C'est Rachid Belmokhtar, Président de l'Observatoire du développement humain qui ouvre la séance et rappelle l'esprit dans lequel le travail du Cinquantenaire a été initié pour permettre au Maroc des possibles de se construire, car, dit-il en citant Meziane Belfqih, «il n'y a pas d'équation difficile, il y a des solutions». 75 intellectuels de tous bords ont coécrit le rapport qui a permis une réflexion pour aller au-delà des blocages : 5 nœuds ont été décryptés. Ils peuvent devenir des leviers si l'on sait consolider l'existant en allant plus loin. Quels sont ces nœuds ? Le premier concerne le savoir, l'éducation de base, l'éducation pour tous. Le deuxième a trait à la bonne gouvernance, c'est-à-dire comment exercer une responsabilité publique dans les meilleures conditions de transparence, d'efficience et d'équité. La transparence, c'est la lutte contre la corruption certes mais c'est aussi plus que cela, c'est l'évaluation, la responsabilisation et l'obligation de rendre des comptes. Pour cela il faut mettre en place un système de sanctions aussi bien positives que négatives et coercitives. La même démarche devra s'appliquer au gouvernement qui prend la responsabilité de gérer la chose publique, et ce sont les urnes qui apportent la sanction dans un régime démocratique.
La justice reste évidemment un élément central du système de bonne gouvernance. Le troisième nœud, c'est l'inclusion, et pour cela il faut mener la guerre à toutes les formes d'exclusion à l'égard des zones géographiques, des femmes, des jeunes, des handicapés et des vieux, car on pourrait craindre qu'avec l'étiolement des solidarités familiales, ces derniers ne soient pas des futurs exclus de la société. C'est le projet de bâtir une société plurielle mais solidaire, portée par une solidarité qui obéit à des règles et à une discipline. Le quatrième nœud, c'est l'économie. Il faut réussir le pari d'une croissance forte et soutenue. La structure en est emblématique avec l'agriculture qui joue un rôle central. Une bonne partie de la population en vit. Mais les difficultés sont là : l'Industrie est insuffisamment innovante, les disparités entre régions et couches de population subsistent, cela génère pauvreté, précarité… Le cinquième nœud, c'est la santé et le cadre de vie. L'avenir se construit et n'est pas fatalement subi, cela veut dire que l'on est quelque part maître de notre destin et que le meilleur est toujours possible…. L'espérance de vie était de 47 ans il y a 60 ans. Elle s'est améliorée à plus de 70. Mais le pire aussi est toujours possible. On retrouve la femme qui souffre de la violence conjugale et les difficultés à la naissance.
«Le scénario de la continuité et celui du souhaitable »
La vision du futur qui part de ces nœuds conditionnent 2 scénarii, le premier qui est un scénario de continuité, serait lamentable. Le scénario souhaitable demande transparence, suivi, évaluation. On a le pilotage, le guidage ... Il convient d'y réfléchir, précise R.Belmokhtar qui cite M.Belfqih . «L'ensemble des transitions aux niveaux démographique, économique, politique et culturel sont en cours, disait l'initiateur du rapport. Nous sommes dans une société qui bouge, qui avance et même parfois qui recule. Mais il y a une volonté visible de réformer. Les Marocains veulent s'en sortir. C'est pourquoi, on voit naître des stratégies individuelles. Le Maroc avance et il faut qu'il aille de l'avant. Aujourd'hui, il a une vitesse qu'il doit maintenir ; il y a 15 ou 20 ans, ce n'était pas le cas. Il ne faut surtout pas compromettre cette dynamique. La volonté d'aller de l'avant est donc clairement affichée».
