui a introduit de manière remarquable le sujet de la modernisation de l'administration fiscale. Links signifie liens. Liens entre l'université et l'entreprise, ce lien de confiance que l'on évoquait et auquel devrait s'intéresser un peu plus les chefs d'entreprises et les responsables politiques…
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Plusieurs mesures sont prévues dans le projet de la loi de Finances 2011 pour favoriser l'adhésion des citoyens et des entreprises à l'impôt. Explications.

LE MATIN : Les contribuables se soumettent aujourd'hui à l'impôt, ce qui n'a pas toujours été le cas dans l'histoire du Maroc. Comment analysez-vous le consentement à l'impôt, en d'autres termes l'adhésion des citoyens à l'acte de verser des impôts ?

ABDELATIF ZAGHNOUN :
Le consentement à l'impôt résulte à la fois d'un devoir citoyen et d'un long travail de construction de relations de confiance entre l'administration et le contribuable, une relation qu'il faut toujours remettre sur l'ouvrage pour l'améliorer. L'améliorer, cela veut dire moderniser davantage l'administration elle-même, qui doit être neutre et impartiale et améliorer le travail de proximité des agents qui doivent rester à l'écoute du contribuable et instaurer un climat de confiance. L'acceptation des impôts est un devoir de citoyen, les recettes contribuent en effet à financer les dépenses publiques pour contribuer au développement socio-économique de notre pays qui connaît une formidable dynamique de chantiers, d'infrastructures de projets structurants, aéroports, autoroutes, ports, liaisons ferroviaires… mise à niveau des villes…
Or les impôts sont le moteur de ces investissements qui créent l'emploi, la croissance et la richesse. Les contribuables apportent leur contribution à ce développement et au financement des charges publiques en fonction de leur capacité contributive comme c'est prévu du reste par la Constitution. Ils sont par conséquent tenus de respecter leurs obligations en souscrivant leurs déclarations d'impôts et en s'acquittant de leur dû fiscal. Pour faire face aux dépenses des collectivités, il faut assurer des recettes fiscales. Nous n'avons pas d'autres ressources, hormis les recettes douanières et le civisme fiscal qui est l'accomplissement volontaire par les contribuables de leurs obligations fiscales et qui est essentiel. Il faut pour cela, amener les contribuables à adhérer et à déclarer ce qu'ils doivent. Mobiliser ces recettes c'est précisément la mission première de la Direction générale des Impôts que j'entends effectuer dans une logique de progrès et de modernisation.

Quelle lecture faites-vous de l'évolution des impôts qui ont connu en 2009 et 2010 une décélération ?

Il faut remettre les évolutions fiscales dans leur contexte. Les recettes fiscales ont connu une croissance importante jusqu'en 2008 qui a été une année exceptionnelle grâce aux résultats fiscaux des entreprises et aux prélèvements sur les opérations exceptionnelles de cessions d'actifs en 2008. A partir de cette année, il y a une tendance baissière par rapport à 2008, mais nous observons si nous mettons cette année de coté, une progression continue.
En 2005, nous étions à 110 milliards de DH, en 2006, à 125 milliards de DH, en 2007, 150 milliards de DH, en 2009 à 169 milliards de DH et en 2010, 167 milliards de DH. On constate une légère baisse qui s'explique par l'effet des réformes de l'Etat. En 2009 par exemple, nous avons eu une baisse de l'IR à deux reprises qui s'est traduite par une moins value fiscale de l'ordre de 8 milliards de DH, et la baisse de l'IS qui est passée de 35% à 30% et qui s'est traduite par une moins value fiscale de l'ordre de 4 milliards de DH. Ces réformes ont généré une moins value fiscale de 12 milliards de DH. Par rapport aux prévisions de 2010, nous serons dans les montants prévisionnels ;

Quelles sont les étapes du processus fiscal et à quel maillon de la chaîne faut-il intervenir pour améliorer ce processus ?

La loi fiscale impose des obligations au contribuable et accorde à l'administration les moyens pour en contrôler le respect. En retour, les contribuables peuvent exiger de l'administration fiscale de leur faciliter les procédures et les processus pour qu'ils puissent accomplir leur devoir dans les meilleures conditions.
Ainsi le partenariat doit se concevoir sur la base de règles et de procédures claires fondées sur la recherche constante d'un équilibre de la relation entre l'administration fiscale et le contribuable.

