Malgré la prise de conscience de l'importance de l'investissement dans les ressources humaines au Maroc, l'évolution sur le terrain laisse encore à désirer. Les résultats d'une enquête que nous avons menée récemment dans le cadre de l'élaboration d'une thèse de doctorat, sont sans appels. Premier handicap à cet investissement immatériel demeure le cadre organisationnel. Ainsi, le service de gestion du personnel est absent dans les petites entreprises non structurées. Cela s'explique, selon les interviewés, par le nombre réduit, certes, des tâches administratives touchant le personnel mais aussi par la structure organisationnelle spécifique de leurs entreprises. Il s'agit généralement d'une structure favorisant le travail en groupe et la communication directe dans la résolution des problèmes professionnels et même personnels.
Dans les grandes entreprises, et comme on pouvait s'y attendre, la réalité est toute autre. Le service de gestion du personnel fait bel et bien partie de l'organigramme de l'entreprise. Néanmoins, à l'exception des entreprises de grande taille, il reste géré par une seule personne n'ayant pas forcément une formation spécialisée dans le domaine. Son rôle est de veiller à l'application des directives et au respect de la réglementation. Il est généralement déconnecté du processus décisionnel et mal informé des objectifs globaux. Ceci s'explique par la structure organisationnelle centralisée des entreprises étudiées et par la culture de méfiance qui règne en leur sein. L'opinion d'un des chefs de personnel marocains ayant répondu à nos questions est parlant à plus d'un égard. Pour lui, la prise de décision constitue une grande responsabilité qu'il n'est pas prêt à assumer. Pour être couvert, il préfère éviter de prendre des décisions, même courantes, et il essaye d'avoir toujours l'autorisation du directeur.
Lequel parfois n'est autre qu'un proche du propriétaire. Et quand les responsables des Ressources humaines franchissent le pas en prenant des décisions, ils doivent faire des pieds et des mains pour convaincre les différents membres de la famille dirigeante avant de passer à l'action. En outre, le service des Ressources humaines dans ces entreprises trouve des difficultés à mettre en place une gestion prévisionnelle des effectifs qui permet de définir les besoins actuels et futurs de chaque poste et de fixer des objectifs clairs en matières de recrutement, de formation, de rémunération, de promotion… En l'occurrence, malgré son importance dans l'amélioration de la qualification de l'entreprise, la décision de recrutement est centralisée au niveau du directeur lui-même, qui est loin de connaître tous les besoins spécifiques de chaque poste. Cette décision, souvent subjective, répond souvent à des besoins conjoncturels imprévus tels que le départ d'un employé, l'augmentation du volume de la production… En cas de baisse du volume de la production engendrant un sureffectif, les dirigeants ont tendance à développer des solutions ad hoc assurant la continuité du travail et la réduction de la charge salariale, telles que le licenciement de l'effectif occasionnel.
Ces pratiques d'improvisation sont généralement mal vues par les employés et sont susceptibles de créer un climat démotivant au sein de l'entreprise.
La formation est une autre paire de manches. Certes, les entreprises sondées ont mis en place divers programmes de formation, mais ces derniers n'ont pas d'objectifs clairs et répondent aux besoins occasionnels de l'entreprise. Ceci s'explique, entre autres, par les ressources limitées de ces entreprises qui n'ont pas, d'une part, les moyens nécessaires pour financer des programmes de formation continue pour tous leurs employés et qui préfèrent, d'autre part, sélectionner des salariés expérimentés capables de mettre en œuvre immédiatement leurs compétences techniques sans le recours à la formation.
L'environnement concurrentiel stable peut être considéré aussi comme une deuxième cause de la faiblesse de la formation dans les entreprises marocaines. Dans cet environnement, la concurrence est basée sur la gestion des coûts et la réalisation des économies d'échelle plus que sur l'innovation technologique.