Karim Ghellab :«Il faut gagner les 5 paris d'avenir»
Dans son intervention, le ministre regrette de ne pas s'être impliqué dans le rapport du Cinquantenaire qui prônait un Maroc souhaitable, c'est-à-dire un Maroc démocratique, ouvert sur les valeurs universelles, préservant ses racines et valorisant sa diversité culturelle, un Maroc décentralisé et un Maroc de responsabilité où les citoyens prennent leur destinée en mains. Mais pour cela, il doit gagner au moins 5 grands paris d'avenir : d'abord asseoir la normalité politique, renforcer la cohésion nationale et améliorer le système de gouvernance. Deuxième pari, réunir les conditions d'une intégration du Maroc à la société du savoir, il s'agira également de refonder une économie compétitive mettant à profit la fenêtre d'opportunité démographique, de gagner la bataille contre les exclusions et de saisir les opportunités de l'ouverture pour aller vers de nouvelles logiques de positionnement régional et mondial. Karim Ghellab met en exergue les risques soulignés dans le rapport qui éclaire notre contexte actuel : la non-maîtrise de l'agenda des réformes, par défaut, dit-il, de synchronisation ou par déficit de cohérence d'ensemble, le relâchement des efforts pour mener à bien toutes les réformes, l'incapacité d'atteindre un rythme suffisant dans l'action de la réforme à même d'enclencher un effet de masse et une dynamique irréversible du changement. La non-effectivité des lois et l'irruption d'une crise externe ou interne compromettrait la dynamique en cours. Et de citer comme exemple d'interruption la régression du champ politique entre 2009 et 2011 après les grandes avancées de ce que le rapport appelait «la normalité politique». Une régression qui coûtera très cher en termes de perte de confiance des jeunes, de défiance des citoyens qui voient resurgir un passé douloureux, de transhumance des élus, d'alliances contre la nature des partis qui faussent toutes les règles du jeu politique. L'autre événement, externe cette fois, c'est le «Printemps arabe» qui nous rappelle qu'il n'y a pas d'exception marocaine, même si l'évolution du champ politique au Maroc a permis une certaine anticipation qui a favorisé le multipartisme et la monarchie constitutionnelle. L'opposition, souligne Karim Ghellab, accède au pouvoir en 1998 dans le cadre d'une transition consensuelle avec le Palais ; et depuis 1999, on assiste à une accélération des réformes et à l'installation de la normalité politique avec des élections libres et la désignation du Premier ministre représentant le parti le mieux placé aux élections. La création de l'Instance Equité et réconciliation permet au Maroc de se réapproprier son passé. Autant d'avancées majeures. Depuis, il y a eu le discours historique du 9 mars. C'est une vague mondiale qui pose une question de fond : comment les forces vives du Maroc vont-elles se comporter ? Ce qu'il faut, c'est, dit-il, être plus pro-actif dans ses choix, développer l'exemplarité, et rechercher plus de fusion des leviers. A y bien réfléchir, il n'y a pas de différence entre les différents leviers : il faut agir sur tous.
Où en est-on aujourd'hui au Maroc ?
Rachid Belmokhtar pose alors la question, Où en est-on aujourd'hui ? Quels atouts a-t-on et quels déterminants ? Les atouts sont nombreux, un roi jeune, connecté à la réalité du pays, une population jeune, de grands projets sur les rails, Maroc Vert, plan Emergence, Tanger Med... Reste cette question de l'énigme de la croissance, mis en évidence par la Banque mondiale : pour quelles raisons le développement économique et humain ne sont pas synchrone ? Si les fondamentaux de l'économie sont sains, si les stratégies sectorielles sont sur les rails, si l'investissement public a augmenté, si la croissance a doublé en 10 ans, si la politique des grands chantiers a permis des avancées visibles en autoroutes, ports, aéroports avec des impacts indéniables, il reste qu'avec les «failles du développement humain», l'amélioration du niveau de vie se fait attendre et les fruits de la croissance ne sont pas répartis équitablement. Mais le scénario catastrophe malgré la tension politique actuelle, n'a dit il rien d'inéluctable.
Il pourra être évité à condition d'agir précisément sur «les noeuds du futur» : l'éducation et le savoir, le développement local, l'emploi et la gouvernance. «Aujourd'hui, ces nœuds nous tirent en arrière. Mais, si on arrive à les dénouer, ces freins peuvent se transformer en leviers d'une transformation accélérée.» Le discours du 9 mars est une première réponse et la tâche est colossale, car il faut préparer le référendum, clarifier les missions entre l'Etat et le local pour donner vie au projet de régionalisation avancée, initier la refonte du dispositif législatif, revoir le cadre de gouvernance des villes, tout cela dans une démarche de concertation et de débat public. Les défis de mobilisation et d'encadrement de la rue, le défi de générer de nouvelles élites restent entiers car il s'agit de faire recouvrer à la politique ses lettres de noblesse pour pousser les citoyens à s'y intéresser.
