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L'USFP et Forces Citoyennes déclinent leurs visions

Ils devaient être trois, nous n'avons pu avoir que deux. En effet, notre tout récent Forum devait connaître la participation de Mme Zoubida Bouayad, chef du groupe USFP à la deuxième Chambre, Abderrahim Lahjouji, président du parti des Forces citoyennes et Abdelkarim Benatik, chef de file du parti travailliste. Mais, pour des raisons de santé, ce dernier n'a pu être des nôtres.

L'USFP et Forces Citoyennes déclinent leurs visions
PH. SEDDIK
Du coup, c'était la parité homme-femme qui a prévalu. Poursuivant donc la série de «90 minutes pour convaincre», le Groupe Maroc continue de relayer les avis des uns et des autres sur les évolutions que connaît la scène politique nationale. Et ce, au moment où les différent partenaires ont remis leurs propositions à la Commission chargée de la révision de la Constitution. Passionnant, le débat avec Z.Bouayad et A.Lahjouji a été néanmoins instructifs quant à la vision que développent ces deux formations politiques. Ceci pour la forme.

Au chapitre du fond, on retiendra que Mme Bouayad, tout en s'inscrivant dans l'avenir, insiste tout de même sur le fait qu'il y a une carence en termes de connaissance de l'histoire politique. Du coup, elle ouvrira sa pérception des récentes évolutions en jetant un coup d'œil sur cette même histoire, tout en s'appesantissant sur les prises de position de l'USFP, et celle de l'UNFP avant la scission, quant à la question de la Constitution. Un arrêt sur étapes d'où découle la conclusion que « l'USFP considère que la réforme de la constitution est primordiale, mais ne peut garantir les résultats escomptés sans que ce soit accompagné de réformes politiques touchant les partis.

Tout en émettant, sans les dire, quelques réserves quant à la centralité de l'approche «historiste», A.Lahjouji estime que «nous sommes dans un monde qui obéit à des considérations numériques où le retour en arrière n'est plus permis». Notre invité recadre les termes du débat en relevant que «le discours du 9 mars a ouvert des horizons pour les réformes et mis en place une vision pour montrer le chemin. Le Roi a été clair à propos de l'incontournable réforme constitutionnelle laissant aux partis, associations et tous les acteurs de la société le soin des détails via leurs propositions». Sur la même lancée, la chef de file des Conseillers du parti de la rose notera que «nous avons appelé à une rupture avec le passé. Nous estimons qu'il y a la phase d'avant le 9 mars et celle d'après cette date».
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LE MATIN FORUM : Pour commencer, quelles lecture faites-vous de l'évolution qu'a connue la scène politique au Maroc, à la lumière, notamment, de l'apport du Mouvement du 20 février et du Discours royal du 9 mars ?

ZOUBIDA BOUAYAD : Permettez-moi de faire trois remarques capitales. D'abord nos jeunes ne connaissent pas l'histoire politique de leur pays. À ce propos, je reviens au premier projet de la Constitution de 1961 lorsque l'UNFP avait demandé, dans une lettre adressée à feu S.M. le Roi Hassan II, l'élection d'un Conseil constitutionnel. Hassan II avait répondu alors qu'il était prématuré d'aborder la question. Il s'en est suivi que la démarche de l'UNFP vis-à-vis de la Constitution de 1972 était celle de l'opposition. À cette époque, mon parti (ndlr UNFP) avait demandé l'inclusion de certains articles pour garantir plus de démocratie, de justice sociale et de droits de l'Homme. Il a mis en avant plusieurs principes qu'il a défendus jusqu'à l'avènement de la Constitution de 1996. Le vote favorable de l'USFP à cette Constitution était plutôt politique, pas sur le contenu, mais plutôt pour libérer une nouvelle dynamique, qualifiée de période de l'alternance. Ensuite, il y a lieu de poser la question de la raison d'être des réformes constitutionnelles. Je tiens à rappeler que notre parti a envoyé une lettre au Souverain à ce propos le 8 mai 2008. Aujourd'hui, il s'agit d'accélérer le rythme des réformes, liées à l'environnement mondial, arabe et national, y compris le Mouvement du 20 février et l'implication des partis dans cette dynamique.
L'autre remarque que je fais a trait à la place des réformes dans la dynamique politique. L'USFP considère que la réforme de la Constitution est primordiale, mais on ne peut garantir les résultats escomptés. Ces changements ne sont pas accompagnés de réformes politiques touchant les partis. Enfin, la question qui se pose avec acuité aujourd'hui est : comment instaurer un climat de confiance et de crédibilité au sein de notre pays ? Car qu'il s'agisse du gouvernement, des partis ou du Parlement, le citoyen a perdu confiance. Ce phénomène est dangereux pour un pays qui ne dispose pas de ressources naturelles et doit compter sur l'élément humain pour son développement. Nous sommes donc tous appelés à saisir l'opportunité sans tergiverser pour instaurer une ambiance propice au développement.

