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Un an après le discours d'Obama au Caire...

Eboo Patel
Fondateur et directeur exécutif d'Interfaith Youth Core, une institution basée à Chicago développant le mouvement interreligieux et global des jeunes.

Un an après le discours d'Obama au Caire...
Pradeep Ramamurthy, un haut fonctionnaire de la Maison-Blanche, qui joue un rôle-clé dans la mise en œuvre de la vision que le président américain Barack Obama a énoncée, lors de son discours historique au Caire en juin 2009 qui portait sur le dialogue entre le monde occidental et le monde musulman, n'aime pas qu'on parle d' « initiatives » à propos de cette déclaration du Caire, plutôt que d'actions concrètes: « Il s'agit d'une nouvelle façon de mener les affaires, un nouvel ADN qui détermine l'action du gouvernement [américain] », m'a t-il confié lors du Sommet présidentiel de l'entreprise qui s'est tenu à la fin du mois d'avril dernier.

Autrement dit, il ne s'agit pas de faire la liste des différentes tâches qui découlent du discours du Caire et de cocher les cases, il s'agit d'inviter tous les acteurs à regarder le monde à travers un autre prisme. Et le sommet de l'entreprise - une réunion de travail de deux jours qui a examiné les manières d'approfondir les liens entre chefs d'entreprises, fondations et entrepreneurs sociaux aux Etats-Unis et dans les pays musulmans - a permis de réunir ces acteurs. En réalité, le sommet permet de voir comment la vision d'Obama, exposée au Caire, est en train de se concrétiser.

Fidèle à son style habituel, Obama recherche une intersection entre les valeurs qui sont hautement prioritaires dans le monde et qui servent de terrain d'entente à différentes communautés. L'entreprise est à cette intersection. Le monde a besoin de chefs d'entreprises qui créent de nouveaux produits et services et génèrent de nouveaux emplois. Il a besoin d'entrepreneurs sociaux qui développent de nouvelles institutions pour résoudre les problèmes sociaux.

L'entrepreneuriat est une valeur que partagent les civilisations musulmane et américaine. Depuis les frères Wright, qui ont construit le premier avion, jusqu'à Steve Jobs, le fondateur d'Apple, les chefs d'entreprises sont des personnalités célèbres dans l'histoire américaine. Mais ils sont aussi importants dans l'Islam. Ainsi que l'a déclaré M. Obama lors de son discours au Caire: « Ce fut l'esprit d'innovation qui soufflait sur les communautés musulmanes qui a produit l'algèbre, nos boussoles et instruments de navigation, notre maîtrise de la plume et de l'imprimerie, notre compréhension de la transmission des maladies et des moyens de les soigner ».

Le Sommet a rassemblé des chefs d'entreprises et des dirigeants sociaux de l'ensemble du monde musulman, du Nigeria à l'Indonésie et de l'Arabie saoudite aux Etats-Unis. Peut-être les mots les plus communément employés par les participants ont-ils été « la culture d'entreprise ». J'ai été impressionné par l'énergie, l'intelligence, le pragmatisme et l'autocritique lors des discussions.
Quand il s'agit d'entrepreneuriat, dans une culture de prise de risque, l'échec est bénéfique. Ces trois mots ont été répétés à maintes reprises par certains des chefs d'entreprises les plus prospères présents dans la salle. Dans beaucoup de pays musulmans (ainsi qu'ailleurs), les familles ont un préjugé favorable pour les emplois dans la fonction publique et les carrières professionnelles comme le droit, la médecine, la comptabilité et l'ingénierie.

Trop souvent, la première réponse qu'obtient un jeune à l'esprit créatif dans une société musulmane lorsqu'il propose une nouvelle idée est : « Fais-en ton hobby et tâche d'obtenir un poste de fonctionnaire». Cette attitude ne va pas résoudre les problèmes d'aujourd'hui ni créer les emplois dont nous avons besoin pour demain. Comme l'a déclaré Muhammad Yunus, le fondateur de la Grameen Bank qui offre des microcrédits: « Nous ne devrions pas apprendre aux jeunes à être des demandeurs d'emploi. Nous devrions les encourager à être des entrepreneurs et donc à offrir des emplois».

L'accent a également été mis sur une culture du pluralisme. Dans son remarquable discours d'ouverture, le chef d'entreprise américain Sanford A. Ibrahim a parlé des religions auxquelles appartenaient les différents mentors rencontrés au cours de sa carrière professionnelle, ses collègues actuels et les personnes qu'il conseille. Il a mis un point d'honneur à souligner la connaissance qu'il a des religions que revendiquent ces personnes, le respect que ces religions lui inspirent, pas seulement leur sens des affaires. C'est une leçon qu'il tient de son père musulman qui lui avait dit dans leur ville natale d'Hyderabad : « Ma participation aux fêtes d'autres religions ne me diminue pas en tant que musulman; elle me grandit en tant qu'être humain». Plus j'ai écouté, plus j'ai compris qu'il ne s'agissait pas seulement de l'esprit généreux de M. Ibrahim; c'était une attitude indispensable afin d'obtenir une entreprise florissante et une culture d'entreprise. Pour travailler dans un monde globalisé, il faut être capable de travailler avec des gens d'origines différentes.

Il n'y a pas plus important que le respect de l'identité d'autrui pour construire les bases indispensables à des relations commerciales prospères.
En outre, le talent existe quelle que soit la couleur ou la langue dans laquelle on prie. Ainsi que l'affirmait l'un des participants :
« Je me fiche que ce soit un chat noir ou blanc. Je veux juste un chat capable d'attraper des souris».
Quant à une culture d'éducation, de développement humain et d'éthique du travail, l'homme d'affaires jordanien Fadi Ghandour a déclaré : « La seule ressource renouvelable que je connaisse est le cerveau humain.

Je suis las du débat sur les découvertes de nouvelles ressources pétrolifères ou autres ressources naturelles et sur les nouvelles méthodes pour les raffiner ou les amener sur le marché. Je veux entendre parler de la découverte du pouvoir du cerveau humain et de l'investissement nécessaire pour l'alimenter. Certes, cela coûtera des milliards de dollars, mais jamais des milliards n'auront été aussi bien dépensés».

Améliorer l'éducation est, bien entendu, une ligne commune applaudie par tous. Les cultures musulmanes disposent en abondance de ressources humaines les plus précieuses. Mais Fadi Ghandour est allé un cran au-dessus en soulignant l'importance de l'éthique du travail. Une culture de l'esprit d'entreprise a besoin de personnes désireuses de se retrousser les manches pour imaginer et développer de nouveaux systèmes. Il faut une autre attitude que celle de simplement espérer faire sa place dans les vieilles institutions.
C'est un sommet qui a porté sur de nouvelles recettes, pas uniquement sur la cuisine. Cela montre que la vision du Caire est en train de se concrétiser.

Cet article abrégé est distribué par le Service de Presse de Common Ground (CGNews) avec l'accord de l'auteur.
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