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«Les relations bilatérales entre le Maroc et la Pologne sont au beau fixe»

Docteur Joanna Wronecka, Ambassadeur de la République de Pologne au Maroc, présente au Maroc depuis 2005, fait le point sur la nature des relations entre le Maroc et la Pologne. Elle parle de la politique, de l'économie, des échanges commerciaux et ce qui reste à faire pour promouvoir l'investissement dans les deux pays.

«Les relations bilatérales entre le Maroc et la Pologne sont au beau fixe»
Joanna Wronecka.
LE MATIN : Quel bilan faites-vous des relations entre le Maroc et la Pologne ?

JOANNA WRONECKA :
C'est un bilan extrêmement positif. Ce sont des relations de 51 ans maintenant. Nous n'avons eu aucun problème ni sur le plan politique ni social ou culturel. Au contraire c'était des relations basées d'abord sur le respect, l'amitié et aussi l'envie de découvrir l'autre ainsi que l'acceptation de l'autre.

Ce sont là les seuls secrets des bonnes relations entre le Maroc et la Pologne ou c'est aussi parce que ces relations on été bien travaillées ?

Non, bien sûr, c'était bien travaillé parce qu'il y avait aussi la volonté des autorités aussi bien polonaises que marocaines. Peut être que c'est aussi du à la spécificité du peuple polonais qui est très ouvert ainsi que le peuple marocain qui est aussi ouvert et prêt à engager la discussion. Vous le savez dans l'histoire de chaque pays il y a des périodes importantes. En parlant de la période importante pour la Pologne, on évoque la transformation démocratique qui a eu lieu à partir de l'année 1989, qui a complètement changé la Pologne qui est devenue libre. Sortie d'un pays avec un système socialiste la Pologne est devenue un pays avec une économie libérale. Tout cela a fait que le peuple polonais a changé d'aspirations. Il s'est développé et a cherché à devenir un partenaire actif dans l'Europe. La Pologne a pris des engagements vis-à-vis de l'Europe pour devenir membre de l'Union Européenne.

Justement ce changement de système politique n'a-t-il pas eu d'effets sur les relations maroco-polonaises ?

Oui et non. La Pologne était préoccupée par tout ce processus d'adhésion qui était long. Car, cette période de 1989 à 2004 où la Pologne est devenue membre de l'UE représente presque quinze ans. Effectivement, au début il fallait beaucoup travailler du côté de l'Europe…

Cette question est posée parce qu'en général les pays socialistes de l'Europe de l'Est avaient une préférence, dans leurs relations, pour les pays ayant le même
système politique ?


Oui, effectivement. Au début des années 90 où la Pologne se transformait, il y avait beaucoup de contacts politiques surtout au niveau des ministres qui venaient ici au Maroc, pour confirmer que le Maroc est important pour nous pour partager notre expérience. Donc, en fait, le changement de système n'a pas négativement influencé notre relation mais c'était une autre approche parce que la Pologne était dans les préparatifs en quelque sorte. Mais il faut aussi reconnaître qu'à l'époque socialiste on avait de très bonnes relations avec tous les pays arabes. Le Maroc, pays arabe et africain était un partenaire très important pour nous. Bien sûr il faut prendre en considération qu'on est un peu éloigné géographiquement. Nous ne sommes pas les voisins les plus proches mais actuellement, avec la politique européenne de voisinage on est très proches. Car, le monde n'a plus de frontières. Donc, on peut dire qu'un nouveau cap est lancé depuis 2004, quand la Pologne est devenue membre de l'UE. Parce que tout a changé. La Pologne a changé et aussi l'environnement politique stratégique de notre pays a changé. C'est à partir de ce moment là que nous observons une dynamisation extrêmement intéressante de nos relations. Il y a une volonté de construire un nouveau dialogue.

Concrètement, avec le changement de système politique et l'adhésion à l'UE, qu'est ce qui a changé dans les relations bilatérales avec le Maroc ?

