LE MATIN : Comment êtes-vous devenue chanteuse ?
BATOUL EL MEROUANI : Je dirais par la force des choses et non par choix. Mon père, Abdellah El Merwani n'est autre que l'auteur de la fameuse chanson «Essahrawi taht lkhaïma » que tout le monde fredonne. J'ai commencé à chanter avec lui, dans les années 70, alors que je n'avais même pas 16 ans. Je n'ai, donc, pas choisi de devenir chanteuse. Très jeune je me suis retrouvée au studio à enregistrer des chansons, à animer des soirées, des festivals…
C'est comme ça que j'ai commencé un long parcours durant lequel j'ai connu des bonheurs et des malheurs pour ensuite marquer un grand moment d'arrêt. Tout ne s'est pas déroulé comme je l'aurais souhaité mais c'est le destin qui a toujours le dernier mot. Au début de ma carrière, j'interprétais aussi bien des chansons traditionnelles que celles modernes. Après mon mariage ma vocation s'est confirmée et j'ai commencé à consacrer à mon art une grande partie de mon temps.
A quoi est dû l'arrêt dont vous avez parlé ?
C'était des circonstances assez spéciales. Ce serait trop long de tout vous raconter. Mais tous les artistes savent que pendant les années 90, il était très difficile pour un artiste d'émerger et de se faire connaître. J'étais jeune, ambitieuse et pleine d'espoir. Mais j'ai connu beaucoup de déceptions et à chaque fois les portes se fermaient devant moi. Je n'ai pas pu tenir le coup. Mais des années après, il y a eu des artistes, qui me connaissaient bien, qui m'ont demandé de reprendre et de retrouver mon public. Ils m'ont assuré que les temps avaient changé et que j'avais plus de chance de faire mes preuves. Avant, le seul moyen de diffusion était la télévision. Or il était difficile d'y accéder et pour le faire il fallait se déplacer de Laâyoune à Rabat. Maintenant Dieu merci, les choses ont beaucoup évolué. L'ouverture de l'audiovisuel et l'apparition de nouvelles chaines ont facilité les choses aux artistes. C'est pour cela que j'ai repris le chant en 2000 lors du festival de la Méditerranée de Nador et celui de Fès des musiques sacrées du Monde. A mon retour, j'étais plus âgée et plus mûre. On se souvenait encore de moi.
Comment avez-vous formé votre groupe ?
Initialement, nous sommes une troupe familiale. Vu que nous sommes une famille d'artistes. Notre formation est constituée de mes propres frères. Nous avons aussi parfois d'autres membres de la famille qui nous rejoignent, des cousins en l'occurrence. La troupe s'est formée spontanément.
Parlez-nous un peu des instruments que vous utilisez ?
La troupe travaille avec des instruments traditionnels ; Tidinit, Tbal et Tganguich. Pour ce qui est des chansons modernes, nous utilisons, l'orgue, la basse, la guitare, la batterie et le tbal. Ce dernier instrument est omniprésent dans les deux genres. Il constitue une assise musicale incontournable. Tidinit est un vieil instrument utilisé en Mauritanie et dans le Sahara. Il contient cinq cordes, mais il m'est donc difficile de chanter avec parce qu'il me faut baisser le niveau de ma voix et chanter en grave, alors que moi, je chante plutôt aigu.
Qu'en est-il des paroles ?
Nos paroles, nous les puisons dans le patrimoine spirituel ancien, mais il y en a que nous avons développées. Il y en a également d'autres que nous avons écrites nous mêmes. D'une manière générale, les chansons du Sud sont méconnues des autres régions. Ce que nous essayons de faire dans un premier temps c'est de les sortir de l'ombre.
Ceci dit, j'ai toujours du nouveau. Durant les soirées, le public me réclame du nouveau. Et ça tombe bien parce que, de nature, je suis une personne qui se lasse vite de tout et qui a besoin de changement. Raison pour laquelle je prévois toujours une nouvelle chanson à offrir à mon public lors des soirées. Comme ça je suis moi-même tranquille et satisfaite avant de le satisfaire.
Parlons un peu de la production. Est-ce que vous avez pu sortir des albums ?
Durant les années 80, j'avais une production très abondante. Quand je travaillais encore avec mon père on a pu produire une dizaine d'albums en dépit de toutes les difficultés de l'époque. Il était plus simple de sortir un disque et de l'enregistrer à Agadir, Guelmim, Akka, Fem Lahcen…J'étais très jeune je revenais de l'école, déposais mon cartable et commençais à apprendre les chansons avec mon père. On travaillait uniquement avec une guitare et un tbal. Quand 2M a démarré, J'y ai enregistré mon album, «Njoum lil» dans l'émission «Angham». C'est un album d'une grande qualité. Si vous l'écoutez aujourd'hui, vous serez étonnée par les qualités techniques dont disposait la musique hassanie à l'époque. Je l'avais enregistré à Rabat. Après j'ai arrêté pour ensuite reprendre avec un autre album en 2005. Il a eu un grand succès. J'y ai mis de nouvelles chansons, avec un nouvel arrangement. A cette époque la musique hassanie ne se travaillait pas avec la technique de boite à rythme.
