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Douar Jdide à Skhirate n'est plus

Date: mercredi 16 juin vers 10 heures du matin. Lieu : douar Jdide à Skhirate. L'agitation est générale parmi les gens du douar, venus massivement assister à la démolition de leurs habitations insalubres.

Douar Jdide à Skhirate n'est plus
Selon les autorités, des logements sociaux devront, dans 3 mois, se substituer aux baraques démolies. Mais, les bidonvillois restent septiques.
Depuis un certain temps, la nouvelle fait sensation et maintenant que le jour J est venu, les habitants de ce point noir de la ville de Skhirate contemplent avec un mélange de mélancolie et d'espoir les géants engins en train d'abattre avec fracas leurs vieilles baraques. Des douars voisins, d'autres personnes ont afflué pour être témoins de l'événement spectaculaire qui marque un tournant majeur dans la vie de 673 ménages concernés par la décision de démolition. Et avec un total de 437 baraques détruites, cet événement ne pouvait passer inaperçu. En un clin d'œil, le douar Jdide, l'un des plus anciens de la ville, n'était plus qu'un vaste terrain nu foulé par ses anciens occupants. D'ici à 3 mois, des logements sociaux devront se substituer aux baraques démolies. Mais il semble que le projet ne fait pas que des heureux. Sur tous les visages, on peut lire un immense désarroi.

Les responsables de ce chantier, notamment les représentants de la Préfecture de Skhirate Témara, du ministère de l'Habitat, de l'Urbanisme et de l'Aménagement de l'espace et du Holding d'aménagement Al Omrane, ont beau payer de leurs personnes pour que les propriétaires des baraques démolies soient recasés dans un délai de 3 mois, le scepticisme continue à régner aux rangs de ceux-ci. Et pour cause, les plaintes fusent de part et d'autre concernant de présumés retards dans le recasement des bénéficiaires des opérations précédentes. Il s'agit notamment de la première tranche de l'opération du douar Jdide qui a concerné 624 ménages en 2008 et de l'opération du douar Al Fath qui s'est soldée en février 2010 par la destruction de 1352 baraques. Mohammed Azzouzi, ancien habitant du douar Al Massira à Hay Al Fath, qualifie son cas d' « exceptionnel ». Après la démolition de son habitation insalubre qu'il partageait avec un ami, il s'est trouvé sans toit depuis voilà 26 mois.

Mohammed crie à l'injustice, après avoir été exclu de l'opération de recasement, une exclusion dont il ignore les motifs. « Mon cas n'est pas unique. Il y a eu beaucoup de laissés-pour-compte de ce projet », soutient-il amèrement. Les récits des personnes qui s'estiment lésées par le chantier sont quasi-identiques. Ils relatent tous une famille nombreuse, un départ forcé, une exclusion injuste de l'opération de recasement et des plaintes formulées sans issue. Rachid Khayati dit avoir quitté sa petite baraque la mort dans l'âme. « J'y suis depuis 1994. C'est là où je me suis marié et où mes deux enfants ont vu le jour. Dernièrement, les autorités m'ont sommé de partir et j'ai fait des pieds et des mains pour trouver une habitation à louer. Sur les conseils de mes proches, j'ai déposé une plainte auprès du caïd qui n'a pas porté ses fruits à ce jour », se lamente ce jeune homme de 29 ans natif de la ville de Khouribga.

En effet, la version des faits livrée par les autorités contraste avec celle des bidonvillois. Abdelkrim El Mehrab, Pacha de la ville de Skhirate, conteste ouvertement le bien-fondé de leurs allégations. Il informe qu'en amont de l'opération de démolition des baraques, précisément en 2004, un recensement exhaustif des habitants a été mené en vue de cerner les personnes en droit de bénéficier du logement social. Le Pacha est formel : « le recasement ne peut bénéficier aux enfants qui sont nés en aval du recensement, ni aux personnes qui habitent avec leurs parents et qui réclament leur droit au logement social au même titre qu'eux. C'est toute une procédure qui régit cette opération et qui rend impossible de faire subir une injustice à l'égard de qui que ce soit. Même ceux qui se considèrent lésés n'ont qu'à déposer leurs plaintes auprès des autorités locales qui les examineront dans les plus brefs délais », rassure ce responsable qui tient à préciser que les anciens habitants du douar ont quitté les lieux « de leur plein gré », en vertu d'un « contrat social » qui les liait aux autorités locales.

Versant dans le même sens et rassurant à sa manière, Abdenasser Lahnaoui, délégué préfectoral du ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme à Skhirate-Témara, le dit et le répète : « le chantier de recasement initié au douar Jdide est mené en parfaite entente avec la population. A Skhirate et nulle part ailleurs, une approche nouvelle basée sur la concertation avec les habitants est adoptée en matière de lutte contre l'habitat insalubre. Les habitants nous font entière confiance et ce n'est pas un hasard. Ils ont constaté de visu le succès de la première tranche du projet du douar Jdide, ce qui leur a fait accepter facilement l'idée de recasement ». Pour M. Lahnaoui, l'opération a été entourée de toutes les garanties nécessaires pour préserver les droits légitimes des habitants. « Des attestations sont délivrées sur place aux bidonvillois dont les habitations ont été démolies pour servir et valoir ce que de droit. De même, un guichet unique est mis à leur disposition, d'où ils peuvent obtenir toutes les attestations administratives dont ils ont besoin », affirme-t-il. Pour s'installer dans leurs nouveaux logements, les bidonvillois doivent s'acquitter d'une somme de l'ordre de 13.500 dirhams (pour un habitat individuel avec un seul étage) ou de 24.000 dirhams (pour un habitat familial avec un rez-de-chaussée et deux étages), précise Zidouh Abdelhakim, directeur des projets au Holding d'aménagement Al Omrane à Témara.

L'éradication en cours…

Longtemps classée comme deuxième agglomération des bidonvilles à l'échelle nationale (juste après Casablanca), la Préfecture de Skhirate Témara veut aujourd'hui se départir de cette mauvaise réputation. A l'instar d'autres préfectures et régions du Maroc, elle s'est inscrite dans la dynamique enclenchée par les programmes « villes sans bidonvilles ». Son programme pour la résorption de l'habitat insalubre va bon train depuis 2004. Il a permis de réduire le nombre des ménages résidant dans des bidonvilles à 20.444 ménages au lieu de 33.000 ménages avant 2010 et ce, dans l'ensemble des communes rurales et urbaines relevant de la préfecture. En juillet 2009, ce programme a été couronné par la déclaration de Ain Aouda et de Mers El Khir « villes sans bidonvilles ». La lutte contre l'habitat insalubre se poursuit en 2010, avec notamment un projet de relogement de 1580 ménages relevant de la commune rurale de Sidi Yahia Zaer dans la ville nouvelle de Tamesna. D'autre part, des campagnes de recensement des bidonvilles sont en cours dans toutes les communes relevant de la préfecture Skhirate-Témara.
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