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Grands chantiers nationaux : quelle cohérence d'ensemble ?

Le PMO permet de sélectionner les bons projets et de les suivre dans le temps. L'avis de l'expert.

Grands chantiers nationaux : quelle cohérence d'ensemble ?
Certains prennent peur alors même que dans tout projet on est dans l'incertitude. Une incertitude, qu'il faut gérer en planifiant.
LE MATIN : Qu'est-ce que le PMO, project management office ?

Mohammed M'Hamd :
C'est un outil qui permet de spécialiser des personnes dans la gestion des portefeuilles de projets. On les appelle managers de portefeuille de projets. Cette logique de gestion doit faire en sorte que la vision soit réalisée selon la stratégie élaborée. Pour cela, il faut une priorisation car les organisations ont des ressources limitées. Prenons l'exemple de 5 navires qui entrent un lundi matin au port et que l'on ne dispose que de 5 dockers pour les décharger.
Certains managers vont affecter une personne par navire ou demanderont à chacune de travailler une heure sur le premier navire, une autre heure sur l'autre navire …
Ce qui aggraverait l'effet de dispersion ; un manager de portefeuille va concentrer toutes ses ressources sur le premier navire pour qu'il puisse quitter rapidement le port. Même chose pour le deuxième, troisième navire ainsi de suite. Le cinquième navire n'est ainsi pas pénalisé et la flotte sera bien exploitée dans le temps.

Prenons un autre exemple. Nous avons actuellement plusieurs grands chantiers. Comment donner de la cohérence d'ensemble ?

L'essentiel est de savoir prioriser et affecter les ressources aux bons projets pour éviter que ces ressources ne soient dispersées et travaillent sur beaucoup de projets simultanément. Il faut une adéquation entre les ressources et les projets et une hiérarchie de priorité. Il faut faire avancer ce qui est le plus important . Un autre rôle du management de portefeuille de projets c'est de surveiller l'état de santé et l'état d'avancement des différents projets en cours et en cas de besoin de réaffecter des ressources vers les projets les plus importants pour les accélérer. Il est possible aujourd'hui avec les moyens et les méthodologies dont on dispose de faire du temps réel, c'est-à-dire de voir les projets à problème. Cela permet de faire un tableau de bord clair pour une prise de décision efficace. Le PMO permet de sélectionner les bons projets et de les suivre dans le temps.

Cela procède d'un bon sens managérial. A votre avis, quels sont les dysfonctionnements les plus courants ?

Certaines administrations ont des projets importants mais ne trouvent pas le financement. D'autres avec la reconduction des budgets sont au contraire à la recherche de projets. Parfois des projets remontent de la base et ne découlent pas de la stratégie.

Que faut-il pour une cohérence d'ensemble ?

Il faut des équipes qui veillent à une bonne déclinaison dans les contraintes et conditions exigées au départ. Le rôle du management de projets est de sélectionner les bons projets, les bons programmes. Les programmes sont composés d'un ensemble de projets qui vont concourir à réaliser une initiative stratégique. Les programmes doivent être accompagnés pour être sûr que l'initiative stratégique sera effectivement atteinte. Le management de programme devra tirer avantage sous la responsabilité du porteur de programme des différentes capacités de tel ou tel programme qui doit être pensé comme un tout. On ne va pas par exemple construire une ville nouvelle sans penser aux infrastructures d'assainissement, aux écoles, aux structures de santé, de sécurité .Il faut penser l'ensemble et tirer avantage des différentes capacités en faisant de bons recrutements, en mettant les personnes qu'il faut dans les structures pour un bon fonctionnement.

Dans cette floraison de projets lancés au Maroc, quels sont les bémols que vous apporterez quant à la conduite de ces projets ?

L'appropriation des projets. Très souvent le management n'est pas formé à la gestion des projets et des programmes. Il faut injecter beaucoup de formation .beaucoup d'universités proposent aujourd'hui des formations en management de projet, mais un étudiant qui n'a jamais travaillé peut avoir des difficultés de compréhension d'ensemble . Cette formation doit s'adresser à des personnes qui ont de l'expérience. Les commanditaires de projets doivent être aussi formés sur leur rôles de porteurs de projets, leur implication et sur des durées très courtes sur l'importance de bien délimiter les périmètres des projets, de bien décliner les objectifs dits SMART, S pour spécifique, M pour mesurable, A pour atteignable, R pour pertinent en anglais et T pour le timing, le délai. Quand on regarde l'implication du Souverain sur les grands dossiers, on voit cet aspect de l'engagement personnel de management. Quand Sa Majesté s'implique, fait un état d'avancement comme récemment pour le projet technopole de l'Oriental, on voit que les dossiers avancent, qu'ils aboutissent. Il joue un rôle de motivation, de moteur pour faire avancer plus rapidement les projets. L'implication du management est extrêmement importante. Il faut que les relais jouent leur rôle, département ministériel ou agence qui fonctionne très bien, parce que ce sont des grands PMO au sens gestionnaire du programme. L'agence accompagne le programme de bout en bout.