Confiance, équilibre, transparence vis-à-vis des entreprises, ce sont des mots qui charpentent l'intervention que vous avez faite au centre Links. Qu'est-ce qui a été fait dans ce sens, quels sont les points forts et les points faibles?

L'administration et les contribuables se rencontrent à 3 stades du processus, au niveau de l'assiette tout d'abord qui commence par la souscription à la taxe professionnelle, jusqu'à l'émission de l'impôt.
Le deuxième stade opératoire, c'est le contrôle fiscal et le troisième stade qui permet la rencontre, c'est le regroupement. Chaque stade opératoire peut générer des conflits qu'il y a lieu d'identifier, de recenser et d'essayer de régler avec un esprit responsable. Pour cela, il faut mettre en place des structures d'accueil, de suivi pour répondre à l'attente des contribuables et aller vers cette logique de progrès. C'est un travail collectif qui, s'il est bien compris permettra de favoriser l'adhésion des citoyens.
Il nécessite une transparence de part et d'autre car la charge, la population fiscale devient de plus en plus importante et il est difficile de tout contrôler. Il faut dés lors mettre en place des dispositions, des mesures qui permettent de faire la part des choses, à savoir qu'il y a de bons contribuables et des mauvais contribuables que l'on ne peut traiter de la même manière. En d'autres termes, on doit aller vers des modes opératoires de contrôle intelligent. Aujourd'hui, ce n'est pas un contrôle quantitatif qui fera la différence mais un contrôle qualitatif fondé sur un ciblage et une gestion de l'analyse des risques.

Encore faudrait-il que les agents du fisc intègrent cette dimension de proximité et de confiance ?

Sans aucun doute, une meilleure administration de l'impôt peut faciliter la relation avec les contribuables et consolider le civisme fiscal. Nous devons rationaliser nos actions, faire des efforts en matière de communication afin de faciliter l'accès fiscal au contribuable. On pourra ainsi voir en l'administration fiscale un service public de l'impôt, avec pour usager le citoyen. Cette logique est fondée sur un contrat qui impose des exigences et des attentes de part et d'autres. Il y a lieu de les prendre en charge pour honorer ce contrat.

Concrètement, comment rationaliser ces actions dans cette logique ?

Dans ce sens, nous voulons agir sur 3 points. Réserver un meilleur accueil de l'usager en allant vers un guichet unique pour faciliter la tâche et simplifier les procédures au contribuable, réduire les délais de réponse de l'administration qui doit prendre en charge les questions et les doléances des contribuables et apporter des solutions. Il y a également la simplification des démarches et des procédures avec la mise en place d'un système d'information qui permet d'améliorer l'efficacité et la pro réactivité de l'administration et qui permet d'aller vers la dématérialisation des processus ….en attendant une administration, électronique. Pour cela, il faut agir en interne pour créer une dynamique de changements impliquant l'ensemble du personnel pour qu'il s'approprie les objectifs et les missions qui ne sont pas faciles. Pour cela, il faut un personnel motivé, formé, capable de faire face aux changements, qui adhère aux objectifs mais aussi des conditions qui favorisent l'épanouissement du personnel notamment en ce qui concerne l'évolution de la carrière et la mobilité qui permettent aux agents d'être à l'aise vis-à-vis de leurs familles, de l'administration et un système de promotion transparent et équitable. Nous devons également procéder à des recrutements de profils requis car nous aurons des départs en retraite massifs qui se traduiront par des pertes de compétences. Je dirai que l'administration des impôts comme celle de la douane regorge de compétences, de personnes engagées.
Il faut également agir en externe et mettre en œuvre des actions d'amélioration en direction des contribuables. Il faut faciliter l'accès à la législation, à la réglementation qui doit être simplifiée et clarifiée, à l'information en mettant en ligne le code, les procédures …Il s'agit également d'établir un équilibre entre le service et le contrôle, d'établir une culture de service en prévoyant une catégorisation des contribuables.