La réhabilitation de la politique, c'est peut être là le chantier le plus difficile et le plus complexe qui seul pourrait mettre fin aux «maux du Maroc» et aux «failles du développement humain» misère, analphabétisme, absence d'accès aux soins et aux services de base qui constituent toujours de puissants freins structurels. Transformer ces freins en leviers de développement : sommes-nous prêts à nous investir dans ce gigantesque chantier ?
La justice reste évidemment un élément central du système de bonne gouvernance. Le troisième nœud, c'est l'inclusion, et pour cela il faut mener la guerre à toutes les formes d'exclusion à l'égard des zones géographiques, des femmes, des jeunes, des handicapés et des vieux, car on pourrait craindre qu'avec l'étiolement des solidarités familiales, ces derniers ne soient pas des futurs exclus de la société. C'est le projet de bâtir une société plurielle mais solidaire, portée par une solidarité qui obéit à des règles et à une discipline. Le quatrième nœud, c'est l'économie. Il faut réussir le pari d'une croissance forte et soutenue. La structure en est emblématique avec l'agriculture qui joue un rôle central. Une bonne partie de la population en vit. Mais les difficultés sont là : l'Industrie est insuffisamment innovante, les disparités entre régions et couches de population subsistent, cela génère pauvreté, précarité… Le cinquième nœud, c'est la santé et le cadre de vie. L'avenir se construit et n'est pas fatalement subi, cela veut dire que l'on est quelque part maître de notre destin et que le meilleur est toujours possible…. L'espérance de vie était de 47 ans il y a 60 ans. Elle s'est améliorée à plus de 70. Mais le pire aussi est toujours possible. On retrouve la femme qui souffre de la violence conjugale et les difficultés à la naissance.
«Le scénario de la continuité et celui du souhaitable »
La vision du futur qui part de ces nœuds conditionnent 2 scénarii, le premier qui est un scénario de continuité, serait lamentable. Le scénario souhaitable demande transparence, suivi, évaluation. On a le pilotage, le guidage ... Il convient d'y réfléchir, précise R.Belmokhtar qui cite M.Belfqih . «L'ensemble des transitions aux niveaux démographique, économique, politique et culturel sont en cours, disait l'initiateur du rapport. Nous sommes dans une société qui bouge, qui avance et même parfois qui recule. Mais il y a une volonté visible de réformer. Les Marocains veulent s'en sortir. C'est pourquoi, on voit naître des stratégies individuelles. Le Maroc avance et il faut qu'il aille de l'avant. Aujourd'hui, il a une vitesse qu'il doit maintenir ; il y a 15 ou 20 ans, ce n'était pas le cas. Il ne faut surtout pas compromettre cette dynamique. La volonté d'aller de l'avant est donc clairement affichée».