On n'a pas le temps d'expliquer ici tous les détails. Mais en étant membre de l'UE nous sommes tenus par un certain nombre de conventions et d'obligations vis-à-vis de l'Union. On réagit bilatéralement et en coordonnant nos positions avec les autres membres de l'UE. Il faut reconnaître que l'Europe a un poids incroyable dans le monde entier. L'économie européenne est une force et la Pologne fait partie de cela. Mais chaque pays a sa particularité géographique et stratégique. Donc, il faut souligner que même pour l'UE on représente un grand marché. On est 38 millions on représente donc un important marché pour vendre, aussi bien pour l'import que pour l'export.Donc tout change et rien ne change en quelque sorte. Il faut s'adapter à de nouvelles conditions et en même temps il faut développer le dialogue bilatéral qui est très important. Même ce dialogue bilatéral est dans le cadre de l'UE parce qu'il faut tout coordonner. Comme c'est le cas pour le Maroc qui est devenu un partenaire associé et privilégié grâce au statut avancé. Il doit plus faire attention à cette coordination.

Justement, où voyez-vous l'importance du statut avancé dont bénéficie le Maroc ?

Vous savez, grâce à ce statut avancé, le Maroc entre dans le processus de libéralisation. Par exemple, dans l'aspect politique, le Maroc mène, depuis plus d'un an et demi un dialogue politique renforcé qui lui permet d'être plus actif sur le forum européen. C'est-à-dire d'être partenaire dans les institutions européennes mais aussi d'apporter son expérience dans les domaines où nous par exemple nous n'avons pas cette expérience. Par exemple, le Maroc est plus rodé dans la politique africaine, il peut partager avec l'Europe quelques idées et des observations concernant la situation dans la région du Sahel, dans le Sahara ou concernant les relations avec les pays africains. Nous, par exemple, nous avons plus d'expériences dans l'Est et le Caucase ou quelques pays asiatiques où le Maroc n'a pas de représentation. Ceci se passe dans le cadre de l'UE.
On peut partager cela. Ou au niveau des organisations internationales, par exemple en Pologne se trouve le siège de l'organisation qui se charge de l'immigration FONTEX où j'avais travaillé personnellement. Elle se charge de l'immigration tant légale qu'illégale… Le Maroc est un partenaire extraordinaire des Nations unies, il y a des sujets où nous travaillions ensemble comme les droits de l'Homme parce que le Maroc attache une importance particulière à ce sujet et nous aussi. Nous appuyons le Maroc dans tous les organes de l'ONU. Nous relevons l'engagement du Maroc dans la problématique nucléaire, le combat contre le terrorisme nucléaire, les opérations de maintien de la paix au sein de l'ONU. La Pologne a acquis aussi une expérience et on collaborait toujours même en dehors du cadre de l'UE. Maintenant nous entrons dans le dialogue politique approfondi qui fait de vous un partenaire très privilégié. Economiquement, le statut avancé parle de beaucoup de choses.
La libéralisation dans les produits agroalimentaires ouvre beaucoup de possibilités pour vendre les produits marocains en Pologne et aussi pour vendre nos produits ici. Donc on peut espérer travailler sur l'accord sur la libéralisation des services. Ça aussi ouvre d'autres possibilités. Quand nous parlons de l'Union Européenne c'est surtout au niveau de la réglementation. Ces réglementations peuvent paraître au début difficiles mais après, une fois ce stade dépassé, vous allez sentir que toutes les portes sont ouvertes et c'est ce que nous espérons pour le Maroc. Pour la dynamique des échanges économiques, les portes sont ouvertes dans tous les domaines. C'est cela le grand potentiel entre nous.

Est-ce que vous pensez que le dernier sommet de Grenade entre le Maroc et l'Union Européenne va permettre d'accélérer ces relations ?

Moi personnellement je trouve que oui. D'ailleurs le fait que ce soit le premier sommet après que le traité de Lisbonne ait été accepté est significatif. Le Maroc est le premier pays arabe avec lequel l'UE organise un sommet. C'est un message très fort. D'ailleurs, la Pologne s'intéresse à son voisinage le plus proche. Lors de la visite du Premier ministre Abass El Fassi nous l'avons bien expliqué.
Justement, cette visite du Premier ministre marocain en Pologne a permis de faire le point sur les relations économiques. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
On espérait cette visite du Premier ministre marocain en Pologne depuis longtemps. En tout cas, cette visite qui a eu lieu en janvier 2010, a permis au Premier ministre de voir la Pologne qui se développe, une Pologne amie du Maroc.
Politiquement, à part les discussions économiques qui devaient donner plus de dynamisme aux relations entre les deux pays, les deux Premiers ministres ont eu des discussions extrêmement intéressantes politiquement. Il y a eu des discussions sur des sujets comme le Sahara, le Proche Orient, la Palestine… Nous avons expliqué notre vision du partenariat…

Quels étaient les points de convergence et de divergence ?