ABDERRAHIM LAHJOUJI : Nous sommes dans un monde qui obéit à des considérations numériques où le retour en arrière n'est plus permis. Chaque événement trouve immédiatement son écho dans le monde. Nous sommes donc dépassés par les événements et la vitesse à laquelle ils ont lieu. Au Maroc, les jeunes sont concernés par ce qui se passe autour d'eux. Ils sont influencés culturellement et subissent en même temps les pressions de la détérioration de la situation sociale, politique et institutionnelle. Résultat, le citoyen n'a plus confiance dans tout ce magma. Il y a eu aussi un déficit en solidarité. Le cumul de tout cela a fini par créer un climat qui a donné lieu ensuite au Mouvement du 20 février. Ce dernier a incarné tout ce que les Marocains ont voulu exprimer durant plus de 20 ans au sujet de nombre de déficit dans la justice, la santé, l'enseignement, l'administration…
À mon sens, ce mouvement a libéré la société en lui permettant d'exprimer ses droits et j'en félicite les jeunes du 20 février qui ont ouvert une autoroute pour les réformes. J'espère qu'ils continueront à garder leurs valeurs et la manière pacifique avec laquelle ils agissent. Car nous ne voulons pas de glissement à la tunisienne ou à la libyenne. Le Maroc a ses racines et son histoire. En plus, le Discours du 9 mars a ouvert des horizons pour les réformes et mis en place une vision pour montrer le chemin. Le Roi a été clair à propos de l'incontournable réforme constitutionnelle, laissant aux partis, aux associations et à tous les acteurs de la société le soin des détails via leurs propositions. Je considère que l'initiative royale est courageuse et qu'elle incite à une bonne mutation que l'on ne doit pas rater.

Ne pensez-vous pas que les partis doivent faire leur mea-culpa, puisqu'ils ont omis leur rôle essentiel, celui d'être à l'écoute de la société au profit de la participation au pouvoir ?

Zoubida Bouayad : Je vais répondre en apportant l'exemple de mon parti l'USFP qui a vécu l'expérience de l'alternance avec Abderrahmane Youssoufi. Je voudrais rappeler son intervention à Bruxelles lorsqu'il a parlé de l'existence de poches de résistance et de la prise de décision qui n'est pas toujours entre les mains du gouvernement. Dans cette même veine, les propositions de l'USFP interviennent dans le sens du renforcement de la position du Premier ministre avec des prérogatives bien précises. C'est un processus qui a marqué la scène politique au Maroc depuis longtemps déjà, avec le multipartisme qui n'existe dans aucun autre pays arabe. Le Maroc a toujours été en avance, de ce point de vue, sur ses voisins en Afrique et par rapport aux pays arabes. C'est ce qui a abouti aujourd'hui au statut avancé dont le Maroc bénéficie avec l'UE. Dans le même sillage, je cite l'accord de partenariat démocratique entre les Parlements marocain et européen en plus de plusieurs avantages dont le Maroc a bénéficié grâce à sa consécration des principes et valeurs de la démocratie. Or la question qui se pose aujourd'hui est : quelles sont les raisons du repli de l'action partisane au Maroc durant les dix dernières années ? La lecture que nous faisons au sein de l'Ittihad a trait à l'arrêt qu'a connu la démarche démocratique en 2002. Cette situation s'est traduite par un tiraillement au sein de l'USFP au sujet de son retrait ou de son maintien au sein de la majorité gouvernementale. Car si le citoyen n'était pas satisfait du travail du gouvernement d'alternance, il ne savait pas non plus que la prise de décision n'était pas de son ressort. Et pour être critique, même vis-à-vis de nous-mêmes, je rappelle qu'à l'époque Abderrahmane Youssoufi avait regretté de n'avoir pas communiqué sur la question et dit toute la vérité. En l'absence de logique démocratique, le citoyen ne trouvait plus de raison valable d'aller voter dans des élections coûteuses, mais dont l'issue est scellée d'avance. De ce fait, le citoyen a perdu toute confiance dans tout ce qui a trait à la politique, aux partis et aux élections.

