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La Cité de l'air visitée par les pelleteuses

L'opération d'évacuation de la Cité de l'air (Hay Al-Matar) a débuté, mercredi dernier, avec l'appui des forces de l'ordre. Un acte faisant suite à une décision judicaire. Une journée noire dans la vie des habitants.

La Cité de l'air visitée par les pelleteuses
La Cité de l'air s'est réveillée, mercredi dernier, sur les bruits de bottes et les grincements des chenilles de pelleteuses. Des engins escortés d'un important dispositif policier ont fait irruption dans la cité, plus connue sous le nom de Hay Al-Matar. Il était question d'appliquer une décision judiciaire d'expulsion prononcée dans l'affaire d'acquisition, par la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) à travers sa filiale Auda (Agence d'urbanisation et de développement d'Anfa), du domaine privé de l'Etat plus connu sous le nom de Hay Al-Matar.
«La justice a tranché en faveur de la CDG et a notifié les décisions d'expulsions des logements exploités, afin de permettre la libération de l'assiette foncière et la poursuite des travaux d'aménagement du projet stratégique Casablanca – Anfa, ainsi que ceux du projet de tramway, dont la première ligne traversera le terrain de la Cité de l'air », souligne un communiqué de la CDG.

Ainsi, ce sont 6 logements (5 selon la CDG) qui ont été démolis. Lesquelles habitations appartiendraient à des membres du comité de l'Association des habitants de la Cité de l'air, dont celle de son président et de son vice-président. Ces derniers, aux côtés d'autres habitants de la cité, ont été embarqués par la police puisqu'ils s'interposaient, de manière naturelle, entre les bulldozers et ce qui fut un jour leur logement.
Tôt ce matin, l'entrée de la cité était bloquée par des barrières et un cordon des forces de l'ordre appartenant à différents corps occupait les lieux. A quelques dizaines de mètres de là, un petit groupement composé essentiellement de femmes, d'adolescents et d'enfants protestait en scandant des slogans hostiles à l'opération et à l'acquéreur du terrain..

Des affaires sorties in extremis...
Un peu plus loin, l'on découvre l'une des premières œuvres de la pelleteuse : une maison à la façade éventrée et au toit à moitié affaissée. Juste en face, un amas d'affaires semblant sorti à la hâte gisait sur le sol : quelques meubles, des portes, vêtements, couvertures, une bonbonne de gaz, un certificat d'études ayant connu des jours meilleurs… Selon un officier de police présent sur-place, 6 maisons étaient concernées par cet acte de démolition. Les «propriétaires» des maisons en question auraient reçu une proposition d'indemnité forfaitaire de l'ordre de 1,2 MDH, selon la même source. Les habitants, eux, parlent de 900.000 DH, comme cela a été annoncé depuis quelques mois.
En s'enfonçant davantage dans la Cité de l'air, un bruit bien identifié vient titiller l'ouïe. C'est celui des chenilles d'une pelleteuse en pleine activité. Le bruit prenant de l'ampleur au fur et à mesure que l'on approche, le sens olfactif sera également mis à l'épreuve, à cause du nuage de poussière se dégageant du terrain où opère le gros engin. En quelques minutes, l'une des maisons figurant dans la liste fut rasée. Là encore, un groupement de protestataires était en activité, scandant des slogans similaires au premier.

Aussi, le décor ressemble à celui laissé derrière : des tables sortis in extremis, des chaises en plastique, des cartons, une parabole avec son bloc de béton. Des femmes en pleurs, au bord de l'hystérie, rappellent que l'on est en période de la plus importante fête religieuse : l'Aïd Al-Adha. Une façon de dire que l'on aurait pu attendre encore quelques jours avant de passer à la solution radicale. Des véhicules de la protection civile font également partie du décor.
Aussitôt la maison démolie, la foule se déplace en masse, partant sur le sillage de la pelleteuse qui se dirige vers le prochain logement sur la liste.

