Menu
Search
Mardi 23 Décembre 2025
S'abonner
close
Mardi 23 Décembre 2025
Menu
Search

«Nous œuvrons pour le projet d'une société moderne et démocratique»

La dispora marocaine contribue au développement du Maroc, mais pour que le lien d'attache avec son pays d'origine reste fort, celle-ci demande une représentation dans les instances de prise de décision.

«Nous œuvrons pour le projet d'une société moderne et démocratique»
Abdelfattah Ezzine • Chef de département des sciences humaines à l'Ecole nationale d'Architecture et coordinateur du Réseau Marocain Transnational Migration et Développement.
Le Matin : Vous avez présidé la table ronde sur les droits des MRE ici et lors de la célébration de la Journée nationale de la communauté marocaine résidant à l'étranger (MRE) du 10 août sur le thème « Crise économique et protection des droits des MRE ». Quelles ont été leurs principales doléances ?
Abdelfattah Ezzine :
L'essentiel des doléances issues de cette Journée nationale peuvent être répertoriées en quatre grandes rubriques : droit de travail, participation politique, droits culturels et droits sociaux. Le droit de travail ne concerne pas seulement les pays d'accueil pour ce qui est de la préservation de ces droits et leur amélioration ; mais aussi le Maroc (pays d'origine) pour ce qui est de la défense de ces droits et l'appui des MRE à l'accès à ces droits. Quant à la participation politique, les participants ont réitéré leur demande au gouvernement marocain de veiller à la mise en œuvre des directives royales concernant la participation aux élections et la représentation des MRE dans les instances de prise de décision. Sans cette participation, les MRE affirment qu'ils ne jouissent pas de leur pleine citoyenneté comme le stipule la Constitution.
Cependant, les MRE ont demandé que le gouvernement devra s'occuper de leurs droits culturels et sociaux par la reconnaissance de ceux-ci non seulement par les pays d'accueil mais aussi par le gouvernement marocain à travers un travail de proximité et de veille afin de consolider les liens des nouvelles générations de MRE avec leur pays loin de toute perception folklorique (voire «folklorisante») ou de manière saisonnière ou sectorielle.
Par ailleurs, les MRE ont demandé à les défendre contre la montée de la xénophobie et de l'exclusion (aux Pays-Bas, ils commencent déjà à parler de « marocophobie» avec la montée de l'extrême droite).

A travers des associations de jeunes issues de l'immigration, la diaspora marocaine mène des projets de développement dans plusieurs villages. En tant que coordinateur du Réseau Marocain Transnational Migration et Développement, comment évaluez-vous leur travail ?

D'abord, il faut noter que l'un des résultats majeurs de la 3e rencontre préparatoire au Forum Mondial Migration et Développement 2010, qui a eu lieu en juillet dernier à Larache avec le soutien du ministère chargé de la communauté marocaine résidant à l'étranger, le Conseil de la communauté marocaine résidant à l'étranger et la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l'étranger, est la création du Réseau Marocain Transnational Migration et Développement (RMTMD). Ce dernier est le résultat de la fusion de toutes les entités comme le réseau euro-marocain, le Collectif marocain Migration et Développement, etc. ainsi que l'adhésion de toutes les associations participantes à cette rencontre. Nous sommes actuellement en train d'organiser ce RMTMD qui devra travailler comme une plateforme non gouvernementale des Marocains du monde et des Marocains vivant au pays. Ce RMTMD va déclarer son programme annuel dans les mois prochains. Il va non seulement militer pour la défense des droits des MRE et de plaider pour leur implication dans la gestion de la chose publique de leur pays d'origine, mais aussi d'œuvrer pour la concrétisation du projet de société moderne et démocratique au Maroc et de travailler pour son développement en mobilisant toutes les ressources humaines ou autres au Maroc et à l'étranger. Pour ce qui est de la vitalité de la société civile des MRE et ceux travaillant dans le domaine de la migration et le développement, nous avons constaté que les jeunes Marocains issus de l'immigration sont plus actifs et demandent un encadrement pour optimiser leur rôle, afin de mettre en place une synergie entre leur action et celle de la société civile au Maroc et aussi de créer une certaine convergence avec l'Initiative nationale de développement humain (INDH) tout en essayant de pérenniser les retombées et consolider les acquis. La durabilité (à tous les niveaux) reste un des principes majeurs du RMTMD.

Pour que les MRE restent attachés à leur pays d'origine, certains appellent à leur représentation politique au Parlement. Certains la jugent impossible, mais d'autres la considèrent indispensable. Que pensez-vous de cette contreverse ?