Toutefois, la participation de l'Ittihad durant presque une douzaine d'années au gouvernement n'a pas été exempte de responsabilité dans cette situation que vous décrivez…

Zoubida Bouayad : Certes, la responsabilité des personnes est avérée, mais là je parle d'un parti dans son ensemble. Car la fin de la logique démocratique a mis le parti dans une situation difficile. L'année 2008 a été aussi caractérisée par l'avènement d'un mouvement qui a été la pépinière pour la création d'un nouveau parti. Ce dernier a cherché pendant un temps à devenir le parti unique, à l'image de ce qu'ont été les partis dirigeants en Tunisie et en Égypte. Ce nouveau parti n'a pas tardé à provoquer une embrouille dans la scène politique au Maroc.

Vous critiquez aujourd'hui ce parti mais vous avez tout de même accepté sa participation au gouvernement et le soutien de son groupe parlementaire qui a été créé après les élections. Est-ce que vous ne pensez pas que vous avez également participé à cette situation ambigüe ?

Permettez-moi de vous rappeler que j'ai investi la scène politique alors que j'étais encore étudiante à la faculté de médecine en 1961. Depuis, j'ai gravi tous les échelons mais je n'ai jamais rencontré une ambiguïté similaire à celle que nous avons vécue durant les six dernières années. Nos politiques n'arrivaient plus à comprendre ce qui se passait…

Vous avez parlé du militantisme et de la vision et vous vous dites également que ce parti nouveau a créé une ambiguïté. Mais nous constatons que des figures et des militants de l'USFP n'ont pas hésité à rejoindre cette nouvelle formation politique. Quelle est la place des principes et des convictions dans cette transhumance ?

Je vais vous répondre par une question. Est-ce que vous avez lu on entendu une seule déclaration de notre premier secrétaire en tant que porte-parole du parti qu'il soutient… ?

Nous ne cherchons pas à savoir si l'USFP soutient ce parti ou un autre mais nous constatons depuis les élections de 2002 que votre parti souffre d'une certaine faiblesse et d'une hésitation entre la volonté de rester au gouvernement ou de le quitter. Vous avez également dégringolé à la cinquième position après les dernières élections de 2007. Pourquoi alors le parti n'a pas pris les positions nécessaires pour redonner à l'USFP sa place et s'est contenté de brandir la carte des réformes politiques dans le cadre d'une surenchère politique ?

Nos positions ne sont peut être pas claires pour vous parce que nous ne communiquons pas suffisamment avec les citoyens justement à travers les médias. Dans la politique, la déclaration d'une seule personne ne peut en aucun cas concerner tout le parti. Vous avez évoqué les opportunistes mais qui a mis en place les conditions adéquates pour eux ? Qui a tenté d'infiltrer des partis politiques ? Il ne faut pas oublier que le dernier congrès de l'USFP s'est déroulé en deux manches. Les journalistes étaient présents et ont pu constater ce qui s'est passé. Certaines personnes avaient alors tout fait pour créer des fissures dans le parti. Ceux là ont buté sur la ferme volonté des militants usfpéistes qui les ont expulsés afin remettre de l'ordre dans les structures internes.

Quel est votre commentaire M. Lahjouji concernant la scène politique dans son état actuel ?

