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Salé au rythme du cortège des cires

Les rues de l'ancienne Médina de Salé sont exceptionnellement animées cet après-midi du vendredi 26 février. Des agents de la police jalonnent les étroites ruelles allant de la Préfecture de Salé jusqu'à Bab Fès. Des balises sont installées tout au long du chemin et la propreté méticuleuse des lieux se fait remarquer.

Salé au rythme du cortège des cires
Les 13 cierges consacrées au défilé sont d'une épaisseur et d'un volume variés et portent différentes inscriptions religieuses et patriotiques…. Reportage photos - Aïssa SAOURI
Salé s'apprête, à ne plus en douter, à accueillir un événement d'envergure : Il s'agit du cortège des cires (appelé également procession des bougies), organisé à Salé chaque année la veille de la fête d'Al Maoulid célébrant la naissance du Prophète Sidna Mohammed. Cette cérémonie se déroulait initialement dans plusieurs villes marocaines, notamment Fès, Marrakech et Salé, mais au fil du temps, la cité des corsaires s'est appropriée cet événement qui constitue aujourd'hui sa fierté. Enfants, jeunes et vieux Slaouis attendent chaque année à la même date ce défilé somptueux des chandelles de cire, fabriquées spécialement pour l'occasion. Dans la cour de l'ancienne mosquée de Bab Fès, les préparatifs vont bon train pour réussir, comme à l'accoutumée, cette manifestation traditionnelle. C'est d'ici que le cortège doit partir juste après la prière d'Al Asr, pour arriver au mausolée Sidi Abdellah Ben Hassoun qui n'est autre que l'initiateur de la procession des bougies et le père spirituel de la Zaouia Hassouniya qui se charge actuellement, à titre exclusif, de l'organisation de cette cérémonie. Hajja Khadija, l'une des Chorfas Hassouniyine regarde avec satisfaction les grandes bougies en forme de coupole, colorées de vert, de jaune et de rouge. « Cela fait 36 ans, pratiquement depuis la date de mon mariage, que je participe assidûment à cette procession. Elle relève des traditions ancestrales de notre Zaouia», confie-t-elle. Les 13 cierges consacrées au défilé sont d'une épaisseur et d'un volume variés et porte différentes inscriptions : le nom d'Allah, du Prohète, de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, de Son Altesse Royale le Prince Moulay El Hassan, de l'Initiative nationale pour le développement humain…

Si la Zaouia Hassounia possède le privilège d'organiser le cortège des cires, la confection des bougies, elle, est du ressort de la famille Belkbir qui en accapare le monopole depuis des générations. « Ma grand-mère, Hajja Chekroun, est la première de notre famille à se dédier à la fabrication des bougies utilisées pour fêter Al Maoulid, il y a près de 50 ans. C'était une très douée artisane, et c'est d'elle que mon père Abdelkader Belkbir et mon oncle ont appris les secrets de cette activité », nous informe Zakaria Blekbir, un jeune homme de 32 ans qui prend part à cet événement depuis sa tendre enfance. En effet, la fabrication des bougies commence un mois et demi avant le grand jour. C'est un travail de longue haleine qui nécessite un important savoir-faire que ce soit pour acheter la bonne cire, la faire sécher, la fondre, la colorer et la verser enfin dans des cadres préparés d'avance. Cette opération coûte des sommes conséquentes allant de 7.000 à 8.000 dirhams, pourvus par le conseil de la Préfecture de Salé. Si cet art de confection des bougies est resté figé au fil du temps et transmis de génération en génération, la décoration des bougies subit d'une année à l'autre des changements considérables. «Chaque année, nous essayons d'innover en matière d'ornements pour nous inscrire dans l'air du temps », indique Zakaria Belkbir.

Outre la décoration, le vent du changement a touché l'organisation même de la cérémonie. «Jadis, c'étaient des hommes pieux, des marins et des artisans traditionnels qui portaient les cierges et conduisaient le cortège. Aujourd'hui, il n'en est plus rien. Cette tâche est confiée à de jeunes bénévoles généralement natifs de la ville», explique le jeune Belkbir.

Départ du cortège
Après la prière d'Al Asr, les Chorfas Hassouniyine se rassemblent, récitent la Fatiha et quelques versets du Saint Coran, avant de donner la permission du départ du cortège. A tour de rôle, des jeunes vêtus de costumes traditionnels portent les chandelles, de la plus grande jusqu'à la plus petite. En fanfare, le cortège sort de la mosquée et s'engage dans les étroites ruelles de Bab Lekhmiss, frayant difficilement son chemin parmi la foule en effervescence.
C'est un spectacle envoûtant que donnent alors les troupes folkloriques de Gnaoua et de Abidat Rma qui rehaussent le ton de cette cérémonie avec leurs costumes distinctifs et leurs tambours et trompettes dont les coups résonnent fort dans le ciel de Salé. En cortège, de petites filles habillées en jeunes mariées saluent de leurs mains la foule grouillante qui se bouscule pour prendre des photos immortalisant l'événement ou simplement pour avoir une meilleure vue du défilé. Rassemblés dans les balcons et les terrasses des maisons, d'autres regardent avec un vif intérêt le convoi qui avance lentement mais à pas sûrs vers le mausolée de Sidi Abdellah Benhassoun qui abritera à l'occasion une soirée de chants religieux et d'invocations pour finir en beauté la énième édition de la séculaire procession des bougies.

Une tradition séculaire

L'organisation du cortège des cires serait vieille de quatre siècles. Les histoires racontées de génération en génération veulent que cette tradition soit ramenée de la Turquie, en période de règne des Ottomans. Lahbib El Assal, un Slaoui quadragénaire qui participe depuis sa jeunesse au cortège des cires, confirme cette information. « C'est le Sultan Abdelmalek Essaâdi qui a institué cette tradition au Maroc. En visite à Istanbul, il a assisté à la cérémonie de célébration de la naissance du Prohète qui comportait un défilé des bougies, et, fasciné, il a décidé de l'organiser au Maroc », nous explique-t-il. De leur part, les Chorfas Hassouniyine considèrent leur ancêtre Abdellah Benhassoun comme étant le véritable initiateur de cette tradition qui avait, outre sa connotation religieuse et folklorique, « une dimension patriote, dans la mesure où elle constituait un outil de lutte contre le protectorat et un moyen de prouver l'attachement des Marocains à leurs racines et à leurs constantes », indique l'un des Chorfas Hassouniyine.
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