Nous avons le droit de nous intéresser à ces pays parce que nous avons le voisinage le plus proche. Cela ne doit pas être un inconvénient pour le Maroc parce que la Pologne, dans sa politique extérieure, a été toujours pour la solidarité. La Pologne s'est développée et on doit aider les autre pays dans la voie de la démocratisation. Nous sommes donc pour cette vision que les deux rives se développent de façon harmonieuse pour que l'Europe devienne très stable. Nous avons beaucoup apprécié l'analyse du Premier ministre marocain qui disait que ce qui compte c'est une Europe unie et non pas les rivalités ou les compétitions.

S'agissant du volet économique, surtout l'échange commercial, est-ce que vous êtes satisfaite des relations à ce niveau ?

Non, je ne suis pas satisfaite. Car, en 2008, on a eu un très bon bilan qui était de l'ordre d'un demi milliard d'euros d'échanges entre les deux pays. En 2009, l'échange a beaucoup diminué. C'était peut être à cause de la crise économique. Nous essayons maintenant de développer tout genre de partenariat, d'amener des businessmen et même des investisseurs. La Pologne commence à devenir un investisseur à l'étranger, un jour elle sera plus active. Pour le moment ce sont de petites initiatives.

Quels sont les secteurs qui vous intéressent le plus au Maroc ?

Tout nous intéresse. Pour le moment, ce sont les businessmen qui doivent le dire.

Quels sont alors les secteurs où vous avez un savoir faire pointu ?

Nous avons du savoir faire dans différents domaines. Je vois des possibilités dans le domaine des meubles. La Pologne a acquis une notoriété vraiment extraordinaire en Europe et dans le monde entier. Il y a peut être là des projets qui peuvent être concrétisés.En réalité tout est possible parce que le succès de notre économie est dû surtout aux petites et moyennes entreprises. Le gouvernement polonais a aidé toutes les entreprises ce qui a fait que la Pologne a pu vivre la crise avec moins de dégâts. La Pologne a été la seule en Europe à avoir eu un produit intérieur brut au niveau de 1,7%. C'est vraiment important puisque les autres pays ont moins. Nous espérons donc que la situation, cette année va s'améliorer… Donc, je pense que la dynamisation de nos relations passe par l'encouragement des petites et moyennes entreprises à s'intéresser plus au marché marocain. Il faut organiser des missions de prospection pour signer des contrats et voir quelles sont les possibilités de partenariat.

Vous parlez-là des PME polonaises. Mais, si vous aviez à présenter le marché polonais aux investisseurs marocains, quels sont les créneaux qui peuvent les intéresser selon-vous ?

Il suffit de prendre en considération ce que nous appelons en Pologne le programme de privatisation. Car, la Pologne a privatisé beaucoup d'entreprises qui, à l'époque, étaient des entreprises d'Etat. Chaque investisseur peut voir si c'est rentable ou non. Nous avons présenté au Maroc une liste de toutes les entreprises qui seront privatisées. Si les investisseurs sont intéressés ils seront les bienvenus. Cela concerne en général de grands projets. De notre côté, on pourrait dire que c'est le tourisme qui est un secteur prometteur. Effectivement, nous allons travailler grâce à des visites que nous allons effectuer pour étudier ce secteur qui peut donner de bons résultats.

En passant en revue vos différentes activités, l'on a l'impression que vous
accordez plus d'intérêt à ce qui est culturel ?


C'est parce que dernièrement nous faisions de la promotion culturelle, car l'année dernière c'était le 50ème anniversaire de nos relations. Effectivement, on voulait un peu promouvoir la Pologne au Maroc. La façon la plus attractive et intéressante était justement la promotion culturelle.
C'est pourquoi nous avions beaucoup d'activités culturelles qui étaient réussies. En plus le travail d'un ambassadeur c'est aussi bien le culturel que l'économique et le politique. Politiquement, les relations sont très bien développées. Le travail culturel on le voit plus. L'économique on le travaille aussi mais ce n'est pas aussi spectaculaire qu'on pourrait le voir. Je travaille donc sur tous les fronts. On peut dire que chaque année j'ai une spécialisation.

Entretien réalisé par Brahim Mokhliss
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