Abderrahim Lahjouji : Je pense qu'il existe plusieurs lectures et non pas une seule. Mais sur la base de mon engagement politique avec un parti qui a donné naissance à plusieurs autres formations politiques et de mon expérience entrepreneuriale, j'ai constaté avec plusieurs autres amis que la défense de la dignité humaine passe d'abord par l'amélioration du pouvoir d'achat. Nous avons constaté également que le discours politique devait changer pour devenir plus fort et plus direct. C'est pour cette raison que nous avons décidé de créer un parti que nous avons baptisé les Forces Citoyennes. Car nous avons relevé en 2000 que le citoyen avait besoin de mobilisation, d'encadrement sur les principes de la citoyenneté parce que nous avons la certitude que la transition vers la démocratie ne peut se faire que sur la base des valeurs comme la dignité, la transparence et l'honnêteté. Ce sont des valeurs qu'il faut enraciner dans les comportements des citoyens marocains. Nous avons défini les principes de notre parti sur cette base. Nous l'avons conçu en effet comme un cadre pour militer pour l'amélioration des conditions politiques, économiques et sociales de nos concitoyens. Nous ne sommes pas comme les grands partis sur l'échiquier politique marocain car nous militons depuis une durée relativement limitée mais nous avons la certitude que nous sommes capables de présenter une vision claire pour assainir le secteur économique et dissiper l'ambiguïté sur l'action politique et surtout permettre au citoyen marocain de mener une vie digne à travers l'amélioration de son pouvoir d'achat. Malheureusement en voulant concrétiser ces visions, les vrais obstacles commencent réellement. En dépit de tous les slogans scandés pour demander plus de transparence, d'équité et d'honnêteté, nous assistons à une course effrénée pour des intérêts privés au détriment de l'intérêt général. Si nous avions voulu intégrer le Parlement avec plus de 40 élus, croyez-moi, nous l'aurions fait. Cela nous aurait tout juste demandé d'octroyer des accréditations à des personnes corrompues. Nous avons également décidé d'expulser d'autres personnes qui avaient tenté d'utiliser des méthodes frauduleuses pour gagner aux élections. Notre objectif était d'exercer la politique selon une méthode saine. Nous avons été pénalisés à plusieurs reprises par des pratiques qui n'ont rien à voir avec la politique. A chaque fois que nous avons réussi à décrocher un siège aux élections, l'élu ralliait un autre parti 48 heures après. Malheureusement, l'Etat n'a rien fait pour changer la situation. Mais aujourd'hui, il est possible d'aspirer à un avenir meilleur après le discours royal du 9 mars.

Le peuple marocain a condamné ces pratiques. A peine 28% des électeurs sont allés aux urnes pour voter. Comment les partis politiques comptent-ils rétablir la confiance de l'électorat ?

Lahjouji : Après le discours du 9 mars, nous avons eu un nouvel espoir. Chacun de nous quelle que soit sa position dans la société doit jouer un rôle pour renforcer les réformes et tourner la page. Nous devons dire à tous les personnes corrompues et les partis politiques qui les acceptent dans leurs rangs que la situation actuelle ne permet plus le recours aux pratiques du passé. Nous devons aussi promouvoir les vraies valeurs de la démocratie dans les usines, aux écoles, dans les maisons, dans la rue et à travers les médias.

Quelles sont les mesures concrètes pour restaurer la confiance des électeurs ?

Zoubida Bouayad : les gens attendent des actions concrètes. Dans ce sens, la communication est très importante. Nous devons dire à l'opinion publique que nous sommes prêts pour aborder cette nouvelle étape. Nous organisons des réunions partout dans les villes et à la campagne. Nous sommes allés à la rencontre des militants qui veulent savoir réellement ce qui se passe dans leur parti. Nous avons organisé des rencontres dans plusieurs villes ainsi que dans les pays européens. Et nous avons constatés que les gens croient de plus en plus en l'action politique après le discours du 9 mars. Ils devaient savoir que nous avions les poings liés auparavant. Certains membres de notre conseil national appelaient à quitter le gouvernement mais nous avions un engagement moral dans le cadre de la Koutla. Pour revenir à votre question, nous nous comptons sur les militants et non pas les adhérents. Il existe une grande différence entre les deux.

Vous parlez d'un engagement moral avec le parti de l'Istiqlal alors que votre engagement vis-à-vis des masses méritait également d'être respecté. Les manifestants ne vous demandaient pas d'honorer votre engagement avec la Koutla mais ils demandaient de combattre la corruption et la dépravation. Quel est votre avis ?

