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Zoom sur le cinéma marocain

Lors d'une rencontre organisée à la Villa des Arts de Rabat, le cinéaste Hamid Bénani a brossé un tableau complet de l'histoire du 7e art marocain, de sa genèse et de son évolution.

Zoom sur le cinéma marocain
Depuis 20 ans, le 7ème art marocain a connu des évolutions en dents de scie. Le fait le plus marquant n'étant autre que le développement de la production nationale.
Avant de se lancer dans le vif du sujet, le réalisateur Hamid Bénani n'a pas manqué de rappeler à l'assistance toute l'historique du cinéma marocain remontant au tout début de sa naissance avec le premier tournage en 1897 du «Chevrier marocain » de Louis Lumière. «Cette production inaugurait une tradition de tournages étrangers, présentant un Maroc magique, terre de félicité, un paradis sur terre. Notre pays est devenu, de ce fait, un sol de prédilection pour les cinéastes étrangers.

Ainsi, la naissance du cinéma colonial se fait de façon naturelle, puisque outre les Français qui déferlent sur le Maroc pour monter des romances ou des histoires d'un exotisme désuet mêlées à l'action "civilisatrice" du colon, d'autres, Américains, Allemands et Espagnols affluaient aussi massivement sur le Maroc pour y tourner des fictions souvent vaguement inspirées d'un imaginaire orientalisant une vision occidentale des Mille et une nuits», rappelle Hamid Bénani, relatant par la même les principales dates qui ont marqué le cinéma au Maroc, notamment l'année 1919 où le premier film de fiction colonial en français « Mektoub » est produit et réalisé par Jean Pinchon et Daniel Quintin, suivi, pendant la période du protectorat, de plusieurs dizaines de longs-métrages, dont les plus connus sont «Othello» d'Orson Welles ou encore «L'homme qui savait trop» de Hitchcock et «Lawrence d'Arabie » de David Lean. «Jusque-là, le cinéma marocain n'était pas encore né. Ce n'est qu'en 1941 que Mohamed Osfour, premier réalisateur marocain, filme à Casablanca, avec des moyens rudimentaires, des imitations (remakes) naïves de Tarzan, de Robin des bois, de Charlot qu'il appela «Joha», «Charlito», etc. Mais, en 1958, il tourne la première fiction de long-métrage du Maroc indépendant, «Le fils maudit».

C'était au temps où l'industrie des grands studios américains et égyptiens s'arrangeait bien des rêves infantiles d'une petite bourgeoisie en mal d'émotions et d'imageries fortes d'un nouvel objet de consommation qui s'appelle cinéma. Un filon que voulait, également, exploiter le protectorat pour pacifier les cœurs et les esprits », commente le cinéaste. Toutefois, l'année 1944 a constitué une date importante où ont vu le jour le Centre cinématographique marocain et les studios Souissi. « La France voulait, ainsi, faire du Maroc le Hollywood du monde arabe et lutter simultanément contre le cinéma égyptien, jugé hostile à la présence française au Maroc. Il fallait contrecarrer la culture et le cinéma arabe populaire. C'était, donc, un combat culturel qui a donné lieu à de multiples productions cinématographiques marquées, malheureusement, par l'idéologie coloniale de l'époque, même si la majorité était en parler marocain et avec des comédiens marocains ».

Puis, le Maroc connaît une période de vide cinématographique après l'indépendance. Ce n'est qu'en 1980 qu'un petit fonds de soutien vient en aide à des courts-métrages. «Trois films ont été lancés par les moyens de l'administration, mais furent un véritable échec, n'apportant aucune dimension esthétique ni message social ou humain ». C'est à cette époque bien mitigée pour le cinéma marocain qu'est né « Wachma ». Ce film unanimement considéré par la suite comme le film fondateur et point de référence de la cinématographie marocaine. La presse internationale le donna même en exemple pour le cinéma du Tiers Monde et le classe parmi les films africains et arabes les plus remarquables. Plusieurs articles et photographies ont été publiés dans divers journaux, revues, livres de cinéma, encyclopédies et dictionnaires en Europe et dans le Monde arabe.

Hamid Bénani nous explique que le succès de «Wachma », réalisé avec un tout petit budget de 50.000 DH, était dû au fait que ce film d'auteur a rompu avec les pratiques du cinéma populaire ou commercial de l'époque. « Il fallait échapper à ce cinéma de la fascination et de l'identification primaire, du pur plaisir du spectacle. J'ai voulu faire un cinéma qui convoque le spectateur à un dialogue avec le film, qui le mette en situation de maîtrise par rapport aux images qui se déroulent devant ses yeux».
En effet, ce film a constitué une nouvelle phase dans l'écriture cinématographique. « Celle-ci ne saurait être une suite de procédés qu'on applique d'un film à l'autre. L'auteur de chaque film doit inventer la sienne qui ne peut se répéter mécaniquement d'une œuvre à l'autre.

L'exemple de Wachma a fait école. D'autres cinéastes se sont lancés après dans un cinéma propre qui ne doit rien à l'imitation du cinéma européen, américain ou égyptien. Un véritable auteur est celui qui invente à chaque fois sa démarche et ses procédés d'écriture cinématographique. Et je continue toujours à croire aujourd'hui encore que c'est le cinéma d'auteur qui ouvre la voie à un cinéma authentiquement national et populaire, car ce n'est pas en copiant les autres qu'on arrivera à faire notre cinéma», renchérit Hamid Bénani.

Biographie de Hamid Bénani

Après avoir fait des études supérieures en philosophie à la Sorbonne, Hamid Bénani s'inscrit à l'Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC) où il obtient son diplôme de fin d'études en 1968.
A son retour au Maroc, le cinéma était encore le parent pauvre des institutions marocaines. L'activité cinématographique était limitée aux ciné-clubs. Hamid Bénani, qui n'avait pas le choix à l'époque, intègre la RTM, l'unique chaîne de télévision marocaine où il passe deux années, réalisant des documentaires et quelques fictions filmées à l'extérieur. Il démissionne en 1970 et décide de se lancer dans l'aventure. H. Bénani fonde la société de production « Sigma 3 » en collaboration avec Ahmed Bouanani, Mohamed Abderahman Tazi et Mohamed Sekkat. C'est à ce moment-là où sa carrière cinématographique a proprement commencé avec le film « Wachma ». Actuellement, le réalisateur Hamid Bénani est en train de préparer son prochain film « L'Enfant-Cheïkh », auquel la Commission d'attribution de l'avance sur recettes pour les longs-métrages a accordé 5.500.000 DH.
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