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La libération par l'écriture

« Tapez sur la tête d'un écrivain, il n'en sort rien. Enfermez-le, il recouvre la mémoire », lit-on dans le roman de Frédéric Beigbeder. Cette phrase résume parfaitement la démarche de l'auteur dans son livre « Un roman français ».

La libération par l'écriture
«Un roman français» aurait-il vu le jour si Frédéric Beigbeder n'avait pas été arrêté, par une soirée hivernale, après avoir fait la fête dans une boîte de nuit parisienne? L'auteur aurait-il eu l'idée de coucher ses souvenirs d'enfance sur papier s'il n'avait pas été appréhendé, en flagrant délit de consommation de cocaïne en pleine rue, sur le capot d'une voiture ? A en croire l'écrivain, sans cet incident, la naissance de ce livre n'aurait pas été possible. En fait, l'arrestation puis l'incarcération de l'auteur ont eu l'effet d'un révélateur de sa décision. Privé de liberté et de repères temporels (sa montre ayant été confisquée), il s'est retrouvé face à un vide horrible auquel il devait faire face. Il n'avait donc d'autre loisir que de penser et repenser à son passé, dont il n'a malheureusement pas toutes les images en tête.

Reconstituer le tableau de sa vie était alors la tâche à laquelle il allait s'atteler durant sa détention. Facile à dire mais pas à faire. Un obstacle de taille fait obstruction à cette entreprise en la rendant peu aisée : Frédéric Beigbeder ne se souvient pas de (toute) son enfance. « Le registre de l'état civil est formel : je suis né le 21 septembre 1965 à Neuilly-sur-Seine, 2 boulevard du château, à 21h 05. Ensuite, plus rien. Mon enfance m'échappe comme un rêve au matin : plus je cherche à me la remémorer, plus elle s'éloigne dans la brume », avoue-t-il dans son livre. Dans la préface du livre, une déclaration de Michel Houelbecq fait écho à cette affirmation: «Procédant comme Cuvier, reconstituant un squelette de dinosaure à partir d'un fragment d'os, Frédéric Beigbeder reconstitue à partir de ce seul souvenir, l‘ensemble de son histoire familiale ». Au fil des pages, l'auteur relate quelques épisodes de son enfance au sein du clan des Beigbeder. Ceux que sa mémoire, défaillante, a réussi à garder, intentionnellement ou malgré lui, on n'en sait rien.

Quand on voit la définition qu'il fait de l'oubli : «L'amnésie est un mensonge par omission», on est en droit de se poser la question. Dans la foulée de son travail de reconstitution, il marque quelques moments d'arrêt dont il profite pour entamer une réflexion existentielle sur la vie. En filigrane, le tableau d'une société française en perpétuelle mutation se brosse. Le puzzle se reconstitue et l'image se clarifie, sans que celle-ci soit, pour autant, empreinte d'une quelconque nostalgie ravageuse ni d'une critique dévastatrice de cette évolution. L'auteur se contente de constater et relater des faits. Néanmoins, il est moins objectif quand il tire à bout portant sur ses conditions de détention et, par ricochet, sur le système judiciaire français. Dans une attitude qui confine au caprice, c'est son côté bourgeois qui paraît prendre le dessous. C'est là où il devient encore plus sarcastique et plus fielleux. Ce qui ne manque pas d'ôter un peu de crédibilité au roman qui, d'une manière générale, demeure agréable à lire, digeste, distrayant. Il ne mérite cependant pas pour autant d'être qualifié de chef-d'œuvre.

Biographie de l'auteur

Issu d'un milieu favorisé, Frédéric Beigbeder fréquente les bancs de deux lycées prestigieux - Montaigne et Louis le Grand - et intègre par la suite Sciences-Po et le Celsa. Il ressort alors diplômé d'un DESS en marketing publicité à 24 ans et entame une carrière des plus retentissantes, placée sous le signe de la polyvalence: publicitaire, écrivain, critique littéraire, chroniqueur TV... Véritable passionné de littérature, l'auteur publie plusieurs ouvrages. Il crée le prix de Flore, inspiré du nom du célèbre café de Saint-Germain-des-Prés à Paris, qui récompense chaque année un auteur au talent prometteur.

Dandy parisien désinvolte, Beigbeder s'essaie en tant que présentateur, dans les émissions «Des livres et moi», sur Paris Première, «L' Hyper Show», sur Canal+ et comme chroniqueur dans «Le Grand Journal» de Canal+ en 2005. L'écrivain a, par ailleurs, rédigé d'impertinentes «Nouvelles sous ecstasy», un essai, «Dernier inventaire avant liquidation» et a participé à l'élaboration de bandes dessinées. Depuis 2003, il est éditeur pour le compte de Flammarion, mais continue en parallèle son travail d'écrivain. Personnalité farfelue et provocatrice, Frédéric Beigbeder déclare aimer l'argent et les sorties et vit sa vie à cent à l'heure.
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