La pression de la rue est un peu complexe puisque sa composition est un peu disparate avec des jeunes, des personnes âgées et autres. Parmi les jeunes, il y a ceux qui sont encadrés et militent dans les partis notamment progressistes et ceux qui ne le sont pas. Plusieurs membres du bureau politique du parti étaient présents également. Nous sommes avec les revendications pour la lutte contre la corruption mais il faut le faire avec des moyens réglementaires prévus par les lois. Il ne faut pas également en profiter pour régler des comptes sous prétexte de lutte contre la corruption en brandissant des portaits et en scandant des formules comme «dégage». Les jeunes peuvent le faire avec spontanéité sans en mesurer les véritables dimensions. Ainsi, nous sommes avec la lutte contre les corrompus à commencer par ceux qui sont membres de notre parti. Concernant notre engagement avec la majorité gouvernementale, c'est un engagement moral. Quand on pratique la politique, nous plaçons la sécurité du pays et des citoyens au premier rang. L'intérêt de la nation nous impose de rester dans le gouvernement.
Nous sommes responsables et nous devons de ce fait évaluer l'impact et les résultats avant de prendre les décisions.

Vous avez évoqué M. Lahjouji, la volonté de tourner la page du passé. Est-ce que vous pensez que les partis politiques ont le courage d'assainir leurs structures internes des potentiels responsables corrompus et opportunistes ?

Abderrahim Lahjouji : Le mouvement contestataire dans la rue est composé de plusieurs couches sociales qui ne sont pas forcément homogènes. Le citoyen a le droit d'exprimer son opinion et nous devons le respecter. Cette colère est l'expression d'un cumul de plusieurs années de corruption et de frustration. Nous ne pouvons réellement faire aboutir la nouvelle constitution même si elle est écrite par les anges si nous ne nous débarrassons pas des personnes corrompues et des pratiques du passé qui portent un sérieux préjudice au processus démocratique. Nous avons laissé de côté ces dysfonctionnements sans poursuivre leurs auteurs. Il est inconcevable de tailler une nouvelle tenue pour un corps déjà ravagé par des tumeurs. En effet, la nouvelle constitution est une nouvelle tenue qui mérite un nouveau corps. Les corrompus doivent quitter le lieu. La corruption est répandue dans le pays. Je suis opérateur dans le secteur privé et croyez moi, il est vraiment honteux d'avoir aujourd'hui encore affaire à ce genre de pratiques. Si le gouvernement ne donne pas l'exemple en demandant des comptes à ces corrompus, la confiance ne sera pas rétablie. Nous vivons un véritable tournant et j'espère que nous allons couper court avec le passé et ses pratiques. En parallèle avec la réforme constitutionnelle, il faut donc adopter des mesures concrètes pour lutter contre les «mauvaises graines» et mettre à leur place des personnes dignes de confiance. Le débat doit rester ouvert notamment sur les chaines de télévision publiques pour rétablir la confiance des citoyens sur la chose publique. Nous avons été contactés par des jeunes « facebookers » qui voulaient rejoindre notre parti. Ce sont des jeunes responsables et mûrs. Nous devons tous faire pour restaurer la confiance car le peule l'a perdue.

Je pense qu'on a une autre opinion là ?

Zoubida Bouayad : Je suis tout à fait d'accord avec M. Lahjouji. Car l'une des premières remarques c'est comment faire pour réinstaurer la confiance.

Mais, est-ce qu'on doit pour autant procéder à une chasse aux sorcières ? Et sur quoi va-t-on se fonder pour cela ? Sur le rapport de la Cour des comptes… ?

Nous avons confiance en la justice. Car, on ne peut pas appeler à l'indépendance de la justice et son rôle à jouer et en même temps laisser croire qu'on n'a pas confiance en cette institution.

Mais, est-ce que vous parlez de la justice telle qu'elle est actuellement ou comme elle sera dans l'avenir ?

Bien sûr, nous avons appelé à une rupture avec le passé. Nous estimons qu'il y a la phase d'avant le 9 mars et celle d'après cette date.

Quelles sont les garanties ?

