La régionalisation peut être définie comme une forme de décentralisation d'un État qui transfère des pouvoirs à ses régions. L'histoire de la régionalisation au Maroc remonte à l'époque coloniale avec l'institution de 4 régions militaires et 3 régions civiles par les autorités du protectorat. En dépit du fait que ce découpage visait un encadrement purement autoritaire de la population, le système instauré à l'époque a mis les jalons de base d'une nouvelle pratique de l'organisation du territoire. C'est ainsi qu'en 1971 le Maroc a donné naissance à une régionalisation progressive en créant des régions économiques. Ces mêmes régions ont été érigées en collectivités locales par la Constitution de 1992 et celle de 1996.
Ce processus a été renforcé, par la suite, par loi de 1997 qui est à l'origine de la création de 16 régions. Cependant, ce système demeure limité. Pour cette raison, le Maroc a opté aujourd'hui pour une régionalisation avancée, voire même élargie dans les provinces du Sud. C'est ce qui ressort du dernier discours royal du 3 janvier 2010, mettant en place une Commission consultative de la régionalisation. Certes, le Souverain a tracé une feuille de route pour cette commission en l'invitant à mettre au point un modèle maroco-marocain de régionalisation, issu des spécificités du pays. Or, la question qui reste posée est celle de savoir si ce modèle serait proche de l'un des modèles occidentaux ou s'il serait purement marocain...
I - Les différents modèles occidentaux possibles
Le modèle marocain de régionalisation de 1997 s'apparente à celui qui s'applique en France depuis 1982. En effet, que ce soit en France ou au Maroc, les régions sont dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Néanmoins, ce système prive les régions de toute compétence normative. Il s'agit d'une régionalisation administrative qui, tout en reconnaissant à la région la possibilité de prendre les mesures nécessaires à son développement économique, social et culturel, ne lui donne aucun pouvoir législatif. Ce système a fait preuve de ses limites dans la mesure où les entités régionales ont des difficultés à prendre des décisions de façon discrétionnaire et à faire prévaloir leur autonomie. C'est ce qui a poussé certains à opter pour le modèle espagnol qu'ils considèrent comme un bon exemple pour la régionalisation au Maroc. L'Espagne est un Etat régional. Il reconnait aux régions une autonomie qui dépasse une simple décentralisation administrative. La Constitution espagnole de 1978 donne le droit à chaque communauté d'élaborer sa propre Constitution interne. Celle-ci doit être adoptée en dernier ressort par le Parlement espagnol constitué de deux Chambres, le Sénat et la Chambre des députés. Ainsi, les communautés autonomes se voient disposer de vastes pouvoirs leur permettant de s'autogouverner, tandis que l'Etat espagnol se contente des compétences exclusives comme l'immigration, les relations internationales, la monnaie, la justice, etc. Au Maroc, ceux qui plaident pour ce système voient en lui la meilleure solution pour résoudre beaucoup de problèmes liés au développement économique, voire pour régler le conflit du Sahara. Car il permettra certainement aux Sahraouis de gérer eux-mêmes leurs affaires.
Le dernier discours royal du 3 janvier a entériné, d'ailleurs, ce choix en prévoyant une régionalisation élargie dans les provinces du Sud. Cependant, pour certains juristes, le système voulu par le Souverain est plus proche du modèle italien que du modèle espagnol. Celui-ci se fonde sur l'autonomie alors que le système marocain, excepté dans les provinces du Sud, et à l'instar du système italien, n'atteindra pas l'autonomie. En Italie, la régionalisation est moins poussée. Hormis certaines petites régions du nord, les entités régionales italiennes demeurent soumises à un régime commun. Ce qui les distingue des communautés autonomes espagnoles dont le particularisme linguistique et culturel est reconnu, et, par voie de conséquence, se voient octroyer un statut particulier. Loin donc de consacrer le même statut aux régions marocaines, le Roi Mohammed VI était favorable dans son dernier discours à un système national novateur de régionalisation. D'ailleurs, feu Hassan II, et en étant séduit par le système des ''lander allemands'', avait même envoyé en mission d'étude les deux syndicalistes Noubir Amaoui et Abderrazak Afilal. Cependant, au fil du temps, le Maroc a compris qu'il n'y a mieux qu'un système de régionalisation qui lui soit propre.
