LE MATIN: Comment avez-vous connu la musique gnaouie, et qu'est-ce qui vous parait important dans cette rencontre ?
AMAZIGH KATEB: C'est ma troisième participation au festival et on a une programmation de qualité. C'est une chance pour ce festival d'avoir des Mâalams comme directeurs artistiques. Et la chance de ce festival c'est d'avoir de vrais musiciens qui décident dans la programmation. Car quand tu regardes sur scène, tu sens que c'est l'œuvre d'un artiste.
Pour moi, il n'y a rien de mieux que les rencontres avec les Mâalams.
Vous avez d'ailleurs fait une résidence avec Mâalam Alikan…
C'est une rencontre que je souhaite depuis très longtemps. On est bien tombé avec Abdessalam et sa troupe de « Tyour Gnaoua », composée de jeunes musiciens qui apprennent vite.
J'aimais travailler avec eux. Et le mâalam Alikan est quelqu'un de très sympa. L'énergie qu'il dégage. Son expérimentation des autres univers musicaux qui ne sont pas les siens. Après, on ne fait pas de la fusion.
Comment ça ?
On fait de la musique ensemble, c'est tout. On ne peut pas appeler ça de la fusion. En plus, je n'aime pas l'appellation ‘fusion'. C'est un terme commercial. Nous, on ne fait pas de la fusion, c'est seulement de la musique.
Qui a composé les morceaux ? Et comment ?
En effet, il y a trois morceaux que j'ai composés moi-même sur mon album «Marchez noir». Ils sont réinterprétés. Et il y a trois morceaux traditionnels que Mâalam Alikan amène et nous intervenons dessus.
Nous avons réalisé une prestation avec Tyour Gnaoua. Nous allons commencer avec le rituel ‘Ftouh Rahba' pour introduire le concert. Nous avons des morceaux du répertoire traditionnel gnawa. Nous avons pris trois couleurs : rouge, bleu et noir.
Comment vous voyez le festival d'Essaouira aujourd'hui ?
On m'accueilli la première fois en 1999. J'ai été ébahi. Je n'en croyais pas mes yeux. Il y a, aujourd'hui, de plus en plus de monde. Plus de diversité. Je vois que la culture Gnaouie est entrain de devenir « normale » pour la première fois. Elle a commencé à être une culture courante, sur le même pied d'égalité que d'autres cultures maghrébines. La tradition Gnaouie a été pendant longtemps marginalisée. A titre d'exemple, on disait que la musique andalouse, ou haouzi, ou chaâbi était mieux que la musique Gnaoui. Mais la musique Gnaoui a ses mélomanes comme la musique Raï. Cette culture parle à un public. Et si ça parle à un public, c'est un langage.
C'est le langage dont vous parlez dans votre album,
et précisément dans les morceaux l'Africain, ma tribu, sans histoire et dima ntou ? Si vous devez définir l'africanité…
D'autre artistes parlent et travaillent autour du sujet de l'africanité, plus concernés. Après, je pense qu'il y a un dénominateur commun par rapport à l'histoire : l'esclavage et le colonialisme. Malheureusement, ce sont des éléments négatifs, mais souvent les peuples et les pays qui ont été dominés et colonisés ont repris les éléments des colons et des dominateurs à leur compte pour construire leur pays et construire une nouvelle Afrique. On est encore loin. On est encore dans des guerres importées par la colonisation. On est encore dans la géographie coloniale. Aujourd'hui si nous voulons créer une africanité, il faut chercher l'essence même de cette africanité. Et pour l'instant l'essence de l'africanité comme dans le texte de l'Africain : « autant de fois que le soleil décline, il nous oblige à faire feu». Ça veut dire qu'aujourd'hui, sur l'Afrique, tous les jours où le soleil se couche, on tombe dans l'obscur. Et cela nous oblige à soigner notre feu. C'est ce feu là qui fera l'Afrique de demain. Ce n'est sûrement pas le feu des lumières ,des spots publicitaires, qui transforme l'Afrique en quelque chose standard, de mondialisé. On a intérêt à sauvegarder notre identité. Je souhaite à l'Afrique une vraie conscience.
Revenons un peu en arrière, parlez-nous de l'expérience Gnawa Diffusion et de sa mise à mort ?
En fait, ce n'est pas une mise à mort. C'était une histoire riche qui m'a construit et qui nous construit tous (il parle de ses musiciens). Et c'est une expérience qui m'a lié à cette ville. Si je n'avais pas fait Gnawa Diffusion, peut être que je ne serais jamais venu ici. Car c'est à Essaouira que j'ai établi un contact avec la culture Gnaouie. Et c'est grâce aux vrais gnaouas qui ont accepté notre musique.
