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Festival de Gnaoua ou mutation d'une ville

Le sentiment des festivaliers et des habitants de la ville est partagé entre satisfaction et mécontentement. La ville mérite mieux.

Festival de Gnaoua ou mutation d'une ville
Le festival d'Essaouira s'est achevé. Ses hôtes ont regagné leurs villes et leurs pays, laissant derrière eux des souvenirs entre les ruelles à peine éclairées de la cité des Alizées. «Quand les allées de la ville se vident des visiteurs et des commerçants, cela signifie le retour à la vie normale», souligne Youssef, qui ne voulait pas rentrer chez lui le jour de la fin du festival. «Je préfère rester pour quelques jours supplémentaires. Quand les hordes des festivaliers, commerçants, charlatans et autres voleurs rentrent chez eux, la ville reprend ses traits: calme, paix et tranquillité», ajoute-t-il. Ce Casablancais adore moins Essaouira lors des quatre jours du festival. Essaouira devient, les quatre jours du festival, la destination privilégiée des artisans et commerçants qui pullulent partout, des vendeurs ambulants qui s'implantent comme des champignons et des malfrats qui sèment la terreur. Tout cela perturbe le train de la vie normal de la ville.

Même avis et même impression chez Leila qui vient chaque année depuis la huitième édition du festival. «L'ambiance du métissage musicale n'a pas d'écho chez le grand public», précise la jeune marocaine qui vient de Toulouse. Elle juge que le public est de moins en moins à la hauteur de l'événement. «Je trouve moins de touristes, moins de public et plus de bagarres», avance-t-elle. Une remarque qui reste à vérifier par des statistiques. Heureusement, les impressions de Leila ne sont pas partagées par d'autres festivaliers. «Chaque année, le public est de plus en plus présent», assure pour sa part Ahmed. Il ne rate pas l'événement depuis des années. «J'ai observé les mutations de la ville. Le commerce fleurisse; les riads et les hôtels augmentent leurs chiffres d'affaires. Certaines familles vident des chambres de leurs maisons et les louent pour les visiteurs», ajoute-t-il. Artisans, maîtres menuisiers, fabricants, qui pullulent dans les ruelles de la ville, écoulent bien leurs créations. «Je vends plus que d'habitude lors des journées du festival», confirme Rachid, un menuisier qui fabrique des articles d'art avec du thuya. Et d'ajouter : «Mon commerce croît lorsqu'il y a plus de visiteurs.

Même si les acheteurs, cette année, sont peu nombreux, mais cela offre au moins une bouffée d'oxygène pour un art en agonie». A côté de l'atelier de Rachid se trouve une boutique. L'odeur du thuya se mélange à une autre senteur: celle de l'huile d'argan, un autre produit très convoité par les visiteurs. «Les visiteurs viennent pour acheter nos produits. Nous proposons une gamme de produit cosmétique naturelle à base d'huile d'argan, en reprenant l'essence de la cosmétique traditionnelle», souligne Fatima qui tient cette boutique. D'après ses dires, Fatima collabore avec une coopérative féminine de production d'huile d'argan. «Outre sa qualité nutritive, l'huile d'argan est très utilisée en médecine traditionnelle contre certaines maladies comme la varicelle, l'acné et les rhumatismes. Touristes et nationaux, les visiteurs du festival de Gnaoua viennent se procurer quelques produits chez nous», soutient-elle.

Le festival de Gnaoua constitue une opportunité pour les artisans et les producteurs locaux de présenter leurs marchandises. Mais, cette année, Mogador est devenue la Mecque des commerçants d'autres villes. Casablancais, Marrakchis, Soussis, transportent leurs stands et leurs logistiques et "colonisent" les allées principales de la ville. Et est bon à écouler: portes- clés, écharpes, T-shirts, casquettes... tout est vendables, et à des prix modiques. Même des subsahariens et subsahariennes s'invitent à la partie. Ils proposent des tissus, bijoux et vêtements africains traditionnels.

Port de Tombouctou

Aprés la réalisation de son port au milieu du 18 ème siècle, Mogador a été surnommé le port de Tombouctou. Plusieurs fois par an, des caravanes de chameaux faisaient la liaison avec les régions du sud du Sahara assurant le trafic de marchandises et d'esclaves. Au XVI ème siècle, les portugais avaient exploité cette main d'oeuvre noire pour construire leurs fortifications et le sultan Ahmed El Mansour serait revenu d'une expédition avec 12.000 esclaves qui construiront des palais à Marrakech et seront employés dans la sucrerie de Mogador, avant de travailler sur les défenses de la nouvelle ville. Ils y ont fait souche ;et descendants de ces esclaves noirs, plusieurs familles perpétuent de père en fils leur rituel fait de musique et de danses.

Le Maroc, et plus particulièrement Essaouira, a une longue tradition de coexistence pacifique entre les communautés juives et musulmanes. A Mogador, c'est le sultan Sidi Mohamed Ben Abdallah qui, au milieu du 18 ème siècle, fait appel aux marchands juifs lors de la création de la ville pour développer les relations commerciales de son nouveau port de commerce, particulièrement avec l'Europe.
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