Tout le monde en est responsable.
En ce qui concerne les partis politiques, il faut qu'il y ait des réformes qui accompagnent cette constitution. Il y a d'abord une responsabilité de l'Etat, c'est inévitable. L'Etat ne doit plus interférer dans les affaires internes des partis. Il faut donc une indépendance des formations politiques, c'est essentiel. Maintenant, si l'on découvre des faits qui dénigrent un membre de ces formations et qu'il y a des preuves à l'appui, si son parti a l'audace de le présenter à la justice, ce sera une bonne chose. Je pense que dans le contexte de ce divorce avec l'ère d'avant le 9 mars, les partis ne doivent plus donner d'accréditation, lors des élections, aux candidats dépravés. Même si cela doit les conduire à ne pas remporter le nombre de sièges souhaité. Mais, en contrepartie, ils vont avoir des candidats à la hauteur de la responsabilité qui vont servir les intérêts des citoyens.

Ne craignez-vous pas que des formations politiques tournent le dos à ce principe et recourent aux notables et aux dépravés pour les présenter aux élections pour avoir le maximum de sièges ?

Ces formations doivent alors assumer leur responsabilité. Ceci dit, je dois préciser que les notables sont de deux types. Il y a des individus qui ont assez de moyens, des hommes d'affaires qui agissent en toute probité, payent leurs impôts… ce sont aussi des notables. Nous avons au sein du parti ce genre de notables. Il y a l'autre type de notables. Des trafiquants de drogue, illettrés… et qui sont aussi qualifiés de notables. Donc, il ne faut pas tout mettre dans le même sac.

Nous parlons des éléments pervertis

Chez-nous, à l'USFP, les adhérents passent par un tamis. Il y a d'abord la circonscription qui doit donner son avis au sujet des candidats aux élections, la province aussi, la région, car c'est elle qui les propose au bureau politique. Même au sein de ce bureau, il y a une commission qui décide et qui donne les accréditations… Système qui réduit les risques de l'introduction des corrupteurs au sein du parti.
Or, je pense que les partis politiques ont un rôle très important à jouer dans le cadre de l'octroi des accréditations pour les élections et ils doivent bien choisir à qui les accorder.

Justement, dans votre mémorandum, avez-vous élaboré des propositions de nature à donner une place de choix aux formations politiques, pour renforcer leur indépendance et limiter les mauvaises pratiques ? Et quelles sont vos autres propositions ?

Dans notre mémorandum, nous avons insisté sur l'indépendance des partis et appelé à revoir la loi sur les partis politiques. Car, l'on a à l'esprit ce qu'avait soulevé comme tollé l'article cinq de cette loi concernant la transhumance. D'ailleurs, nous avons déposé un projet d'amendement de ce texte et qui a pris sa voie procédurale normale. Nous avons aussi appelé à revoir le code électoral ainsi que le découpage dans le cadre de la régionalisation. Egalement, nous avons proposé des amendements en ce qui concerne les listes électorales.
Donc, ces réformes d'ordre politique qui doivent accompagner le reste des réformes sont essentielles.
Dans nos propositions, nous avons suggéré que le mandat de chaque député soit le même dans les deux chambres. Les structures de chaque chambre ne peuvent changer qu'au terme de chaque mandat. La liste de chaque groupe parlementaire doit être déposée lors de l'ouverture du Parlement, puis, plus aucun député n'aura le droit de changer de groupe parlementaire.

Et s'il le fait ?

S'il le fait, il perd sa députation et quitte le Parlement. Ceci, va peut être mettre un terme à ces problèmes de transhumance. Ceci va permettre aussi de mettre un terme à cette forme de crispation à laquelle on assiste au début de chaque ouverture du Parlement en octobre. Il y a une bataille pour la présidence des groupes parlementaires, des commissions…
Il faut donc réfléchir à des mécanismes pour les réformes politiques à travers des textes législatifs afin de mettre un terme à cette dépravation électorale. Lorsqu'on met des garde-fous il devient difficile de les outrepasser par ceux qui sont de mauvaise foi.

Et vous M. Lahjouji, quelles sont vos offres par rapport à cela ?