Nous trouvons autour de vous des compagnons de longue date…
Oui, il y a Amar Chaoui aux percussions. Il y a Mohamed Abdennour aux cordes, Pierre Bonnet, à la basse qui vient de nous rejoindre il y a deux mois. Et bien d'autres anciens membres de Gnawa Diffusion.
Un mot sur votre nouvel album…
Il faut apprendre à dire non. Il faut « Marchez noir ». Mon nouvel album, c'est avec ‘ez' à la fin. Un hommage au marche de refus et c'est aussi un impératif pour nous tous de marcher car aujourd'hui, dès que tu t'assois, t'as une publicité, un écran, sur Facebook ,t'as plein de fenêtres surgissant. Il y a beaucoup de pollution. Et peut être qu'une des meilleures solutions d'éviter de s'imprégner de la pollution c'est de marcher. Les choses que j'aborde dans l'album ressemblent plus au moins aux sujets que j'ai abordés dans l'expérience de Gnawa Diffusion. J'ai toujours le même cerveau. Il y a des gens qui trouvent que ça y ressemble, d'autres non. Il y a ceux qui ont découvert Gnawa diffusion à travers mon album solo.
Avez-vous des projets ?
J'ai un album en préparation pour l'année 2011.
Et ce que ce nouvel album sera dans la même tendance ?
Je ne sais pas. Je suis entrain de le faire. Je vais puiser dans la même couleur. J'ai tout écrit et tout enregistré mais ce n'est pas encore fini. Il y a aussi un travail sur des textes prévu pour le printemps de l'année prochaine avec des femmes et des enfants pour faire des ateliers de création, d'écriture, de mise en musique et des concerts bien sûr. Sinon, il y a une tournée qui va commencer au mois d'août et que l'on va reprendre en novembre.
Un mot de la fin pour le festival, pour tous ceux qui aiment Gnawa Diffusion et la musique gnawa?
Fin et salam alikoum (rire). Je souhaite longue vie à tous les mélomanes aux grandes oreilles qui nous écoutent. Et j'espère que l'Afrique vaincra dans tous les sens du terme.
AMAZIGH KATEB: C'est ma troisième participation au festival et on a une programmation de qualité. C'est une chance pour ce festival d'avoir des Mâalams comme directeurs artistiques. Et la chance de ce festival c'est d'avoir de vrais musiciens qui décident dans la programmation. Car quand tu regardes sur scène, tu sens que c'est l'œuvre d'un artiste.
Pour moi, il n'y a rien de mieux que les rencontres avec les Mâalams.
Vous avez d'ailleurs fait une résidence avec Mâalam Alikan…
C'est une rencontre que je souhaite depuis très longtemps. On est bien tombé avec Abdessalam et sa troupe de « Tyour Gnaoua », composée de jeunes musiciens qui apprennent vite.
J'aimais travailler avec eux. Et le mâalam Alikan est quelqu'un de très sympa. L'énergie qu'il dégage. Son expérimentation des autres univers musicaux qui ne sont pas les siens. Après, on ne fait pas de la fusion.
Comment ça ?
On fait de la musique ensemble, c'est tout. On ne peut pas appeler ça de la fusion. En plus, je n'aime pas l'appellation ‘fusion'. C'est un terme commercial. Nous, on ne fait pas de la fusion, c'est seulement de la musique.
Qui a composé les morceaux ? Et comment ?
En effet, il y a trois morceaux que j'ai composés moi-même sur mon album «Marchez noir». Ils sont réinterprétés. Et il y a trois morceaux traditionnels que Mâalam Alikan amène et nous intervenons dessus.
Nous avons réalisé une prestation avec Tyour Gnaoua. Nous allons commencer avec le rituel ‘Ftouh Rahba' pour introduire le concert. Nous avons des morceaux du répertoire traditionnel gnawa. Nous avons pris trois couleurs : rouge, bleu et noir.
Comment vous voyez le festival d'Essaouira aujourd'hui ?