«Nous ne sommes pas des habitants ordinaires, nous sommes des fonctionnaires. Je ne veux pas de dédommagement pour la maison où j'ai vécu près de 40 ans. Donnez-moi une clé et prenez la mienne… Les 900.000 DH que nous propose la CDG sont imposable à hauteur de 30%, que nous restera-t-il après nous en être acquitté? L'on nous oriente tout simplement vers le logement économique», s'insurge l'un des habitants de la cité. Lui emboîtant le pas, un autre riverain souligne son désintérêt total par rapport à l'indemnité forfaitaire proposée par la CDG. «J'ai vécu ici pendant des décennies et là on veut me mettre dehors? Je suis prêt à céder ma maison en échange d'un logement ici même, après réalisation du projet, chose que le promoteur refuse de manière catégorique, en nous faisant signifier que le standing du projet ne saurait le permettre», proteste-t-il. A ce propos, la CDG explique à travers son communiqué qu'«après trois années de négociations avec les habitants, en présence des autorités locales, et après de multiples concessions de la CDG, il a été convenu deux formules de dédommagement. En premier lieu, l'acquisition d'un lot de terrain viabilisé à Dar Bouazza ou au quartier Nassim-Islane, de superficies variables, à des prix modiques, sachant que le prix de vente public est sans commune mesure avec les prix proposés.

En deuxième lieu, la CDG a proposé une indemnité
forfaitaire». L'on souligne par ailleurs que «Cette opération intervient après que la CDG ait épuisé toutes les tractations tendant à trouver une solution concertée».
Actes d'usurpation?
Selon certains habitants de la Cité de l'air, cette opération de dédommagement aurait connu des actes d'usurpation de la part de certains individus. «Regardez cette maison, c'était un terrain vague il y a quelque années, jusqu'au jour où la CDG nous a proposé les 900.000 DH d'indemnité, un individu est venu, il a posé la clôture et a procédé à sa construction. Il est allé par la suite toucher la somme proposée…», explique cet habitant.
A ce jour, plusieurs ménages ont accepté ladite proposition. Au total, selon la CDG, ce sont 147 ménages sur les 254 anciens locataires (plus de 400 selon les riverains) ont accepté l'une des deux solutions de dédommagement et ont libéré réellement leurs logements, le reste y ayant opposé un refus catégorique.
Un refus expliqué, selon les habitants, par deux raisons. D'abord, ceux-ci estiment que l'indemnité ne leur permettrait pas de loger dans les mêmes conditions. D'autre part, ils font état d'un accord auquel ils auraient été parvenus avec les autorités, à l'époque du gouvernement de Driss Jettou.

Lequel accord leur permettait l'acquisition des logements qu'ils occupent, moyennant des prix oscillant entre 1600 et 2000 DH/m2. «Nous avons effectué toutes les démarches administratives pour conclure cette acquisition, à nos frais, afin d'extraire la superficie qu'occupe la cité du domaine public de l'Etat.
Et du jour au lendemain, et alors qu'on était sur le point de conclure, l'on nous a signifié que ce n'était plus possible et que la CDG a fait l'acquisition du terrain moyennant un prix de 47 DH/m2», indique l'un des habitants.
A l'heure où pelleteuses et bulldozers quittaient les lieux, les habitants s'apprêtaient à se diriger vers le siège de la préfecture Hay Hassani – Aïn Choq, afin de tenir un sit-in devant le bâtiment en signe de protestation contre cette opération de démolition.
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Histoire de la cité

La Cité de l'air a été construite en 1943. Cité-jardin, elle regroupait des îlots de logements individuels locatifs avec aménagement paysager et jardin autour de l'habitat.
Elle comprenait des équipements collectifs (école, crèche, commerce, maison commune, terrains de sports, infirmerie, théâtre, salle de spectacle et une église). En 1962, date de passation à l'administration des bases aériennes, cette cité comptait 180 logements. Des baraquements qu'il fallait restaurer avant de les mettre à disposition du premier contingent de fonctionnaires. Ces derniers devaient prendre la relève des Français et contribuer au parachèvement de la mise en place d'une direction en gestation. Le maintien en état de ces logements revenait aux services qui en avaient la charge en fonction des budgets alloués.

Le premier projet initié par l'ONDA et le ministère des Transports d'alors, en partenariat avec l'Agence urbaine et les instances représentatives de la ville, consistait en un ensemble immobilier dédié à la classe moyenne. Selon les habitants de la Cité de l'air, « ce projet n'avait pas eu l'approbation des habitants du fait qu'il prévoyait leur relogement dans des appartements alors qu'ils demandaient, de leur côté, de disposer de lots de terrain in situ ». Par la suite, la Direction des domaines, en partenariat avec l'Association des habitants, avait procédé à des travaux de topographie et d'architecture en vue du re-lotissement du terrain et sa cession en lots de 200 à 400 m2 aux habitants. itecasaanfa.ma
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