Autrement dit, l'investissement dans la formation, comme outil nécessaire à la création des compétences innovatrices et distinctives, s'avère coûteux et peu rentable. A l'instar de la formation, la centralisation est le maître-mot s'agissant de l'évaluation des employés. Le directeur préfère assurer lui-même la mission, pour préserver cette relation de pouvoir et de contrôle direct sur ses employés. Les critères retenus sont dans la plupart des cas subjectifs et flous. Premier objectif, déterminer le montant annuel des primes de rendement. Le second consiste à décider de l'évolution de carrière des employés, même si l'ancienneté a généralement le dernier mot. Bref, ces résultats montrent que malgré l'effort de structuration engagé par les entreprises étudiées, leur gestion interne reste régie par les rapports directs et informels du patron avec ses subordonnés.
Dans les entreprises de grande taille, on a constaté l'importance des objectifs assignés au service des Ressources humaines, du budget consacré et surtout l'utilisation de nouvelles techniques de gestion en la matière. Toutefois, cet effort de développement s'inscrit dans une structure hiérarchisée et bureaucratique limitant les initiatives de changement. Les objectifs de ce service sont le fruit de la stratégie générale établie par la direction, indépendamment de ses besoins réels. Néanmoins, beaucoup de potentiels humains cachés restent encore inexploités à cause de la déconnexion qui existe entre les caractéristiques organisationnelles des entreprises au Maroc et les objectifs, les attentes et surtout la culture des employés.
Selon les travaux de Zghal en Tunisie et d'Iribarne au Maroc, la culture organisationnelle peut être source de manque de communication dans une structure bureaucratique et centralisée. Ce manque de communication se traduit par la démotivation du personnel et le développement des stratégies personnelles divergentes de celle de la direction.
Dans cette perspective, Crozier a mis en évidence, à travers l'analyse des relations de travail qui lient différentes catégories professionnelles, qu'il s'agit de relations de pouvoir dont la manifestation la plus importante est produite par l'événement qui les met fonctionnellement en rapport, à savoir les pannes. Selon l'auteur, l'analyse des relations de pouvoir ne peut se limiter aux rapports hiérarchiques. Elle réside dans la capacité des acteurs à repérer et à se saisir des sources d'incertitude qui s'y trouvent pour chercher à exercer une influence sur les autres catégories professionnelles. L'auteur focalise toute son attention sur la dimension active des acteurs sociaux et sur leurs stratégies respectives dans l'organisation. En revanche, dans une structure ouverte et favorable à la communication entre les différents membres de l'entreprise, elle peut constituer un atout et un vrai potentiel de développement des compétences collectives. Et ce ne sont pas les exemples qui manquent ! Il suffit de voir du côté des entreprises les plus performantes.
Dans les grandes entreprises, et comme on pouvait s'y attendre, la réalité est toute autre. Le service de gestion du personnel fait bel et bien partie de l'organigramme de l'entreprise. Néanmoins, à l'exception des entreprises de grande taille, il reste géré par une seule personne n'ayant pas forcément une formation spécialisée dans le domaine. Son rôle est de veiller à l'application des directives et au respect de la réglementation. Il est généralement déconnecté du processus décisionnel et mal informé des objectifs globaux. Ceci s'explique par la structure organisationnelle centralisée des entreprises étudiées et par la culture de méfiance qui règne en leur sein. L'opinion d'un des chefs de personnel marocains ayant répondu à nos questions est parlant à plus d'un égard. Pour lui, la prise de décision constitue une grande responsabilité qu'il n'est pas prêt à assumer. Pour être couvert, il préfère éviter de prendre des décisions, même courantes, et il essaye d'avoir toujours l'autorisation du directeur.
Lequel parfois n'est autre qu'un proche du propriétaire. Et quand les responsables des Ressources humaines franchissent le pas en prenant des décisions, ils doivent faire des pieds et des mains pour convaincre les différents membres de la famille dirigeante avant de passer à l'action. En outre, le service des Ressources humaines dans ces entreprises trouve des difficultés à mettre en place une gestion prévisionnelle des effectifs qui permet de définir les besoins actuels et futurs de chaque poste et de fixer des objectifs clairs en matières de recrutement, de formation, de rémunération, de promotion… En l'occurrence, malgré son importance dans l'amélioration de la qualification de l'entreprise, la décision de recrutement est centralisée au niveau du directeur lui-même, qui est loin de connaître tous les besoins spécifiques de chaque poste. Cette décision, souvent subjective, répond souvent à des besoins conjoncturels imprévus tels que le départ d'un employé, l'augmentation du volume de la production… En cas de baisse du volume de la production engendrant un sureffectif, les dirigeants ont tendance à développer des solutions ad hoc assurant la continuité du travail et la réduction de la charge salariale, telles que le licenciement de l'effectif occasionnel.