Comme je l'ai annoncé lors de ma réponse à votre première question, la participation politique est une demande de la plus grande partie des MRE. Cette partie se considère comme mineure sans cette participation. D'ailleurs, il y a eu des démarches dans ce sens. Un comité de MRE appuyé par des Marocains vivant au pays ont rencontré, en décembre 2009, le président du Parlement et plusieurs groupes parlementaires qui ont été favorables à la participation politique des MRE et nous nous sommes même mis d'accord sur l'organisation au sein du Parlement d'une rencontre pour débattre cette question de participation aux élections en 2012. Il y a eu aussi une série de rencontres avec les partis politiques et le gouvernement à travers certains ministères. Un rapport détaillé de ces activités a été rédigé et diffusé lors de la conférence organisée les 11 et 12 décembre 2009 à Casablanca. Le RMTMD estime que les résultats de ce travail représentent une feuille de route. C'est dans le cadre de ces activités que nous avons aussi organisé le 29 mai dernier à Amsterdam un colloque sur le thème « Processus de régionalisation avancée au Maroc et le rôle des Marocains résidant à l'étranger : citoyenneté, démocratie, développement et partenariat au pays d'origine ».
Donc, nous continuons à faire notre plaidoyer pour une participation des MRE et une représentation démocratique au sein d'instances démocratiques et transparentes, car cela est un droit reconnu par la Constitution sans oublier les directives royales dans ce domaine.
Les questions techniques ne sont qu'un alibi. D'ailleurs, les expériences étudiées d'autres pays, en ce qui concerne la participation politique des immigrés, ont démontré la faisabilité de la participation et ses retombées positives comme le rapportent certains. Nous pensons que le Maroc n'est pas appelé à copier ces expériences mais de chercher sa réponse propre pour une pleine citoyenneté et effective de ces immigrés.

Le Maroc est en train de négocier un accord avec l'Union européenne relatif à la réadmission notamment des étrangers clandestins notamment des Subasahariens ayant transité par son territoire. Quelles sont selon vous les conditions pour arriver à un meilleur accord ?

Je pense que le Maroc, tout en défendant les droits de ses immigrés, doit veiller à l'application de ces droits aux autres, en l'occurrence les Subsahariens, pour donner plus de crédibilité à sa signature de la Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et de leurs familles et sa politique en matière de migration. En plus le Maroc, pays africain jouissant de statut avancé signé avec l'Union européen (UE), est appelé à jouer son rôle de trait d'union entre deux continents et à en tirer profit, mais il n'est pas obligé de suivre l'Europe dans sa politique d'externalisation de la gestion de la migration. Il doit être innovateur en matière de gouvernance de la migration par le changement qu'il connaît lui-même en passant d'un pays d'émission à un pays de transit puis d'accueil par la force des choses.

Les pays avancés prônent une immigration choisie. Cette politique encourage la fuite des cerveaux du Sud au moment où leurs pays ont en besoin. Ce sujet est-il débattu par le RMTMD ?

D'abord, la migration a été toujours choisie par les pays d'accueil. Ce sont eux qui décident la nature de la main d'œuvre à embaucher. Dans les années 60, ils avaient besoin de la force du travail musculaire. Aujourd'hui, ils ont besoin de la « matière grise ». Bien sûr que nous avons débattu cette question, car la majorité des participants sont pour faire profiter leur pays d'origine des compétences qu'ils ont acquises. L'une des recommandations majeures de cette rencontre, dans ce domaine, invite les MRE, surtout les nouvelles générations et ceux qui ont développé des compétences pendant leur migration, à être solidaires avec la population marocaine en général et celle de leurs régions d'origine tout en drainant non seulement des ressources financières mais aussi leur savoir et savoir-faire dans le cadre de projets durables et intégrés. Le RMTMD reste un support pour ces projets et un relai pour élaborer des partenariats et des programmes d'action et appuyer les compétences de ces acteurs de développement.

Lors de la troisième rencontre du RMTMD à Larache en juillet dernier, vous avez appelé à associer la société civile à la préparation de l'édition 2012 de Forum mondial Migration et Développement qui aura lieu au Maroc. Avez-vous été entendus ?

Depuis notre invitation par son excellence Monsieur l'Ambassadeur du Maroc à Athènes lors de la participation de certains membres du RMTMD aux journées de la société civile du Forum mondial sur la Migration et le Développement de 2009 où nous avons rencontré d'autres participants marocains au débat des gouvernements, nous avons exprimé notre vœu pour travailler ensemble afin de faire profiter notre pays de cette manifestation et la réussir pour nos MRE et pour la migration en général. Aujourd'hui, nous allons au Mexique, mais sans voir nos vœux concrétisés ! Nous continuons à œuvrer selon nos principes, guidés et inspirés par le bien de nos MRE et les droits de l'Homme.
Lisez nos e-Papers