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Accueil next Naissance de SAR Lalla Khadija

Casa et ses multiples visages

Les yeux de Zara scrutent la métropole. Rien ne lui échappe. Pollutions, nuisance sonore, prostitution, drogues, commerce illégal ne retiennent cependant pas son attention. Ce qui l'intéresse plus que tout, ce sont les visages, les expressions des Casablancais.

Casa et ses multiples visages
Les portraits de la documentariste sont la représentation réaliste de la population casablancaise.
Premier web-documentaire marocain, cette mini-téléréalité plonge le public dans la réalité casablancaise à travers des personnages inconnus, des Monsieur et Madame tout le monde qui ont une histoire et qui font l'authenticité de la capitale économique.
«Ce web-documentaire a vu le jour à mon retour à Casablanca fin 2010, après des années passées en France, un retour assez éprouvant, sans réelle préparation», raconte l'artiste. «Il a fallu m'accrocher à un visage plus humain et émouvant de la ville blanche, loin des clichés et des représentations négatives de la ville et de ses habitants, je désirais raconter le destin de femmes et d'hommes qui vivent dans la dignité et l'espoir malgré la rudesse de la vie et de la ville», continue la jeune photographe qui raconte la naissance de son projet de web-documentaire sur la ville blanche.

À travers six personnages, Zara retrace la sensibilité de la ville et ses réalités. De l'incertain, cet anonyme, auquel on peut ne prête pas d'attention et qui se trouve dans cet environnement parfois oublié, à la veuve, la mère de famille qui fait des ménages depuis trente six ans sans couverture sociale, le commerçant, le pâtissier ou encore le gardien de voiture méfiant, mais dont l'histoire vaut le détour, la plupart des figures fortes et symboliques de la ville y sont représentés, puisque ces personnes, dans leur «normalité», ressemblent à tout le monde. «Les personnes que je raconte à travers “Dans la ville blanche” sont des personnes que l'on côtoie tous les jours, qui font notre quotidien, des personnes comme vous et moi». Une manière pour Zara de comprendre ces gens et de passer le cap des préjugés et des frontières que l'humain se pose d'emblée avant la rencontre de l'autre.

Le travail de l'artiste permet donc de rentrer dans l'intimité de Casablanca sans pour autant en faire ressortir les vices, comme cela a souvent été le cas à travers des films comme «Casanegra» ou «Casa by night».
Ouadi, l'incertain, soutient même qu'il ne peut pas vivre autre part que dans cette ville où il s'est habitué à la nuisance sonore alors que le pâtissier qui s'est investi dans son fond de commerce pendant des années souffre, effrayé par l'avenir incertain. Un parcours réaliste, un patchwork de la vraie Casablanca où le gardien, dont les factures s'accumulent, travaille tous les jours même s'il est malade, où la vieille femme de ménage est en réalité une ancienne femme au foyer qui a tout perdu à la mort de son mari, où une veuve qui a vécu la maladie de son mari par amour et qui raconte les coulisses d'un hôpital de l'enfer, où un vieux commerçant du marché qui raconte l'évolution du commerce.

Toutes ces bribes d'histoire constituent une réalité forte d'une ville où les gens souffrent de pauvreté et de manque de couverture sociale. Une ville où les gens modestes sont plus humbles et se contentent de presque rien. L'âme d'une ville à la «folie douce» que Zara Samiry aime découvrir. Avec la photographe, la capitale économique a une «folie douce» qu'elle aime découvrir.
Cependant, la ville a ses maux et l'artiste en est consciente : «Sa pollution, sa saleté, le manque de civisme de certains de ses habitants, ses rues dangereuses pour les femmes, le fait qu'elle soit une ville ou les gens circulent et ne se baladent pas, sa frénésie… » Autant de défauts qui se trouvent vite balayés par ses qualités.

De cliché en cliché, l'artiste a fait un travail de fond, afin de toucher l'âme de Casablanca à travers des personnes lambda. Un parcours non sans embûches, parfois même dangereux pour une jeune femme. «Me balader avec mon appareil photo dans les quartiers populaires de Casablanca peut s'avérer quelque peu dangereux, la méfiance et l'inquiétude face à la finalité des photographies peuvent parfois me fatiguer dans ma démarche». Mais heureusement que la passion est là et c'est elle qui l'emporte. Dans les yeux de Zara, Casanegra est belle et loin d'être noire. La ville blanche a un trésor à exploiter : la richesse de ses gens. Ainsi, pour l'artiste, il est clair qu'il ne faut pas se fier aux apparences parce qu'elles sont trompeuses. Tout Casablancais qui se respecte ne devrait plus se fier à ce genre de clichés, véritable trompe-l'œil.

Zara Samiry en bref

«Je voulais être photographe de guerre, alors je fais des autoportraits, car je me suis rendue compte que la vraie guerre était en moi.» Zara Samiry est photographe. Née à Casablanca en 1982, elle y est diplômée en BTS développement multimédia, puis obtient un diplôme supérieur en communication et publicité. Sa passion pour le rapport et l'alliance entre l'image et le son la décide à étudier l'expression plastique. C'est alors qu'après deux ans en France elle obtient son DNSEP (Diplôme national supérieur en Expression plastique). Son besoin de se révéler à elle-même et de repousser ses limites l'incite en 2009 à effectuer un voyage en Inde. Seule, sans téléphone, ni Internet. Simplement équipée de son appareil photo et d'une centaine d'euros qui ne lui autorisaient qu'un unique repas par jour. En 2010, elle réalise et expose «Exils», une série de documentaires mariant photographies et enregistrements sonores. À l'image de son travail et de son être, sincère et profond, brut et pudique, profondément altruiste et curieux de l'autre et de ses émotions intimes, «Exils» relate la vie, les sentiments et le destin d'exilés installés en France.
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