Aderrahim Lahjouji : En tant que petit parti, petit par rapport à son ancienneté, nous n'avons pas encore procédé à l'élaboration de propositions aussi précises. Mais, nous sommes d'accord qu'il faut régler cette question de transhumance à travers la constitution. Il faut interdire formellement la transhumance. Si un député cherche à changer de couleur politique il doit démissionner du Parlement. Plus que cela, l'organisation de nouvelles élections pour ce siège doit se faire sur son compte. Cela se fait dans certains pays.
Car, on ne peut plus, aujourd'hui, parler de responsabilité sans reddition des comptes. Nous sommes dans un monde mondialisé, davantage performant, davantage transparent, davantage éthique… Même les normes internationales exigent des valeurs éthiques. Car, il faut voir comment les pays sont classés. Raison de plus au niveau national, dans des mécanismes institutionnels. Il faut instaurer des règles et des garde-fous pour que la responsabilité entraîne immédiatement la reddition des comptes.
En ce qui concerne la Chambre des conseillers, il faut revoir sa composition ainsi que ses attributions. Car, dans le cadre de la nouvelle vision de la régionalisation, il faut donner la prééminence à la première chambre pour avoir les attributions législatives à tous les niveaux à l'exception de ce qui concerne la régionalisation. La deuxième chambre est appelée, elle, a être un élément fort pour le développement.

Qu'en est-il des autres propositions ?

En ce qui concerne le pouvoir exécutif incarné par l'institution du Premier ministre, nous estimons qu'il est nécessaire aujourd'hui que le chef du gouvernement assume toutes les responsabilités. C'est lui qui doit proposer à Sa Majesté le Roi, les ministres, il se charge de la nomination de tous les directeurs, les hauts fonctionnaires… Car, j'estime que nous avons abordé un cycle et un contexte où l'erreur n'est plus permise. Nous sommes dans une industrie numérique, chaque faux pas est répercuté une heure après et vous avez quelqu'un qui lève le doigt en disant je veux des comptes. Je veux épargner l'institution monarchique. Nous sommes des monarchistes, le Roi n'a pas à nommer les hauts fonctionnaires, c'est du ressort du Premier ministre et donc il en assume la responsabilité. Dans le cas d'une erreur, il doit être poursuivi et doit rendre des comptes à la nation. Je dis donc, en toute responsabilité, l'institution monarchique ne doit plus assumer la responsabilité des hauts fonctionnaires. Bien sûr, c'est le Roi qui les nomme au Conseil des ministres sur proposition du Premier ministre mais c'est ce dernier qui en assume la responsabilité. Il faut donc respecter l'inviolabilité de l'institution monarchique.
Concernant le pouvoir législatif, dans une démocratie qui cherche à se développer, dans une économie qui cherche à maintenir sa performance, dans une société qui cherche à élever le niveau de moralité, on doit donner toutes les possibilités aux représentants de la nation pour qu'ils jouent pleinement leur rôle. Il faut améliorer le pouvoir législatif, le pouvoir de contrôle, le pouvoir de questionnement. Malheureusement, je n'ai jamais été député, je suis rentré deux fois, en tant que visiteur au Parlement… mais je vois que nous sommes très bien représentés.
Or, aujourd'hui, si vous voulez contrôler réellement le gouvernement dans la pratique quotidienne et dans l'exercice de ses fonctions, il faut donner la possibilité aux parlementaires de le questionner. Dans le cas actuel, il très difficile d'appeler un ministre devant les représentants de la nation et l'amener à rendre compte de ses activités. Aujourd'hui, il faut le faire. Cela doit être faisable à partir de trente ou quarante députés. Nous avons laissé le soin aux grands partis, qui ont l'expérience au Parlement, de définir les détails dans ce sens. Mais, il faut que chaque ministre soit prêt à rendre compte à la nation. Ceci est de nature à améliorer ses performances et de le protéger contre tout dérapage. Car, si on le laisse s'enfoncer sans être questionné, sans être contrôlé et sans qu'il soit obligé de rendre compte, à la fin du mandat, les dérapages auront déjà eu lieu.
En ce qui concerne la mention de censure, il faut la ramener à un tiers au lieu de 51 % des parlementaires. Comme ça, le gouvernement saura qu'il a fait des engagements sur le fil du rasoir.

Cela ne risque-t-il pas de fragiliser le gouvernement ?

