Le Matin : Comment êtes-vous passé de votre premier film « Les arêtes du cœur » à « Fissures » ?
Hicham Ayouch : Au fait, j'aime bien faire des choses différentes. Je suis, à la fois, à la recherche de sujets à dire mais également de la manière de les exprimer. Je suis encore un jeune réalisateur. J'ai fait des documentaires, j'ai réalisé « Les arêtes du cœur », « Fissures » et mon prochain film sera encore plus différent. J'aime bien m'aventurer et prendre des risques en créant des œuvres qui ne se ressemblent pas. Par cela je voudrais dire que je n'ai pas de style et j'espère ne jamais en trouver pour rester toujours à la recherche de quelque chose. De toutes les façons, il arrive un moment où on finit par acquérir un savoir faire et une certaine technicité. On est alors en pilotage automatique. Pour le moment je suis un aventurier chez moi, dans ma chambre.
U mot sur la genèse et la préparation de « Fissures» ?
Il faut dire qu'il n a ya pas eu de préparation. C'est un film qui s'est fait sur un coup de tête, sur un désir. J'avais vraiment besoin de m'exprimer et comme, pour moi, le cinéma est ma forme d'expression privilégiée, j'ai foncé. Une fois que l'idée s'est installée j'ai appelé 5 ou 6 personnes pour leur demander de m'accompagner dans cette aventure. Ils ont tous dit « oui » ? Mais Il n y avait aucune démarche derrière. Il y avait juste l'envie de dire des choses, de les faire et de ressortir des émotions. Dans un premier temps, le but était de vivre des émotions et puis après de les partager avec d'autres. J'avais envie de lâcher plein de conneries que j'avais dans ma tête. Le fait de faire un film ça m'a permis de cracher beaucoup de choses que j'avais à l'intérieur. Et ce de manière complètement tarée. J'ai donc téléphoné à des amis, je leur ai dit venez on fait un film. Ils sont tous venus d'Agadir, de Tanger, de Casablanca, Il y a même une amie brésilienne qui était de passage à Paris qui a répondu à mon appel. Ils m'ont fait confiance, on s'est posé pendant deux jours, on a discuté et on n'a jamais écrit de scénario. C'est tout juste qu'on a pris des notes à propos des personnages.
Pourquoi avoir choisi de filmer « Fissures » de cette manière ?
Ecoutez, Beaucoup de gens ont dit que ce n'était pas un film de cinéma. Peut être qu'ils ont raison. Moi, je le vois plus comme un poème en images parce qu'il n'a pas vraiment de sens ou de message à véhiculer mais tout juste des émotions comme pour un poème ou un tableau. On est loin de la narration classique. On aime ou on n'aime pas. Et même quand on ressent des choses on ne peut pas les expliquer. Je n'aime pas qu'on essaie de donner un sens ou à tout, parce qu'au bout d'un moment, on balance ses propres interprétations, qui ne convergent pas forcément avec ce qu'à voulu dire l'artiste. Or ce qui est intéressant, j'espère que cela arrivera avec « Fissures », c'est que les gens le vivent et le ressentent de manière différente… comme un poème ou un tableau.
Où est ce que vous avez déniché vos acteurs ?
En fait, Abdesalam et Noureddine sont de grands amis. Marcella aussi. Noureddine, architecte de son état, joue pour la première fois dans « Fissures ». Abdessalam, lui, est régisseur de cinéma. Il a aussi été acteur mais il n'a fait que des petits rôles, quoiqu'il ait beaucoup de talent, de charisme et de présence. Quant à Marcella je l'ai rencontrée dans un festival à Montréal deux ou 3 ans avant. Par contre, elle est actrice, elle. Comme c'est un film dans lequel j'ai mélangé le documentaire et la fiction, j'ai gardé les vrais noms des artistes ainsi que beaucoup de leurs caractéristiques personnelles. Cela dit, il y a aussi des éléments de fiction. Alors quand j'ai découvert Noureddine et Abdessalam à Tanger, lors du tournage d'une publicité, j'ai eu un flash pour Tanger et j'ai décidé d'y revenir. Je me suis lié d'amitié avec eux et on a vécu de belles choses tous les trois.
Des choses un peu tarées aussi. Sans le savoir, je préparais déjà mon film alors qu'à l'époque je n'avais pas une idée claire de ce que j'allais tourner. Du coup quand j'ai pensé au film j'ai pensé à eux en premier parce que ce sont des personnages qui sont marquants dans la vie. Ils sont extraordinairement spontanés.
Dans ce film sans scénario, sans dialogue, sans acteurs et donc sans direction d'acteurs… quel rôle a joué le réalisateur ?
