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Un succès interpelle un autre

Président de la Fondation Esprit de Fès et initiateur du festival de Fès des musiques sacrées du monde, Mohamed Kabbaj travaille avec la même compétence et rigueur pour le rayonnement de la ville de Fès et du Maroc, à travers ce festival, classé par les Nations unies parmi les dix institutions dans le monde qui servent la paix et le dialogue interculturel et inter-religion. Il nous parle dans cet entretien de la naissance de cette manifestation et de son évolution d'une édition à l'autre.

Un succès interpelle un autre
Mohamed Kabbaj, président de la Fondation Esprit de Fès et initiateur du Festival de Fès des musiques sacrées du monde.
Le Matin : Le festival des musiques sacrées est à sa sixième édition. Pouvez-vous nous parler de son évolution au fil des ans et les grandes étapes qui l'ont marqué ?

Mohamed Kabbaj :
L'idée d'un festival de Fès des Musiques sacrées du monde est née il y a prés de 19 ans. Mais l'organisation de la première édition nous a demandé un peu plus de temps. Au début, nous voulions organiser une grande manifestation pour faire connaitre la ville et l'activité spirituelle et culturelle qui la caractérise. Nous avons pensé de fait, à des rencontres et à des colloques. Et puis finalement, nous avons opté pour un festival des musiques sacrées parce que c'est la meilleure manière de dialoguer avec l'autre quel qu'il soit et favoriser une meilleure compréhension interculturelle et interreligieuse. Et puis, la musique possède le pouvoir de toucher le cœur et les sentiments et facilite le dialogue. Ainsi, nous avons commencé très petit en organisant le festival de Fès des musiques sacrées du monde pendant trois jours dans un petit lieu à la préfecture de la médina de Fès. Et au fil des éditions, nous avons constaté que le festival enregistrait beaucoup de succès et qu'il n y a pas assez de places pour accueillir les passionnés de ce type de musique que le festival attire de plus en plus d'une édition à l'autre. Nous avons de fait, cherché des lieux plus grands comme le Musée Al Batha et Bab Al Makina. Ce sont des lieux chargés d'histoire et se prêtent pour ce genre de manifestation. Par la suite, nous avons complété le festival par des rencontres pour l'enrichir davantage.
Au début les rencontres étaient surtout des conférences avec de grands penseurs et philosophes qui venaient de partout dans monde. Et avec le temps elles se sont transformées en véritables rencontres débats animées par des dizaines d'intellectuels et de penseurs du monde entier sur des thématiques relatives entre autres au dialogue interculturel, et à la pensée sacrée.

Depuis son lancement, le festival de Fès des musiques sacrées du monde est perçu comme une rencontre élitiste. Est-ce que l'organisation du festival dans la ville traduit une sorte d'ouverture sur le grand public ?

En fait, nous n'avons jamais cherché l'élitisme. La ville de Fès était en train de décliner et de perdre une partie non négligeable de sa population d'origine et ses élites. Aussi, elle ne représentait qu'une étape dans les circuits touristiques. Les touristes ne restaient que la journée ou y passaient juste une seule nuitée. Il fallait organiser un événement pour attirer le maximum de touristes aussi bien nationaux qu'internationaux et les retenir pendant quelques jours grâce notamment à une activité intellectuelle. Et ce avec des retombées sur l'économie de la ville et sur la population. Je reconnais que nous n'avons pas cherché au début à organiser un événement de loisir pour la population locale. L'important pour nous était, via le festival des musiques sacrées, dynamiser la ville et retenir les gens sur place. Et quand cet événement a atteint un certain niveau de maturité, nous l'avons complété par le festival dans la ville dédié essentiellement au plaisir de la population locale. Ce festival est aujourd'hui une grande rencontre qui n'a rien à envier aux autres rencontres du même type au niveau national avec plusieurs scènes et animations des groupes que ce soit de musiques sacrées ou populaires, dans plusieurs quartiers de la ville. Nous avons aussi enrichi le festival des musiques sacrées par l'organisation aussi des les nuits soufies, des expositions artistiques et autres activités dédiées aux enfants. Et nous essayons chaque année d'améliorer la qualité de ces activités pour répondre aux différentes attentes à tel point qu'aujourd'hui, nous sommes leader mondial dans la catégorie des musiques sacrées.

Est-ce que vous ne pensez pas séparer les musiques sacrées du festival dans la ville pour faire de ce dernier un événement à part ?