Non. Parce que si le tiers peut l'interpeller, il faudra 51% des voix pour faire tomber le gouvernement. Après le débat, s'il s'avère que ce gouvernement a été défaillant il sera possible de le faire tomber par la majorité. C'est cela la démocratie.
Nous proposons aussi, dans le cadre des mécanismes de contrôle, de donner la possibilité à 1000 citoyens par exemple, d'interpeler la chambre constitutionnelle par rapport à un texte qui est en contradiction avec la constitution. Nous relevons des aberrations durant toute l'année, il faut donc renforcer le statut de l'opposition et donner la possibilité aux citoyens d'agir. C'est le cas par exemple en Suisse où 100 citoyens peuvent interpeller un ministre. Il faut donner l'opportunité à nos citoyens ou une masse de citoyens d'interpeller la chambre constitutionnelle sur une loi.

Zoubida Bouayad : En ce qui concerne la méthodologie suivie s'agissant des réformes constitutionnelles, il y a deux instances qui sont mises en place. Il faut voir la méthodologie menée par les deux commissions dans leur conduite avec les partis. Au début, c'était les premières séances de cadrage politique, avec la commission technique et avec la commission politique. Maintenant, on écoute toutes les tranches sociales, politiques, syndicales… Dans l'étape suivante, c'est aux partis politiques, à travers ce débat qui était général, de faire, chacun, un tableau de bord et de voir s'il se retrouve dans les propositions d'autres formations politiques. Ce qui va permettre de relever les points concernant lesquels il y a unanimité. Ce qui va conduire à faire une pression politique pour les constitutionaliser.

Pourquoi n'avez-vous pas procédé de la sorte au sein de la Koutla ?

Si, nous travaillons dans ce sens et il y a des réunions qui sont programmées. Les premières réunions ont servi à déterminer la plate-forme politique et l'orientation politique. Mais, par la suite, il faudra bien qu'on rentre dans les détails. Par exemple, dans notre mémorandum, nous proposons la création du Haut conseil pour les femmes. Les ONG féministes ont proposé le Haut conseil pour l'égalité. Nous avons estimé que c'est une bonne idée. Il se peut ainsi que dans notre mémorandum final, nous appelons à la création de ce conseil.
Donc, je reviens à la méthodologie avec laquelle on travaille pour la mise en application de ces réformes, elle est très bien.
L'arbitrage sera entre les mains de Sa Majesté. Mais, quand il verra que la majorité des partis politiques a convergé concernant une idée qui est dans l'intérêt du pays on arrivera à la constitutionaliser. C'est après que sera décidé le jour du référendum qui aura lieu, certainement en septembre. Car, en juillet les gens devront aller se reposer de tout cela, en août ce sera ramadan et en septembre aura lieu, certainement le référendum.
Maintenant, je peux dire qu'on est dans la phase de la formation des polarisations politiques au sujet des positions à constitutionaliser.

Quelle est votre réaction par rapport aux résultats du dialogue social et principalement la hausse du Smig ?

Abderrahim Lahjouji : Vous savez, il y a des secteurs qui ont pris des engagements sur la base d'un certain nombre de paramètres comme les promoteurs immobiliers dans le cadre des logements à 140.000 DH. Aujourd'hui, subitement le gouvernement intervient pour accorder une hausse du Smig de 15%. Cela aura des répercussions sur le prix de revient du logement social que l'on ne peut répercuter sur l'acquéreur. Donc, le secteur va souffrir. Je pense qu'à l'avenir, il faut prendre des précautions pour ne pas mettre à l'épreuve certains secteurs de l'économie. Il en va du pouvoir d'achat même des salariés, car si l'économie perd sa compétitivité, c'est l'emploi qui subit directement les répercussions.

Zoubida Bouayad : Pour ce qui me concerne, je tiens à rappeler que la loi de Finances 2011 a avantagé le secteur de l'immobilier pour la tranche des 250.000 DH. Le problème à mon avis réside dans la hausse de 600 DH au profit des fonctionnaires. Comment le gouvernement va-t-il financer un tel engagement dans l'état actuel des choses. Le Premier ministre s'est engagé politiquement pour ça, mais il a hypothéqué l'avenir en quelque sorte. C'est un investissement politique. Et je ne sais pas comment on va faire puisqu'une telle décision ne figure pas dans la loi de Finances 2011.
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