En fait, sans qu'il y ait de dialogue ou de scénario, il y avait une direction d'acteurs. C'est vari que mon rôle dans ce film est moins important que dans un autre film parce que les acteurs ont fait un travail magnifique d'improvisation, mais il y avait quand même une direction d'acteurs. C'est-à-dire que même si le navire tanguait, je savais ce que je voulais. Je cherchais de l'émotion et j'ai fait tout ce qu'il fallait pour y arriver. Quand on répétait, je donnais aux personnages des commentaires et des indications. Par contre, quand il s'agissait de scènes ou on ne faisait qu'une seule prise, je leur disais ce que je voulais. Et puis mon rôle était aussi important au montage. C'est là où j'ai vraiment écrit le film puisque j'avais beaucoup de matériaux et de moments sans un vrai fil… Je devais donc trouver une forme de narration.
Et si vous aviez à qualifier ce film ?
Je dirai que c'est une bulle d'air et d'amour. Il est fait pour les hommes qui aiment l'amour et la liberté.
Qu'est ce qui a été le plus difficile à filmer dans ce film ?
Les scènes d'amour ont été très difficiles à filmer. C'est compliqué de les faire quand on est au Maroc surtout pour Abdessalam, qui a une femme et des enfants. Même pour Marcella cela n'a pas été facile alors qu'elle habite au Brésil et que la bas ils ont un rapport différent avec le corps. C'était donc un grand défi pour Abdessalam. Il faut dire qu'il a été très courageux de faire ces scènes en dépit de toute la pression de la société qui risquait de lui tomber dessus. Sur le tournage il a été très nerveux, il a même claqué la porte à un certain moment. Mais en voyant que j'insistais, il a compris que ces scènes d'amour n'étaient pas gratuites parce qu'il vivait une histoire passionnelle avec Marcella. Et ce n'est d'ailleurs pas un hasard qu'il n' yait pas de scène d'amour avec Noureddine parce que sa relation avec Marcella est plus douce et plus poétique. Cela dit, tout le tournage était dur parce que c'est un film complètement dingue. Chacun y a mis de sa personne, de sa folie, de ses faiblesses et de ses fractures. On est tous ressorti un peu différent de ce film.
Est-ce qu'on peut dire que vous avez joué la carte de la provocation dans votre film ?
Non, pas du tout. Je n'ai absolument pas joué sur la provocation. Si, après, le film provoque des choses ou des réactions, elles n'ont pas été pensées puisque le film lui-même n'a pas été pensé. Je me suis réveillé un mardi avec l'idée du film et jeudi on tournait. C'était très spontané, que du ressenti et des émotions. A aucun moment on s'est dit, allez on va choquer. Mais, si le film est provocateur, tant mieux. C'est intéressant qu'un film suscite des réactions. C'est donc toujours intéressant qu'il y ait des débats, des polémiques et des échanges. Cela favorise la libération de la parole.
Le film a été présenté à Marrakech. Quelles sont les réactions qu'il a suscitées ?
Des réactions mitigées. Il y a des gens qui ont adoré et d'autres qui ont détesté. C'était très extrême de part et d'autre. Il y a des gens qui ont quitté la salle peut être parce que certaines scènes les ont choquées. Je n'ai aucun problème avec ça. Au contraire, je trouve que c'est sain d'avoir des réactions de dégoût pour un film parce qu'il est oppressant. D'autres ont trouvé que c'était très rafraichissant, comme une bulle d'air. Le pire c'est qu'il n'y ait aucune réaction. J'attends avec impatience la réaction du public marocain pour voir comment il va appréhender ce cinéma nouveau, ce style différent.
Des projets ?
J'ai un projet de film qui s'appelle « Samba do Maazouz » pour lequel j'attends toujours la réponse de mes producteurs. C'est l'histoire d'un Marocain, qui habite à Khouribga, qui tombe amoureux de l'héroïne d'une telenovela brésilienne qui s'appelle (L'esclave Isaora). Un jour, un certain Ali, prêcheur, musulman à la sauce américaine qui fait des shows à la télé, va débarquer dans sa vie pour la déstabiliser…
Vous en êtes où aujourd'hui ?
Nous avons fait un grand travail de réécriture sur le scénario. En fait, c'est le premier projet de cinéma que j'ai écrit, avant même de faire « Les arêtes du cœur » et « Fissures ». Comme quoi il faut être persévérant quand on fait du cinéma. Je l'ai écrit en 2004 et normalement je devrais commencer le tournage cet été. Il s'agit d'une comédie un peu absurde, en Français et en Brésilien, un film avec un budget assez important cette fois.
