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La statistique,comme la langue d'Esope

Une discipline qui exige de veiller à la rigueur et à la transparence des méthodes et des outils.

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Dans la mythologie grecque, Xanthos, le maître d'Ésope, demande à ce dernier d'aller acheter, pour un banquet, la meilleure des nourritures. Ésope ne ramène que des langues qui serviront d'entrée, de plat, de dessert au point de rapidement dégoûter les invités. Quand on presse Esope d'expliquer son choix, il répond : «Mais la langue est la meilleure des choses. C'est le lien de la vie civile, la clef des sciences, avec elle on instruit, on persuade, on règne dans les assemblées...» «Xanthos lui demande alors d'acheter pour demain la pire des choses ! Ésope achète encore des langues, disant que c'est la pire des choses, la mère de tous les débats, la nourrice des procès, la source des guerres, de la calomnie, du mensonge… de propagande. Il en va ainsi de la statistique qui peut être la meilleure et la pire des choses. C'est d'abord, bien sûr, le meilleur outil d'évaluation des politiques publiques, c'est un véritable service public, qui en période de crise et de défis permet d'anticiper des réponses et des innovations et d'être proactif. Sans les statistiques produites par les différents services de statistiques de l'Etat, on ne pourrait répondre aux questions qui éclairent la réalité économique et sociale du pays. Sans elles, il serait difficile de bâtir des politiques publiques cohérentes ou d'être réactifs aux différentes évolutions.

Tous les intervenants, très nombreux, à la journée organisée par le HCP sous le thème «au service du développement économique et social, une statistique aux normes internationales» l'ont mis en exergue chacun à sa manière déclinant les méthodes qui permettent à la statistique publique de décliner au mieux, les politiques agricoles, environnementales, financières. Reste, comme l'a souligné Abdelatif Jouahri gouverneur de la Banque centrale, que la statistique est aussi source de «conflit et de dialectique entre les systèmes». En d'autres termes, la statistique dépend aussi d'institutions politiques, elle en porte l'empreinte et de ce fait peut-être soumise à des tensions entre différents impératifs idéologiques ou mercantiles. Un exemple ? Une étude publiée récemment dans le British Medical Journal remet en cause la fiabilité des statistiques relatives à l'épidémie de Grippe A qui avait, on s'en souvient, bouleversé le monde. Les auteurs de l'étude, épidémiologistes à l'Imperial Collège de Londres, font état «d'interprétations «simplistes» des chiffres, des résultats récoltés à travers le monde et d'approximations biaisant les résultats de la collecte de données relatives à la grippe A». On pourra se demander si les sources d'erreur, en fait de véritables manipulations, n'étaient pas volontaires pour permettre aux grandes industries pharmaceutiques de faire des bénéfices faramineux sur le dos des patients. Que faire alors pour renforcer la qualité ?, exiger de la compétence et de l'expertise des statisticiens, veiller à la rigueur et à la transparence des méthodes et des outils utilisés, se préoccuper de la qualité des productions, à leur visibilité et lisibilité. C'est la démarche adoptée dans le Code des bonnes pratiques de la statistique européenne qui sert aujourd'hui de référence aux organismes publics européens et qui intègre une dimension déontologique. Peu à peu et comme pour le secteur financier et bancaire, des règles reconnues internationalement visant à garantir la qualité des statistiques ont émergé. En 1994, la commission statistique des Nations unies avait adopté les principes de la statistique officielle qui fonde toute société démocratique. Il reste à les décliner.
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