II - Vers un modèle marocain de régionalisation
Mettre au monde un modèle marocain original de régionalisation est le défi majeur de la CCR. Celle-ci est appelée à éviter la reproduction systématique des solutions étrangères. S'inspirer des expériences réussies ailleurs ne serait, certainement, qu'enrichissant pour la pratique juridique marocaine. Toutefois, les adaptations de ces expériences aux réalités de notre pays s'imposent toujours avec force, afin d'éviter tout problème d'ineffectivité. La CCR, qui réunit des personnalités connues par leur qualité intrinsèque, est tenue de prendre en considération les fondamentaux du Maroc, à savoir l'unité, la royauté, la religion et l'intégrité territoriale. Elle doit également, avant d'entamer tout projet de régionalisation, se renseigner sur les pratiques sociales. Des enquêtes sociologiques seraient de nature à lui fournir des informations utiles sur les chances de ce projet et sur les éventuelles résistances qu'il pourrait rencontrer dans son application. Empruntant une telle voie contribuerait indubitablement à la réussite de tout projet de régionalisation. D'où l'importance de se référer aux mœurs locales et aux données nationales au lieu de se contenter de fouiller dans les ouvrages de droit comparé.
S'il est établi que tout projet de régionalisation ne peut être entamé que s'il est replacé dans la globalité sociale, il devient légitime de rappeler que la pratique régionale au Maroc fait partie de sa tradition. Déjà à l'époque précoloniale, les tribus s'organisaient sous forme de ''jmaâs'' en vue de gérer les affaires locales. De nos jours, cette pratique est toujours en cours, mais les ''jmaâs'' se sont modernisées en s'érigeant en associations locales. Dans la plupart des tribus, l'élite établie dans les grandes villes du Royaume, et qui garde des liens étroits avec leur origine, s'organise sous forme d'associations afin de soutenir les grands projets locaux. Citant à titre d'exemple l'Association Rif pour le développement et la solidarité (Arid) qui rassemble des personnalités rifaines ayant pour objectif «la promotion des conditions de vie matérielles et morales de la population de cette région », ou l'Association Idaounidif à quelques kilomètres de Taroudant qui vient d'achever, il y a presque un mois, grâce à l'aide financière de l'INDH et de l'ambassade du Japon au Maroc, un projet routier de désenclavement de la commune rurale Imine Tyarte, située dans une zone montagneuse. Cette même association finance, avec l'implication du maire de Casablanca, Mohamed Sajid, une école coranique « Ozzoune » de la tribu Idaounidif, dont les dépenses dépassent chaque année un 1.000.000 DH. De telles associations disposent de moyens considérables.
Elles sont animées par la fierté d'appartenance à leurs clans, la sincérité de l'engagement et la transparence des intentions. D'où la rigueur qui caractérise l'exécution des projets. Valoriser donc ces identités dans l'unité est la condition sine qua non du succès du nouveau projet de régionalisation. Pour ce faire, il est primordial de revoir le découpage actuel des régions, de façon à ce qu'on tient compte de ces données identitaires et ethniques. Bien entendu, la prépondérance de certaines entités régionales en termes de création de richesses pose problème, mais l'affirmation de soi, en tant que Soussi, Sahraoui, Rifain… stimulerait la compétition et la volonté de trouver des solutions fiables aux crises que connaissent les régions.
Ce processus a été renforcé, par la suite, par loi de 1997 qui est à l'origine de la création de 16 régions. Cependant, ce système demeure limité. Pour cette raison, le Maroc a opté aujourd'hui pour une régionalisation avancée, voire même élargie dans les provinces du Sud. C'est ce qui ressort du dernier discours royal du 3 janvier 2010, mettant en place une Commission consultative de la régionalisation. Certes, le Souverain a tracé une feuille de route pour cette commission en l'invitant à mettre au point un modèle maroco-marocain de régionalisation, issu des spécificités du pays. Or, la question qui reste posée est celle de savoir si ce modèle serait proche de l'un des modèles occidentaux ou s'il serait purement marocain...
I - Les différents modèles occidentaux possibles
Le modèle marocain de régionalisation de 1997 s'apparente à celui qui s'applique en France depuis 1982. En effet, que ce soit en France ou au Maroc, les régions sont dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Néanmoins, ce système prive les régions de toute compétence normative. Il s'agit d'une régionalisation administrative qui, tout en reconnaissant à la région la possibilité de prendre les mesures nécessaires à son développement économique, social et culturel, ne lui donne aucun pouvoir législatif. Ce système a fait preuve de ses limites dans la mesure où les entités régionales ont des difficultés à prendre des décisions de façon discrétionnaire et à faire prévaloir leur autonomie. C'est ce qui a poussé certains à opter pour le modèle espagnol qu'ils considèrent comme un bon exemple pour la régionalisation au Maroc. L'Espagne est un Etat régional. Il reconnait aux régions une autonomie qui dépasse une simple décentralisation administrative. La Constitution espagnole de 1978 donne le droit à chaque communauté d'élaborer sa propre Constitution interne. Celle-ci doit être adoptée en dernier ressort par le Parlement espagnol constitué de deux Chambres, le Sénat et la Chambre des députés. Ainsi, les communautés autonomes se voient disposer de vastes pouvoirs leur permettant de s'autogouverner, tandis que l'Etat espagnol se contente des compétences exclusives comme l'immigration, les relations internationales, la monnaie, la justice, etc. Au Maroc, ceux qui plaident pour ce système voient en lui la meilleure solution pour résoudre beaucoup de problèmes liés au développement économique, voire pour régler le conflit du Sahara. Car il permettra certainement aux Sahraouis de gérer eux-mêmes leurs affaires.