Hicham Ayouch : Au fait, j'aime bien faire des choses différentes. Je suis, à la fois, à la recherche de sujets à dire mais également de la manière de les exprimer. Je suis encore un jeune réalisateur. J'ai fait des documentaires, j'ai réalisé « Les arêtes du cœur », « Fissures » et mon prochain film sera encore plus différent. J'aime bien m'aventurer et prendre des risques en créant des œuvres qui ne se ressemblent pas. Par cela je voudrais dire que je n'ai pas de style et j'espère ne jamais en trouver pour rester toujours à la recherche de quelque chose. De toutes les façons, il arrive un moment où on finit par acquérir un savoir faire et une certaine technicité. On est alors en pilotage automatique. Pour le moment je suis un aventurier chez moi, dans ma chambre.
U mot sur la genèse et la préparation de « Fissures» ?
Il faut dire qu'il n a ya pas eu de préparation. C'est un film qui s'est fait sur un coup de tête, sur un désir. J'avais vraiment besoin de m'exprimer et comme, pour moi, le cinéma est ma forme d'expression privilégiée, j'ai foncé. Une fois que l'idée s'est installée j'ai appelé 5 ou 6 personnes pour leur demander de m'accompagner dans cette aventure. Ils ont tous dit « oui » ? Mais Il n y avait aucune démarche derrière. Il y avait juste l'envie de dire des choses, de les faire et de ressortir des émotions. Dans un premier temps, le but était de vivre des émotions et puis après de les partager avec d'autres. J'avais envie de lâcher plein de conneries que j'avais dans ma tête. Le fait de faire un film ça m'a permis de cracher beaucoup de choses que j'avais à l'intérieur. Et ce de manière complètement tarée. J'ai donc téléphoné à des amis, je leur ai dit venez on fait un film. Ils sont tous venus d'Agadir, de Tanger, de Casablanca, Il y a même une amie brésilienne qui était de passage à Paris qui a répondu à mon appel. Ils m'ont fait confiance, on s'est posé pendant deux jours, on a discuté et on n'a jamais écrit de scénario. C'est tout juste qu'on a pris des notes à propos des personnages.
Pourquoi avoir choisi de filmer « Fissures » de cette manière ?
Ecoutez, Beaucoup de gens ont dit que ce n'était pas un film de cinéma. Peut être qu'ils ont raison. Moi, je le vois plus comme un poème en images parce qu'il n'a pas vraiment de sens ou de message à véhiculer mais tout juste des émotions comme pour un poème ou un tableau. On est loin de la narration classique. On aime ou on n'aime pas. Et même quand on ressent des choses on ne peut pas les expliquer. Je n'aime pas qu'on essaie de donner un sens ou à tout, parce qu'au bout d'un moment, on balance ses propres interprétations, qui ne convergent pas forcément avec ce qu'à voulu dire l'artiste. Or ce qui est intéressant, j'espère que cela arrivera avec « Fissures », c'est que les gens le vivent et le ressentent de manière différente… comme un poème ou un tableau.
Où est ce que vous avez déniché vos acteurs ?
En fait, Abdesalam et Noureddine sont de grands amis. Marcella aussi. Noureddine, architecte de son état, joue pour la première fois dans « Fissures ». Abdessalam, lui, est régisseur de cinéma. Il a aussi été acteur mais il n'a fait que des petits rôles, quoiqu'il ait beaucoup de talent, de charisme et de présence. Quant à Marcella je l'ai rencontrée dans un festival à Montréal deux ou 3 ans avant. Par contre, elle est actrice, elle. Comme c'est un film dans lequel j'ai mélangé le documentaire et la fiction, j'ai gardé les vrais noms des artistes ainsi que beaucoup de leurs caractéristiques personnelles. Cela dit, il y a aussi des éléments de fiction. Alors quand j'ai découvert Noureddine et Abdessalam à Tanger, lors du tournage d'une publicité, j'ai eu un flash pour Tanger et j'ai décidé d'y revenir. Je me suis lié d'amitié avec eux et on a vécu de belles choses tous les trois.
Des choses un peu tarées aussi. Sans le savoir, je préparais déjà mon film alors qu'à l'époque je n'avais pas une idée claire de ce que j'allais tourner. Du coup quand j'ai pensé au film j'ai pensé à eux en premier parce que ce sont des personnages qui sont marquants dans la vie. Ils sont extraordinairement spontanés.
Dans ce film sans scénario, sans dialogue, sans acteurs et donc sans direction d'acteurs… quel rôle a joué le réalisateur ?