On se pose en fait la question de séparer les deux événements. Mais cela a des avantages et des inconvénients. L'avantage est que nous allons enrichir la ville d'un autre festival dédié à la population et au loisir et qui ressemble un peu aux autres festivals existants un peu partout au Maroc. Mais d'un autre côté, celui-ci ne bénéficiera pas de l'appui notamment financier et le rayonnement international du festival de Fès des musiques sacrées du monde. Nous allons en fait prospecter auprès de nos différents partenaires et opter pour la meilleure solution. Il y a lieu aussi de noter que les visiteurs étrangers des musiques sacrées aiment beaucoup assister au festival dans la ville et nous risquons de les priver de ce plaisir si nous séparons les deux événements.

La manifestation a pu créer des passerelles entre les différentes cultures et religions. Ce qui lui a valu le classement par les Nations unies parmi les dix premières institutions dans le monde qui servent la paix. Mais quelles sont les retombées directes sur la ville ?

Le festival de Fès des musiques sacrées du monde a fait connaitre la ville. Nous sommes aujourd'hui présents sur toutes les chaines de télévisions du monde : de la CNN jusqu'à la télévision indienne. En plus la distinction par les Nations unies du festival parmi les dix premières institutions dans le monde qui servent la paix est un honneur pour la ville qui s'inscrit désormais, grâce au festival dans une mission culturelle et de rapprochement entre les peuples.
A cela s'ajoute l'activité touristique qui se développe pendant le festival puisque les participants séjournent plus longtemps. Celui-ci permet aussi incontestablement aux participants du festival de découvrir la ville et leur donne envie de revenir. Certains ont même acheté des riads à la médina dont une princesse indienne fidèle au festival de Fès des musiques sacrées du monde. Il y a certes d'autres retombées que nous ne connaissons pas. L'important pour nous est que cet événement a dynamisé la ville. Et il y a derrière un travail de longue haleine de la Fondation Esprit. C'est un peu comme les fillettes qui, jadis, commençaient à broder à la main leur trousseau de mariage dés l'âge de sept ans jusqu'à leurs 18 ans pour avoir à la fin de belles choses qu'elles gardent toute la vie. Et c'est ainsi que la fondation travaille et contribue à promouvoir l'image de Fès comme centre culturel, de paix et de dialogue interculturel et inter civilisationnel.

Peut-on savoir pourquoi le choix cette année de la thématique « voyage initiatique » ?

Les thématiques sont choisies au fil des éditions du festival de Fès des musiques sacrées du monde, dans l'esprit spirituel et mythique de Fès. Cette année le choix s'est porté sur le voyage initiatique qui englobe l'apprentissage du monde, la découverte de l'autre, la connaissance de soi et la quête spirituelle. Nous nous sommes inspirés des grands voyageurs qui ont marqué l'histoire de toute l'humanité tel le voyage de Moise, celui du prophète Mohamed comme des voyages d'autres grandes figures mystiques emblématiques de chaque religion tels Ghazali, Ibn Arabi, Maimonide et les autres exilés de Fès ou de Charles de Foucault dans la solitude du désert comme celui de Bouddha. Il y a aussi le voyage intérieur, le pèlerinage, l'exil qui vont être traités lors des rencontres de Fès par de grands penseurs de renommée mondiale. A noter que nous pensons déjà à la thématique du festival en 2011.

Nous remarquons qu'il n'y a pas une forte communication autour des rencontres débats de Fès organisées en parallèle avec le festival. Qu'en pensez-vous ?

Je reconnais cet état de fait. Les rencontres méritent d'être plus connues et c'est vrai que nous n'arrivons pas à les faire connaitre à leur juste valeur. Nous avons essayé cette année de renforcer la communication autour des rencontres surtout auprès des Marocains parce que les étrangers y assistent beaucoup et participent aux différents débats. Nous avons fait cette année un effort exceptionnel auprès des universitaires et des étudiants pour les intéresser davantage aux rencontres surtout qu'elles sont animées par de grands penseurs de renommée mondiale. Nous tablons aussi sur les livres que nous éditons suite aux rencontres pour les faire connaitre auprès du grand public. Cela dit, le travail de la fondation n'est pas aisé et elle ne peut pas avec les moyens limités et des petites équipes être sur plusieurs fronts. Il ya par exemple chaque année plus de 600 artistes à contacter de plusieurs pays parfois de contrées très lointaines de Mongolie, du Cambodge ou d'Afghanistan. Et ce pour présenter toujours ce qu'il ya de mieux et d'original dans les musiques sacrées du monde. Et ce n'est pas une mince affaire. A cela s'ajoute un énorme travail de communication auprès des grands médias étrangers pour attirer les journalistes internationaux et maintenir la dimension internationale de l'événement et promouvoir la ville à l'étranger. C'est un travail tellement gigantesque que nos équipes ne trouvent pas le temps pour communiquer autour des rencontres-débats. Il faut aussi reconnaitre que le succès des musiques et concerts fait de l'ombre aux rencontres débats malgré leur importance.
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