Cet album a eu un grand succès en Mauritanie et a incité les Mauritaniens à développer la chanson hassanie et à lui donner le rayonnement qu'elle mérite, alors qu'avant il n'y avait que Maâloouma et Oueld Nanna. Malheureusement, ces albums n'ont pas eu la promotion et le soutien qu'ils méritent. Je sens que je n'ai pas encore atteint le niveau que je cherche. Mon rêve est de voir éclore la chanson hassanie dans toutes les régions du Maroc.
A votre avis, pour assurer la pérennité du tarab hassani, faut-il le développer ou le préserver tel qu'il est ?
Je vais vous dire une chose. La musique et le patrimoine hassani doivent être sauvegardés par les gens du Sud qui le connaissent bien. Ils doivent produire des albums pour les pérenniser. Les habitants ainsi que les responsables de la région du Sud doivent être fiers de ce patrimoine et faire plus d'efforts pour le préserver comme c'est le cas pour la culture amazighe à laquelle on dédie tout un festival. Ce n'est pas le cas chez nous dans le désert où les tabous subsistent encore.
Pensez-vous que le regard de la société a changé vis à vis de la femme artiste ? Une femme qui chante n'a pas sa place dans la société. Moi j'ai eu la chance d'être encouragée par mon père qui est lui même musicien. Je suis d'une tribu connue dans laquelle les femmes ne chantent pas .Mais ces derniers temps les choses ont beaucoup changé en dépit de la résistance de certaines personnes dont la mentalité n'a pas évolué. Les notables du Sud et ceux qui ont du pouvoir ont encore des réticences à ce sujet. Il faut que la société nous encourage davantage.
Des projets d'avenir ?
J'ai promis à mon public un nouvel album. Pour le sortir, il me faut juste trouver un peu de temps vu que j'ai beaucoup travaillé cette année. Ce mois se présente bien. Il est très chargé en festivals et soirées. Les dates se bousculent et les événements s'enchainent…
BATOUL EL MEROUANI : Je dirais par la force des choses et non par choix. Mon père, Abdellah El Merwani n'est autre que l'auteur de la fameuse chanson «Essahrawi taht lkhaïma » que tout le monde fredonne. J'ai commencé à chanter avec lui, dans les années 70, alors que je n'avais même pas 16 ans. Je n'ai, donc, pas choisi de devenir chanteuse. Très jeune je me suis retrouvée au studio à enregistrer des chansons, à animer des soirées, des festivals…
C'est comme ça que j'ai commencé un long parcours durant lequel j'ai connu des bonheurs et des malheurs pour ensuite marquer un grand moment d'arrêt. Tout ne s'est pas déroulé comme je l'aurais souhaité mais c'est le destin qui a toujours le dernier mot. Au début de ma carrière, j'interprétais aussi bien des chansons traditionnelles que celles modernes. Après mon mariage ma vocation s'est confirmée et j'ai commencé à consacrer à mon art une grande partie de mon temps.
A quoi est dû l'arrêt dont vous avez parlé ?
C'était des circonstances assez spéciales. Ce serait trop long de tout vous raconter. Mais tous les artistes savent que pendant les années 90, il était très difficile pour un artiste d'émerger et de se faire connaître. J'étais jeune, ambitieuse et pleine d'espoir. Mais j'ai connu beaucoup de déceptions et à chaque fois les portes se fermaient devant moi. Je n'ai pas pu tenir le coup. Mais des années après, il y a eu des artistes, qui me connaissaient bien, qui m'ont demandé de reprendre et de retrouver mon public. Ils m'ont assuré que les temps avaient changé et que j'avais plus de chance de faire mes preuves. Avant, le seul moyen de diffusion était la télévision. Or il était difficile d'y accéder et pour le faire il fallait se déplacer de Laâyoune à Rabat. Maintenant Dieu merci, les choses ont beaucoup évolué. L'ouverture de l'audiovisuel et l'apparition de nouvelles chaines ont facilité les choses aux artistes. C'est pour cela que j'ai repris le chant en 2000 lors du festival de la Méditerranée de Nador et celui de Fès des musiques sacrées du Monde. A mon retour, j'étais plus âgée et plus mûre. On se souvenait encore de moi.
Comment avez-vous formé votre groupe ?
