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La version filtrée du traité ACTA

Issue d'un informateur, une version du travail de la section 2 du traité ACTA, «Mesures aux frontières», négocié en secret par une dizaine d'Etats dont le Maroc. Les détails…

La version filtrée du traité ACTA
Intitulée «Border Measures », la section 2 de l'ACTA commence par l'examen de «l'étendue de l'accord».
C'est un texte qui doit fixer les orientations de la politique de lutte contre la contrefaçon, qu'il s'agisse d'objets physiques ou de téléchargement illégal sur Internet, pour les années à venir : une dizaine de pages qui exposent, dans un grand luxe de détails pratiques, le futur fonctionnement des douanes au regard de tous les « biens contrefaisant des droits de propriétés intellectuelles ». Après trois ans de négociations si secrètes qu'on ignorait jusqu'au nom des négociateurs, le public commence enfin à pouvoir prendre connaissance, «fuite» après «fuite», du contenu de l'Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA : Anti-Counterfeiting Trade Agreement). Cet accord-discuté par l'Australie, le Canada, les Etats-Unis, l'Union européenne (UE), le Japon, la Corée, le Mexique, le Maroc, la Nouvelle-Zélande, Singapour et la Suisse- établit une liste de dispositions légales que les futurs pays signataires s'engageront à adopter dans leur droit national (et communautaire, pour ce qui concerne l'UE).

Mesures aux frontières
Intitulée « Border Measures », la section 2 de l'ACTA commence par l'examen de « l'étendue de l'accord». Toutes les parties prenantes s'entendent pour laisser la liberté à chaque pays de ne pas poursuivre le touriste qui transporterait quelques produits contrefaits (CD acheté sur un marché, paire de chaussures “Noke” ou “Adidos”) dans ses bagages personnels.
Les négociateurs de l'UE souhaitent pour leur part que cet article englobe tous les droits « couverts par les ADPIC » (article 2.2 proposé par l'UE) sur des produits « importés, exportés, ou en transit » (article 2.1 UE). Il est à noter que d'autres pays (Singapour, Canada et la Nouvelle-Zélande) estiment que seuls les copyrights et marques déposées devraient être concernées par cette section, et non les brevets. Dans l'hypothèse toutefois où cette section de l'ACTA incluerait les brevets, il est à craindre que le cas, constaté à plusieurs reprises, de containers de médicaments génériques fabriqués en Inde, exportés à destination de pays pauvres, et que la douane avait interceptés au cours de leurs transit via des ports européens, ne devienne la norme.
La suite indique la manière dont les douanes seront mises à la disposition des détenteurs de droits de propriété intellectuelle (DPI) et droits associés.

Biens en transit
L'article 2.6 exige que chaque pays prévoit une procédure par laquelle des détenteurs de droits pourront s'opposer à la sortie de douane de tout bien qu'ils suspectent de violer leurs DPI. Les exemples donnés relèvent de la marque déposée, marque similaire portant à confusion, logiciel piraté, etc. Une note signale que le texte s'étend à tout bien sous copyright ayant été copié sans l'accord des ayants-droits. Maroc, Etats-Unis et Nouvelle-Zélande insistent ici à leur tour sur le fait que ces procédures devront s'appliquer aux biens en transit.
Le fonctionnement de cette procédure est très détaillé : le requérant (le détenteur de DPI souhaitant faire contrôler certains produits aux frontières) devra livrer aux douanes un catalogue d'éléments leur permettant de distinguer les biens piratés de biens légitimes. Mais cela, est-il précisé, ne devra en aucun cas constituer un obstacle « déraisonnable » au recours à cette procédure. Si certains cas ne souffrent pas de contestation (DVD de Windows ne portant pas d'étiquette hologramme, etc.), on peut imaginer que dans des cas plus subtils, ou plus complexes, les abus seront légions. Un article proposé par le Canada et la Nouvelle-Zélande prévoit cependant que la puissance publique pourra rejeter ou suspendre une procédure dès lors que le requérant accumule trop d'impayés (sur les coûts de stockage ou de destruction liés à ses demandes précédentes), ou abuse du processus « par exemple en fournissant des informations fausses ou trompeuses ». Le processus devra être transparent (savoir qui a déposé un dossier devrait être une information publique), tout en respectant le secret commercial (le catalogue précis des éléments permettant de détecter qu'un bien est piraté pourra être tenu secret).

Action ex-officio
L'article 2.7 (Action ex-officio) indique que les autorités compétentes pourront se saisir d'elles-mêmes des dossiers, sans nécessairement attendre qu'un ayant-droit suive la procédure définie ci-dessus.
L'article 2.9 («Security or equivalent assurance ») vise à prévenir les abus, en demandant au requérant de souscrire une assurance, ou un dépôt de garantie, afin d'indemniser les commerçants dont les biens légitimes seraient indûment bloqués en douane suite à la procédure.
De nouveau, est-il précisé, cela ne doit pas constituer un obstacle « déraisonnable» au recours à la procédure. Etats-Unis, Australie, Canada et Nouvelle-Zélande proposent ensuite que pour chaque transport intercepté, une information soit donnée au détenteur de DPI lui indiquant les nom et adresse de l'expéditeur, de l'importateur (ou exportateur) et du destinataire des biens, une description des biens et de leur quantité, et dans la mesure du possible le pays d'origine des biens ainsi que les nom et adresse de leur fabricant.
L'article 2.10 prévoit que chaque pays doit mettre en place une procédure permettant aux douanes d'établir dans un délai raisonnable la licéité d'un bien, que ce soit par un recours au tribunal ou par une procédure dédiée.

De la «Répression»…

S'agissant de la répression: selon l'article 2.11, chaque pays doit s'assurer que les biens saisis peuvent être « détruits ». Aucun pays signataire de l'ACTA ne devra permettre que des biens interceptés puissent être « remis en circulation commerciale » ou « exportés », sauf dans des « circonstances exceptionnelles », non précisées. Par exemple, dans le cas des marques contrefaites, il ne suffit pas d'«ôter l'étiquette»: il faudra passer au broyeur chaussures, vêtements, etc. L'article 2.12 interdit de facturer aux détenteurs de DPI des coûts de destruction trop élevés, et interdit de les faire payer dès lors que l'initiative de la saisie vient des pouvoirs publics.
L'article suivant (non numéroté) prévoit qu'un Etat ne peut être mis en cause par un détenteur de DPI pour avoir échoué à détecter des produits piratés. De même l'Etat ne saurait être contraint à compenser les dommages subis par les personnes visées à l'article 2.6.
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