Le dernier discours royal du 3 janvier a entériné, d'ailleurs, ce choix en prévoyant une régionalisation élargie dans les provinces du Sud. Cependant, pour certains juristes, le système voulu par le Souverain est plus proche du modèle italien que du modèle espagnol. Celui-ci se fonde sur l'autonomie alors que le système marocain, excepté dans les provinces du Sud, et à l'instar du système italien, n'atteindra pas l'autonomie. En Italie, la régionalisation est moins poussée. Hormis certaines petites régions du nord, les entités régionales italiennes demeurent soumises à un régime commun. Ce qui les distingue des communautés autonomes espagnoles dont le particularisme linguistique et culturel est reconnu, et, par voie de conséquence, se voient octroyer un statut particulier. Loin donc de consacrer le même statut aux régions marocaines, le Roi Mohammed VI était favorable dans son dernier discours à un système national novateur de régionalisation. D'ailleurs, feu Hassan II, et en étant séduit par le système des ''lander allemands'', avait même envoyé en mission d'étude les deux syndicalistes Noubir Amaoui et Abderrazak Afilal. Cependant, au fil du temps, le Maroc a compris qu'il n'y a mieux qu'un système de régionalisation qui lui soit propre.
II - Vers un modèle marocain de régionalisation
Mettre au monde un modèle marocain original de régionalisation est le défi majeur de la CCR. Celle-ci est appelée à éviter la reproduction systématique des solutions étrangères. S'inspirer des expériences réussies ailleurs ne serait, certainement, qu'enrichissant pour la pratique juridique marocaine. Toutefois, les adaptations de ces expériences aux réalités de notre pays s'imposent toujours avec force, afin d'éviter tout problème d'ineffectivité. La CCR, qui réunit des personnalités connues par leur qualité intrinsèque, est tenue de prendre en considération les fondamentaux du Maroc, à savoir l'unité, la royauté, la religion et l'intégrité territoriale. Elle doit également, avant d'entamer tout projet de régionalisation, se renseigner sur les pratiques sociales. Des enquêtes sociologiques seraient de nature à lui fournir des informations utiles sur les chances de ce projet et sur les éventuelles résistances qu'il pourrait rencontrer dans son application. Empruntant une telle voie contribuerait indubitablement à la réussite de tout projet de régionalisation. D'où l'importance de se référer aux mœurs locales et aux données nationales au lieu de se contenter de fouiller dans les ouvrages de droit comparé.
S'il est établi que tout projet de régionalisation ne peut être entamé que s'il est replacé dans la globalité sociale, il devient légitime de rappeler que la pratique régionale au Maroc fait partie de sa tradition. Déjà à l'époque précoloniale, les tribus s'organisaient sous forme de ''jmaâs'' en vue de gérer les affaires locales. De nos jours, cette pratique est toujours en cours, mais les ''jmaâs'' se sont modernisées en s'érigeant en associations locales. Dans la plupart des tribus, l'élite établie dans les grandes villes du Royaume, et qui garde des liens étroits avec leur origine, s'organise sous forme d'associations afin de soutenir les grands projets locaux. Citant à titre d'exemple l'Association Rif pour le développement et la solidarité (Arid) qui rassemble des personnalités rifaines ayant pour objectif «la promotion des conditions de vie matérielles et morales de la population de cette région », ou l'Association Idaounidif à quelques kilomètres de Taroudant qui vient d'achever, il y a presque un mois, grâce à l'aide financière de l'INDH et de l'ambassade du Japon au Maroc, un projet routier de désenclavement de la commune rurale Imine Tyarte, située dans une zone montagneuse. Cette même association finance, avec l'implication du maire de Casablanca, Mohamed Sajid, une école coranique « Ozzoune » de la tribu Idaounidif, dont les dépenses dépassent chaque année un 1.000.000 DH. De telles associations disposent de moyens considérables.
Elles sont animées par la fierté d'appartenance à leurs clans, la sincérité de l'engagement et la transparence des intentions. D'où la rigueur qui caractérise l'exécution des projets. Valoriser donc ces identités dans l'unité est la condition sine qua non du succès du nouveau projet de régionalisation. Pour ce faire, il est primordial de revoir le découpage actuel des régions, de façon à ce qu'on tient compte de ces données identitaires et ethniques. Bien entendu, la prépondérance de certaines entités régionales en termes de création de richesses pose problème, mais l'affirmation de soi, en tant que Soussi, Sahraoui, Rifain… stimulerait la compétition et la volonté de trouver des solutions fiables aux crises que connaissent les régions.