Initialement, nous sommes une troupe familiale. Vu que nous sommes une famille d'artistes. Notre formation est constituée de mes propres frères. Nous avons aussi parfois d'autres membres de la famille qui nous rejoignent, des cousins en l'occurrence. La troupe s'est formée spontanément.
Parlez-nous un peu des instruments que vous utilisez ?
La troupe travaille avec des instruments traditionnels ; Tidinit, Tbal et Tganguich. Pour ce qui est des chansons modernes, nous utilisons, l'orgue, la basse, la guitare, la batterie et le tbal. Ce dernier instrument est omniprésent dans les deux genres. Il constitue une assise musicale incontournable. Tidinit est un vieil instrument utilisé en Mauritanie et dans le Sahara. Il contient cinq cordes, mais il m'est donc difficile de chanter avec parce qu'il me faut baisser le niveau de ma voix et chanter en grave, alors que moi, je chante plutôt aigu.
Qu'en est-il des paroles ?
Nos paroles, nous les puisons dans le patrimoine spirituel ancien, mais il y en a que nous avons développées. Il y en a également d'autres que nous avons écrites nous mêmes. D'une manière générale, les chansons du Sud sont méconnues des autres régions. Ce que nous essayons de faire dans un premier temps c'est de les sortir de l'ombre.
Ceci dit, j'ai toujours du nouveau. Durant les soirées, le public me réclame du nouveau. Et ça tombe bien parce que, de nature, je suis une personne qui se lasse vite de tout et qui a besoin de changement. Raison pour laquelle je prévois toujours une nouvelle chanson à offrir à mon public lors des soirées. Comme ça je suis moi-même tranquille et satisfaite avant de le satisfaire.
Parlons un peu de la production. Est-ce que vous avez pu sortir des albums ?
Durant les années 80, j'avais une production très abondante. Quand je travaillais encore avec mon père on a pu produire une dizaine d'albums en dépit de toutes les difficultés de l'époque. Il était plus simple de sortir un disque et de l'enregistrer à Agadir, Guelmim, Akka, Fem Lahcen…J'étais très jeune je revenais de l'école, déposais mon cartable et commençais à apprendre les chansons avec mon père. On travaillait uniquement avec une guitare et un tbal. Quand 2M a démarré, J'y ai enregistré mon album, «Njoum lil» dans l'émission «Angham». C'est un album d'une grande qualité. Si vous l'écoutez aujourd'hui, vous serez étonnée par les qualités techniques dont disposait la musique hassanie à l'époque. Je l'avais enregistré à Rabat. Après j'ai arrêté pour ensuite reprendre avec un autre album en 2005. Il a eu un grand succès. J'y ai mis de nouvelles chansons, avec un nouvel arrangement. A cette époque la musique hassanie ne se travaillait pas avec la technique de boite à rythme.
Cet album a eu un grand succès en Mauritanie et a incité les Mauritaniens à développer la chanson hassanie et à lui donner le rayonnement qu'elle mérite, alors qu'avant il n'y avait que Maâloouma et Oueld Nanna. Malheureusement, ces albums n'ont pas eu la promotion et le soutien qu'ils méritent. Je sens que je n'ai pas encore atteint le niveau que je cherche. Mon rêve est de voir éclore la chanson hassanie dans toutes les régions du Maroc.
A votre avis, pour assurer la pérennité du tarab hassani, faut-il le développer ou le préserver tel qu'il est ?
Je vais vous dire une chose. La musique et le patrimoine hassani doivent être sauvegardés par les gens du Sud qui le connaissent bien. Ils doivent produire des albums pour les pérenniser. Les habitants ainsi que les responsables de la région du Sud doivent être fiers de ce patrimoine et faire plus d'efforts pour le préserver comme c'est le cas pour la culture amazighe à laquelle on dédie tout un festival. Ce n'est pas le cas chez nous dans le désert où les tabous subsistent encore.
Pensez-vous que le regard de la société a changé vis à vis de la femme artiste ? Une femme qui chante n'a pas sa place dans la société. Moi j'ai eu la chance d'être encouragée par mon père qui est lui même musicien. Je suis d'une tribu connue dans laquelle les femmes ne chantent pas .Mais ces derniers temps les choses ont beaucoup changé en dépit de la résistance de certaines personnes dont la mentalité n'a pas évolué. Les notables du Sud et ceux qui ont du pouvoir ont encore des réticences à ce sujet. Il faut que la société nous encourage davantage.
Des projets d'avenir ?
J'ai promis à mon public un nouvel album. Pour le sortir, il me faut juste trouver un peu de temps vu que j'ai beaucoup travaillé cette année. Ce mois se présente bien. Il est très chargé en festivals et soirées. Les dates se bousculent et les événements s'enchainent…