Reste qu'il y a un problème de clarification de compétences et que des programmes peuvent être dupliqués alors même que les ressources sont rares ?

Il faut un chantier ou un programme de modernisation qui doit réaligner les ressources humaines et introduire la culture d'efficience et de performance. Ces organisations doivent changer pour devenir plus efficaces et éviter la déperdition des ressources. Les structures de ces organisations, classiques comme les directions fonctionnent mal, communiquent mal. Quand il y a des projets importants, les unités fonctionnelles doivent être au service des directions de programmes et de projets. Il faut des refontes et il faut rendre ces structures plus flexibles, sensibiliser les responsables. Il y a souvent un problème de responsabilisation des cadres. Ce ne sont pas les responsables qui délèguent vers les cadres mais l'inverse. Le cadre doit revenir vers son supérieur avec un éventail de solutions par rapport aux problèmes posés. Ce qui est courant, c'est que les cadres remontent vers les responsables et leur laissent le soin de résoudre les problèmes.

Que faudrait-il faire pour que les choses soient plus efficientes ?

Il faudrait une approche orientée processus et en fonction de ces processus, il faut structurer ces établissements pour les rendre plus aptes. Les cadres sachant ce qu'ils ont à faire, qu'ils soient organisés pour cela. Il ne faut remonter vers le manager que dans les cas exceptionnels pour lui permettre justement de se concentrer sur les éléments stratégiques. Il ne doit pas être noyé dans les problèmes quotidiens.

La conduite du changement est importante, disiez-vous lors du séminaire. En quoi l'est-elle ?

La conduite du changement à l'intérieur des structures administratives est importante. On ne peut pas la sous-traiter dans des cabinets externes.
Ces derniers peuvent apporter des conseils, faire une analyse de la situation, conseiller les managers. Mais les leviers majeurs de la conduite du changement c'est la formation et l'implication du mangement. Si le management ne s'implique pas, s'il n'oriente pas, le changement ne se fera pas ou se fera mal. J'enseigne le management de projet à l'Institut supérieur de l'administration et ce que je constate, c'est qu'il y a une amélioration des participants qui posent des questions, et qui s'impliquent. Cette génération prendra demain les commandes et on peut être optimiste. Le rôle du gestionnaire de projet est d'aboutir aux résultats, il doit définir ses objectifs, mener jusqu'au bout son mandat et défendre son projet, son périmètre. Il faut aussi lui donner les moyens d'intégrer les bons éléments du projet qui seront mené par de bons éléments humains. La meilleure façon d'améliorer les choses c'est de faire participer les cadres de manière à ce qu'ils s'approprient les objectifs. Il y a aussi la gestion des risques. Certains managers ont en aversion le mot risque.
Certains prennent peur alors même que dans tout projet on est dans l'incertitude. Une incertitude, qu'il faut gérer en planifiant. On identifie les risques, on les analyse, on priorise les risques. C'est la maîtrise de ces éléments d'une bonne gestion du contenu, d'une bonne gestion des ressources humaines et de l'incertitude qui permet de faire aboutir le projet.

Quelles sont vos ambitions à travers le Chapitre Maroc, le bureau PMO Maroc ?

Le partage et l'échange entre chefs de projets et différents managers intéressés par cette problématique. Nous sommes déjà 150 membres dont une centaine de chefs de projets certifiés. En 2005, j'étais le seul certifié au Maroc et la progression est très intéressante. On devrait doubler d'ici fin 2010 ce nombre car il y a une prise de conscience réelle. Nous avons de jeunes cadres très intéressés qui veulent aller de l'avant. Le chapitre PMI est d'apporter une plateforme d'échange et de permettre à ces cadres de se mettre à jour par rapport aux différentes approches méthodologiques et différents concepts du PMO. Le second aspect important c'est de donner une visibilité des grands chantiers et des réalisations qui ont cours au Maroc à l'international et d'associer d'autres chapitres du monde à des programmes associatifs par exemple pour amener des contributions.
Depuis le siège du PMI dans le Massachusetts, on peut obtenir des financements si on présente des projets viables universitaires, associatifs et autres. On peut obtenir des financements également à travers d'autres chapitres. Il y a eu en Inde des programmes supportés par le PMI pour introduire des formations de PMO dans les écoles. Si on apprend aux enfants comment planifier, organiser, prioriser son travail, on pourra les faire avancer dans les bons rails. Les pays qui avancent le mieux dans le PMO, ce sont les pays asiatiques qui ont pris en compte cette formation dans le cursus scolaire. Maintenant il faut sortir de l'esprit de caste et de chercher d'aller toujours plus loin, garder l'esprit d'ouverture pour aller toujours de l'avant.
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