C'est-à-dire ?

Je l'ai dit tout à l'heure, one ne peut traiter tout le monde de la même façon. Il y a des contribuables honnêtes qui paient leurs impôts. Ils doivent bénéficier d'avantages en terme de remboursement par exemple. Quand la confiance s'installe, quant le contribuable est transparent, il faut l'aider pour le mettre sur la voie de la performance, l'aider à bien appliquer les règles fiscales. Il faut les accompagner parce qu'ils font eux-mêmes l'effort.
Cette démarche de catégorisation va nous permettre en fait deux choses : de rationaliser nos moyens car nous ne pouvons pas contrôler les 3millions de contribuables déclarés à l'IR, ou les 500 000 déclarés à la TVA, mais nous pouvons rationaliser en ciblant une population qui mérite un accompagnement. Cette démarche va permettre aussi de pousser les moins bons à faire des efforts. Mais pour cela, nous devons adapter notre organisation pour couvrir le maximum du territoire et pour déconcentrer nos actions. La douane ou les impôts, c'est un travail de terrain. Il faut que les structures régionales puissent disposer des moyens humains, financiers, logistiques pour prendre en charge ces missions et améliorer la qualité de leurs services et prestations. Nous devons aussi procéder à une relecture du code général des impôts par une commission mixte composée de fiscalistes experts et revoir tous les textes qui posent problème.

Si on devait résumer votre démarche, que retiendrait-on en premier ?

Nous recherchons l'adhésion des contribuables, leur consentement à déclarer spontanément leurs impôts. C'est cela qui permettra d'améliorer les recettes. Concernant le contrôle fiscal, il faudrait en renforcer la dimension pédagogique. Il faut bien sur identifier les chefs de redressement mais il faut également une valeur ajoutée pour l'entreprise et l'entrepreneur. On doit le sensibiliser sur les erreurs et les anomalies pour qu'ils les évite dans l'avenir.

Quel serait le mode opératoire de ces contrôles ?

A coté des vérifications globales, on aura des contrôles fiscaux ponctuels et simplifiés. C'est une disposition, celle du contrôle ponctuel que nous avons introduite dans la loi de Finances 2011. Il ne s'agit plus de contrôler les 4 ans mais de focaliser sur la période qui présente des risques. Cela suppose bien sur que j'ai les moyens pour analyser la situation, gérer les risques. Si maintenant il faut élargir à d'autres types d'impôts ou à une autre période, on le fera, bien sûr.
Une charte du contribuable est en voie de finalisation qui lui permettra de connaître ses droits et ses obligations aux différents stades de contrôle. Un benchmarking entre les administrations fiscales étrangères a permis de constater que ces administrations introduisent de plus en plus dans leur gestion des pratiques empruntées au secteur privé. Une administration peut être gérée comme une entreprise privée dés lors qu'elle a des objectifs déclinés en actions concrètes au niveau central et régional. Elle doit disposer de moyens humains, matériels, de modes opératoires pour s'assurer qu'elle a les possibilités de s'inscrire dans une logique de résultats, de recettes fiscales, mais aussi de réduction de contentieux, de remboursement…
Tout ceci en mettant en place des mécanismes d'évaluation pour s'assurer si l'on s'achemine vers les objectifs fixés, à savoir la performance,la progression des recettes, le taux de réalisation par rapport aux prévisions, la maîtrise des contentieux, mais aussi le renforcement de la relation partenariat entre l'administration et le contribuable fondée sur la confiance. L'évaluation de la pression fiscale est également importante pour l'équité fiscale. les changements auxquels nous devons faire face nous imposent des exigences. Nous devons ainsi veiller à la mise en place de l'équité fiscale à travers la lutte contre la fraude fiscale.
Cela contribuera à l'amélioration du climat des affaires et favorisera une concurrence loyale.. Améliorer les recettes, mieux répartir la pression fiscale, attirer plus d'investissements c'est ainsi que contribuables, opérateurs économiques et administration pourront jouer leurs rôles dans le développement de notre pays. Car in fine c'est de cela qu'il s'agit, du développement de notre pays qui passe par cette relation de confiance.
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