Ces pratiques d'improvisation sont généralement mal vues par les employés et sont susceptibles de créer un climat démotivant au sein de l'entreprise.
La formation est une autre paire de manches. Certes, les entreprises sondées ont mis en place divers programmes de formation, mais ces derniers n'ont pas d'objectifs clairs et répondent aux besoins occasionnels de l'entreprise. Ceci s'explique, entre autres, par les ressources limitées de ces entreprises qui n'ont pas, d'une part, les moyens nécessaires pour financer des programmes de formation continue pour tous leurs employés et qui préfèrent, d'autre part, sélectionner des salariés expérimentés capables de mettre en œuvre immédiatement leurs compétences techniques sans le recours à la formation.
L'environnement concurrentiel stable peut être considéré aussi comme une deuxième cause de la faiblesse de la formation dans les entreprises marocaines. Dans cet environnement, la concurrence est basée sur la gestion des coûts et la réalisation des économies d'échelle plus que sur l'innovation technologique.
Autrement dit, l'investissement dans la formation, comme outil nécessaire à la création des compétences innovatrices et distinctives, s'avère coûteux et peu rentable. A l'instar de la formation, la centralisation est le maître-mot s'agissant de l'évaluation des employés. Le directeur préfère assurer lui-même la mission, pour préserver cette relation de pouvoir et de contrôle direct sur ses employés. Les critères retenus sont dans la plupart des cas subjectifs et flous. Premier objectif, déterminer le montant annuel des primes de rendement. Le second consiste à décider de l'évolution de carrière des employés, même si l'ancienneté a généralement le dernier mot. Bref, ces résultats montrent que malgré l'effort de structuration engagé par les entreprises étudiées, leur gestion interne reste régie par les rapports directs et informels du patron avec ses subordonnés.
Dans les entreprises de grande taille, on a constaté l'importance des objectifs assignés au service des Ressources humaines, du budget consacré et surtout l'utilisation de nouvelles techniques de gestion en la matière. Toutefois, cet effort de développement s'inscrit dans une structure hiérarchisée et bureaucratique limitant les initiatives de changement. Les objectifs de ce service sont le fruit de la stratégie générale établie par la direction, indépendamment de ses besoins réels. Néanmoins, beaucoup de potentiels humains cachés restent encore inexploités à cause de la déconnexion qui existe entre les caractéristiques organisationnelles des entreprises au Maroc et les objectifs, les attentes et surtout la culture des employés.
Selon les travaux de Zghal en Tunisie et d'Iribarne au Maroc, la culture organisationnelle peut être source de manque de communication dans une structure bureaucratique et centralisée. Ce manque de communication se traduit par la démotivation du personnel et le développement des stratégies personnelles divergentes de celle de la direction.
Dans cette perspective, Crozier a mis en évidence, à travers l'analyse des relations de travail qui lient différentes catégories professionnelles, qu'il s'agit de relations de pouvoir dont la manifestation la plus importante est produite par l'événement qui les met fonctionnellement en rapport, à savoir les pannes. Selon l'auteur, l'analyse des relations de pouvoir ne peut se limiter aux rapports hiérarchiques. Elle réside dans la capacité des acteurs à repérer et à se saisir des sources d'incertitude qui s'y trouvent pour chercher à exercer une influence sur les autres catégories professionnelles. L'auteur focalise toute son attention sur la dimension active des acteurs sociaux et sur leurs stratégies respectives dans l'organisation. En revanche, dans une structure ouverte et favorable à la communication entre les différents membres de l'entreprise, elle peut constituer un atout et un vrai potentiel de développement des compétences collectives. Et ce ne sont pas les exemples qui manquent ! Il suffit de voir du côté des entreprises les plus performantes.
