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Le contrat de la dernière chance

L'Agence nationale de promotion de l'emploi et des compétences (ANAPEC), entreprise publique de service, a pour objectif d'apporter son appui aux employeurs pour réussir leurs recrutements et aux chercheurs d'emploi pour réussir leur insertion professionnelle.

Le contrat de la dernière chance
Pour atteindre cet objectif, l'ANAPEC a créé le contrat d'insertion. Il s'agit d'un contrat qui est censé répondre aux besoins des deux parties contractantes. Pour gagner en compétitivité, l'employeur doit enrichir le capital de ses ressources humaines au meilleur coût. Et le jeune diplômé doit développer ses compétences et acquérir une première expérience professionnelle au sein de l'entreprise, pour conquérir sa place sur le marché de l'emploi. Sauf que, sur le plan pratique, le contrat d'insertion donne l'impression d'avantager beaucoup plus les entreprises que les jeunes diplômés chômeurs.

«Ce contrat nuit aux jeunes chercheurs d'emploi. L'ANAPEC prétend nous aider mais on a l'impression que ce contrat existe juste pour le plaisir des employeurs», affirme Khalid, 25 ans. Ce jeune licencié en économie refuse catégoriquement tout emploi lui proposant de signer un contrat ANAPEC. Il dit préférer rester au chômage plutôt que de se faire exploiter par une quelconque entreprise. «Les employeurs ne proposent plus des contrats à durée indéterminée (CDI). Ce qui est normal, vu que le contrat d'insertion ANAPEC leur permet de se faire exonérer des taxes imposables sur les salariés», indique Khalid.

En effet, l'ANAPEC propose aux entreprises différents modèles de contrats, qui donnent lieu à des exonérations encourageantes pour l'employeur. Sur les deux premiers modèles, l'entreprise est dispensée des cotisations CNSS (caisse nationale de sécurité sociale) et même de l'IR (Impôt sur le revenu).
Sur le troisième modèle, la société ne bénéficie que de l'exonération sur la cotisation CNSS. «Le contrat d'insertion ANAPEC présente divers avantages, et pour l'employeur et pour le jeune candidat», assure Mohamed Ayoub Ajdahim, responsable des ressources humaines. Et d'ajouter: «Pour l'entreprise, le contrat d'insertion dispense la société de certaines cotisations, certes. Mais il offre également au jeune diplômé, la possibilité de faire le premier pas dans le monde du travail et, éventuellement, se faire intégrer par l'entreprise».

Ceci est, effectivement, le but du contrat d'insertion. N'empêche que certaines sociétés profitent des avantages offerts par le contrat et prennent plaisir à «exploiter» les jeunes salariés.
«Dans le contrat ANAPEC, le candidat n'est pas considéré comme un salarié, mais plutôt comme un stagiaire. Du coup, côté salaire, on parle d'indemnité de stage», explique Maroua, 24 ans, ex-ANAPEC. «En plus, la durée du contrat est de 24 mois. L'employeur multiplie les promesses de CDI pendant toute la durée du stage et à la fin, il te dit: on te rappellera», ajoute-t-elle, amèrement. Et elle n'est pas la seule «victime» d'entreprises malhonnêtes. Jawad a aussi fait les frais de fausses promesses. «J'ai travaillé dans une société pendant 18 mois avec un salaire de 2.000 dirhams. Les responsables des ressources humaines n'arrêtaient pas de me promettre l'intégration totale après la fin de la durée du contrat ANAPEC», raconte-t-il, tristement. Et d'ajouter: «J'ai rencontré beaucoup de personnes qui ont subi le même traitement que moi. Il paraît que c'est monnaie courante chez les employeurs». «Il existe diverses tranches de salaires selon le modèle de contrat choisi par l'employeur. Donc, tous les stagiaires ANAPEC ne sont pas, forcément, mal rémunérés», affirme Ajdahim. Et d'ajouter: «Concernant la durée du contrat d'insertion, l'employeur n'est pas tenu de respecter les 24 mois. Si le stagiaire fait ses preuves au sein de l'entreprise, il passe automatiquement au CDI. Sinon, il peut quitter ou être révoqué à tout moment».

La résiliation sans préavis de la part des deux parties est l'autre «point noir» du contrat ANAPEC. Le stagiaire peut abandonner son poste à l'entreprise à tout moment et sans préavis. Il en est de même pour l'employeur, qui peut renvoyer le jeune sans indemnité et sans préavis également. «C'est un grand sentiment d'instabilité, que d'accepter un contrat ANAPEC. L'employeur peut te mettre à la porte à n'importe quel moment sans être obligé de donner des explications. Mais lorsqu'on est débutant et qu'on a été longtemps au chômage, on est obligé d'accepter ce type de contrat, avec un salaire médiocre et des conditions désavantageuses», lance Mourad, 29 ans.

Les stagiaires ANAPEC ne bénéficient, bien sûr, d'aucune couverture sociale à part l'assurance de travail. «En fait, le contrat d'insertion est un contrat de stage rémunéré. Le dossier du stagiaire est bel et bien envoyé à la CNSS pour l'adhésion, mais c'est la cotisation qui fait défaut», souligne Ajdahim.
Le contrat reste une belle opportunité pour les jeunes diplômés, quand les entreprises respectent le principe pour lequel le contrat a vu le jour, à savoir, donner toutes ses chances au nouveau venu et l'évaluer de manière objective.

67% des stagiaires ANAPEC sont passés en CDI

Selon Yahia Oukach, chef de la division des mesures pour l'emploi à l'ANAPEC, l'ANAPEC a, effectivement, mis en place trois modèles de contrats d'insertion. Le plus utilisé est le premier modèle. Celui-ci permet à l'entreprise une exonération des cotisations CNSS et IR, en échange d'une indemnité de stage qui équivaut au salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG). Pour que le jeune diplômé puisse acquérir une certaine autonomie. Le modèle trois, lui, touche, surtout, les cadres. Et concernant l'intégration des jeunes, il ajoute : «Ce contrat est censé ouvrir la porte du monde du travail, aux chercheurs d'emploi. C'est vrai qu'il existe des cas où l'employeur décide de ne pas intégrer le candidat en CDI après la fin de la durée du contrat ANAPEC, mais ils sont très rares. 67% des jeunes qui ont intégré des sociétés en contrat ANAPEC, sont passés en CDI. Des fois même avant les 24 mois prévus par le contrat d'insertion. C'est au candidat, donc, de montrer ses compétences et de se faire valoir au sein de l'entreprise. Par contre, en cas de mauvaise foi de l'employeur, l'ANAPEC ne peut prendre aucune mesure coercitive à son encontre».
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