Karim Ghellab :«Il faut gagner les 5 paris d'avenir»
Dans son intervention, le ministre regrette de ne pas s'être impliqué dans le rapport du Cinquantenaire qui prônait un Maroc souhaitable, c'est-à-dire un Maroc démocratique, ouvert sur les valeurs universelles, préservant ses racines et valorisant sa diversité culturelle, un Maroc décentralisé et un Maroc de responsabilité où les citoyens prennent leur destinée en mains. Mais pour cela, il doit gagner au moins 5 grands paris d'avenir : d'abord asseoir la normalité politique, renforcer la cohésion nationale et améliorer le système de gouvernance. Deuxième pari, réunir les conditions d'une intégration du Maroc à la société du savoir, il s'agira également de refonder une économie compétitive mettant à profit la fenêtre d'opportunité démographique, de gagner la bataille contre les exclusions et de saisir les opportunités de l'ouverture pour aller vers de nouvelles logiques de positionnement régional et mondial. Karim Ghellab met en exergue les risques soulignés dans le rapport qui éclaire notre contexte actuel : la non-maîtrise de l'agenda des réformes, par défaut, dit-il, de synchronisation ou par déficit de cohérence d'ensemble, le relâchement des efforts pour mener à bien toutes les réformes, l'incapacité d'atteindre un rythme suffisant dans l'action de la réforme à même d'enclencher un effet de masse et une dynamique irréversible du changement. La non-effectivité des lois et l'irruption d'une crise externe ou interne compromettrait la dynamique en cours. Et de citer comme exemple d'interruption la régression du champ politique entre 2009 et 2011 après les grandes avancées de ce que le rapport appelait «la normalité politique». Une régression qui coûtera très cher en termes de perte de confiance des jeunes, de défiance des citoyens qui voient resurgir un passé douloureux, de transhumance des élus, d'alliances contre la nature des partis qui faussent toutes les règles du jeu politique. L'autre événement, externe cette fois, c'est le «Printemps arabe» qui nous rappelle qu'il n'y a pas d'exception marocaine, même si l'évolution du champ politique au Maroc a permis une certaine anticipation qui a favorisé le multipartisme et la monarchie constitutionnelle. L'opposition, souligne Karim Ghellab, accède au pouvoir en 1998 dans le cadre d'une transition consensuelle avec le Palais ; et depuis 1999, on assiste à une accélération des réformes et à l'installation de la normalité politique avec des élections libres et la désignation du Premier ministre représentant le parti le mieux placé aux élections. La création de l'Instance Equité et réconciliation permet au Maroc de se réapproprier son passé. Autant d'avancées majeures. Depuis, il y a eu le discours historique du 9 mars. C'est une vague mondiale qui pose une question de fond : comment les forces vives du Maroc vont-elles se comporter ? Ce qu'il faut, c'est, dit-il, être plus pro-actif dans ses choix, développer l'exemplarité, et rechercher plus de fusion des leviers. A y bien réfléchir, il n'y a pas de différence entre les différents leviers : il faut agir sur tous.
Où en est-on aujourd'hui au Maroc ?
Rachid Belmokhtar pose alors la question, Où en est-on aujourd'hui ? Quels atouts a-t-on et quels déterminants ? Les atouts sont nombreux, un roi jeune, connecté à la réalité du pays, une population jeune, de grands projets sur les rails, Maroc Vert, plan Emergence, Tanger Med... Reste cette question de l'énigme de la croissance, mis en évidence par la Banque mondiale : pour quelles raisons le développement économique et humain ne sont pas synchrone ? Si les fondamentaux de l'économie sont sains, si les stratégies sectorielles sont sur les rails, si l'investissement public a augmenté, si la croissance a doublé en 10 ans, si la politique des grands chantiers a permis des avancées visibles en autoroutes, ports, aéroports avec des impacts indéniables, il reste qu'avec les «failles du développement humain», l'amélioration du niveau de vie se fait attendre et les fruits de la croissance ne sont pas répartis équitablement. Mais le scénario catastrophe malgré la tension politique actuelle, n'a dit il rien d'inéluctable.
Il pourra être évité à condition d'agir précisément sur «les noeuds du futur» : l'éducation et le savoir, le développement local, l'emploi et la gouvernance. «Aujourd'hui, ces nœuds nous tirent en arrière. Mais, si on arrive à les dénouer, ces freins peuvent se transformer en leviers d'une transformation accélérée.» Le discours du 9 mars est une première réponse et la tâche est colossale, car il faut préparer le référendum, clarifier les missions entre l'Etat et le local pour donner vie au projet de régionalisation avancée, initier la refonte du dispositif législatif, revoir le cadre de gouvernance des villes, tout cela dans une démarche de concertation et de débat public. Les défis de mobilisation et d'encadrement de la rue, le défi de générer de nouvelles élites restent entiers car il s'agit de faire recouvrer à la politique ses lettres de noblesse pour pousser les citoyens à s'y intéresser.
La réhabilitation de la politique, c'est peut être là le chantier le plus difficile et le plus complexe qui seul pourrait mettre fin aux «maux du Maroc» et aux «failles du développement humain» misère, analphabétisme, absence d'accès aux soins et aux services de base qui constituent toujours de puissants freins structurels. Transformer ces freins en leviers de développement : sommes-nous prêts à nous investir dans ce gigantesque chantier ?