On m'accueilli la première fois en 1999. J'ai été ébahi. Je n'en croyais pas mes yeux. Il y a, aujourd'hui, de plus en plus de monde. Plus de diversité. Je vois que la culture Gnaouie est entrain de devenir « normale » pour la première fois. Elle a commencé à être une culture courante, sur le même pied d'égalité que d'autres cultures maghrébines. La tradition Gnaouie a été pendant longtemps marginalisée. A titre d'exemple, on disait que la musique andalouse, ou haouzi, ou chaâbi était mieux que la musique Gnaoui. Mais la musique Gnaoui a ses mélomanes comme la musique Raï. Cette culture parle à un public. Et si ça parle à un public, c'est un langage.
C'est le langage dont vous parlez dans votre album,
et précisément dans les morceaux l'Africain, ma tribu, sans histoire et dima ntou ? Si vous devez définir l'africanité…
D'autre artistes parlent et travaillent autour du sujet de l'africanité, plus concernés. Après, je pense qu'il y a un dénominateur commun par rapport à l'histoire : l'esclavage et le colonialisme. Malheureusement, ce sont des éléments négatifs, mais souvent les peuples et les pays qui ont été dominés et colonisés ont repris les éléments des colons et des dominateurs à leur compte pour construire leur pays et construire une nouvelle Afrique. On est encore loin. On est encore dans des guerres importées par la colonisation. On est encore dans la géographie coloniale. Aujourd'hui si nous voulons créer une africanité, il faut chercher l'essence même de cette africanité. Et pour l'instant l'essence de l'africanité comme dans le texte de l'Africain : « autant de fois que le soleil décline, il nous oblige à faire feu». Ça veut dire qu'aujourd'hui, sur l'Afrique, tous les jours où le soleil se couche, on tombe dans l'obscur. Et cela nous oblige à soigner notre feu. C'est ce feu là qui fera l'Afrique de demain. Ce n'est sûrement pas le feu des lumières ,des spots publicitaires, qui transforme l'Afrique en quelque chose standard, de mondialisé. On a intérêt à sauvegarder notre identité. Je souhaite à l'Afrique une vraie conscience.
Revenons un peu en arrière, parlez-nous de l'expérience Gnawa Diffusion et de sa mise à mort ?
En fait, ce n'est pas une mise à mort. C'était une histoire riche qui m'a construit et qui nous construit tous (il parle de ses musiciens). Et c'est une expérience qui m'a lié à cette ville. Si je n'avais pas fait Gnawa Diffusion, peut être que je ne serais jamais venu ici. Car c'est à Essaouira que j'ai établi un contact avec la culture Gnaouie. Et c'est grâce aux vrais gnaouas qui ont accepté notre musique.
Nous trouvons autour de vous des compagnons de longue date…
Oui, il y a Amar Chaoui aux percussions. Il y a Mohamed Abdennour aux cordes, Pierre Bonnet, à la basse qui vient de nous rejoindre il y a deux mois. Et bien d'autres anciens membres de Gnawa Diffusion.
Un mot sur votre nouvel album…
Il faut apprendre à dire non. Il faut « Marchez noir ». Mon nouvel album, c'est avec ‘ez' à la fin. Un hommage au marche de refus et c'est aussi un impératif pour nous tous de marcher car aujourd'hui, dès que tu t'assois, t'as une publicité, un écran, sur Facebook ,t'as plein de fenêtres surgissant. Il y a beaucoup de pollution. Et peut être qu'une des meilleures solutions d'éviter de s'imprégner de la pollution c'est de marcher. Les choses que j'aborde dans l'album ressemblent plus au moins aux sujets que j'ai abordés dans l'expérience de Gnawa Diffusion. J'ai toujours le même cerveau. Il y a des gens qui trouvent que ça y ressemble, d'autres non. Il y a ceux qui ont découvert Gnawa diffusion à travers mon album solo.
Avez-vous des projets ?
J'ai un album en préparation pour l'année 2011.
Et ce que ce nouvel album sera dans la même tendance ?
Je ne sais pas. Je suis entrain de le faire. Je vais puiser dans la même couleur. J'ai tout écrit et tout enregistré mais ce n'est pas encore fini. Il y a aussi un travail sur des textes prévu pour le printemps de l'année prochaine avec des femmes et des enfants pour faire des ateliers de création, d'écriture, de mise en musique et des concerts bien sûr. Sinon, il y a une tournée qui va commencer au mois d'août et que l'on va reprendre en novembre.
Un mot de la fin pour le festival, pour tous ceux qui aiment Gnawa Diffusion et la musique gnawa?
Fin et salam alikoum (rire). Je souhaite longue vie à tous les mélomanes aux grandes oreilles qui nous écoutent. Et j'espère que l'Afrique vaincra dans tous les sens du terme.