En fait, sans qu'il y ait de dialogue ou de scénario, il y avait une direction d'acteurs. C'est vari que mon rôle dans ce film est moins important que dans un autre film parce que les acteurs ont fait un travail magnifique d'improvisation, mais il y avait quand même une direction d'acteurs. C'est-à-dire que même si le navire tanguait, je savais ce que je voulais. Je cherchais de l'émotion et j'ai fait tout ce qu'il fallait pour y arriver. Quand on répétait, je donnais aux personnages des commentaires et des indications. Par contre, quand il s'agissait de scènes ou on ne faisait qu'une seule prise, je leur disais ce que je voulais. Et puis mon rôle était aussi important au montage. C'est là où j'ai vraiment écrit le film puisque j'avais beaucoup de matériaux et de moments sans un vrai fil… Je devais donc trouver une forme de narration.
Et si vous aviez à qualifier ce film ?
Je dirai que c'est une bulle d'air et d'amour. Il est fait pour les hommes qui aiment l'amour et la liberté.
Qu'est ce qui a été le plus difficile à filmer dans ce film ?
Les scènes d'amour ont été très difficiles à filmer. C'est compliqué de les faire quand on est au Maroc surtout pour Abdessalam, qui a une femme et des enfants. Même pour Marcella cela n'a pas été facile alors qu'elle habite au Brésil et que la bas ils ont un rapport différent avec le corps. C'était donc un grand défi pour Abdessalam. Il faut dire qu'il a été très courageux de faire ces scènes en dépit de toute la pression de la société qui risquait de lui tomber dessus. Sur le tournage il a été très nerveux, il a même claqué la porte à un certain moment. Mais en voyant que j'insistais, il a compris que ces scènes d'amour n'étaient pas gratuites parce qu'il vivait une histoire passionnelle avec Marcella. Et ce n'est d'ailleurs pas un hasard qu'il n' yait pas de scène d'amour avec Noureddine parce que sa relation avec Marcella est plus douce et plus poétique. Cela dit, tout le tournage était dur parce que c'est un film complètement dingue. Chacun y a mis de sa personne, de sa folie, de ses faiblesses et de ses fractures. On est tous ressorti un peu différent de ce film.
Est-ce qu'on peut dire que vous avez joué la carte de la provocation dans votre film ?
Non, pas du tout. Je n'ai absolument pas joué sur la provocation. Si, après, le film provoque des choses ou des réactions, elles n'ont pas été pensées puisque le film lui-même n'a pas été pensé. Je me suis réveillé un mardi avec l'idée du film et jeudi on tournait. C'était très spontané, que du ressenti et des émotions. A aucun moment on s'est dit, allez on va choquer. Mais, si le film est provocateur, tant mieux. C'est intéressant qu'un film suscite des réactions. C'est donc toujours intéressant qu'il y ait des débats, des polémiques et des échanges. Cela favorise la libération de la parole.
Le film a été présenté à Marrakech. Quelles sont les réactions qu'il a suscitées ?
Des réactions mitigées. Il y a des gens qui ont adoré et d'autres qui ont détesté. C'était très extrême de part et d'autre. Il y a des gens qui ont quitté la salle peut être parce que certaines scènes les ont choquées. Je n'ai aucun problème avec ça. Au contraire, je trouve que c'est sain d'avoir des réactions de dégoût pour un film parce qu'il est oppressant. D'autres ont trouvé que c'était très rafraichissant, comme une bulle d'air. Le pire c'est qu'il n'y ait aucune réaction. J'attends avec impatience la réaction du public marocain pour voir comment il va appréhender ce cinéma nouveau, ce style différent.
Des projets ?
J'ai un projet de film qui s'appelle « Samba do Maazouz » pour lequel j'attends toujours la réponse de mes producteurs. C'est l'histoire d'un Marocain, qui habite à Khouribga, qui tombe amoureux de l'héroïne d'une telenovela brésilienne qui s'appelle (L'esclave Isaora). Un jour, un certain Ali, prêcheur, musulman à la sauce américaine qui fait des shows à la télé, va débarquer dans sa vie pour la déstabiliser…
Vous en êtes où aujourd'hui ?
Nous avons fait un grand travail de réécriture sur le scénario. En fait, c'est le premier projet de cinéma que j'ai écrit, avant même de faire « Les arêtes du cœur » et « Fissures ». Comme quoi il faut être persévérant quand on fait du cinéma. Je l'ai écrit en 2004 et normalement je devrais commencer le tournage cet été. Il s'agit d'une comédie un peu absurde, en Français et en Brésilien, un film avec un budget assez important cette fois.
