Pour absorber la pression due à l'exode rural et à l'évolution démographique, le Maroc a réalisé pendant trois décennies de 1974 à 2004, des dizaines de lotissements publics à la périphérie des grandes villes. Mais ces opérations se sont souvent limitées à une offre d'habitat à la portée de la classe moyenne avec des réserves de terrains pour les équipements construits avec beaucoup de retard. Il fallait donc passer à une autre échelle pour organiser et anticiper le développement urbain, les équipements, les services, les zones d'activités pour développer l'emploi, avec une offre en logement aux coûts adaptés aux différentes catégories de revenus. Nous assistons alors avec la création des nouvelles villes à une autre logique, ce que certains appellent une nouvelle génération de projets urbains initiés depuis 2004 qui nécessite un nouveau portage institutionnel interministériel. Quel premier bilan peut-on faire aujourd'hui ? Le programme national des villes nouvelles comporte quatre villes nouvelles qui s'étendent sur une superficie de 1.000 hectares environ pour accueillir une population prévisible d'un million d'habitants.
Il s'agit de Tamensourt, Tamesna, Chrafat et Lakhyayta. Les deux premiers projets, Tamensourt et Tamesna, sont dans un stade avancé de réalisation et accueillent déjà une population respective conséquente. Les deux autres villes sont dans le stade des aménagements et les travaux de viabilisation ont atteint 75%. Créés autour des grandes agglomérations dynamiques, Rabat, Casablanca, Tanger, Marrakech, ces nouveaux pôles urbains devraient contribuer à les décongestionner et à stimuler leur croissance. Reste que le Comité interministériel pour les villes nouvelles ne s'étant jamais réuni, cela a posé nombre de problèmes de coordination, de gouvernance et de déficit d'équipements publics. Les nouvelles villes se sont parfois transformées en ville dortoir, avec des difficultés de transport. Que faire à partir de ces constats? Le Conseil du développement et de la solidarité (CDS) a organisé, le 18 mai dernier, une première rencontre «Ville nouvelle, vies nouvelles» pour contribuer à la réflexion sur la ville de demain réunissant des chercheurs, des architectes urbanistes, des opérationnels étrangers comme le président de Louvain la neuve, une nouvelle ville belge, le responsable du programme des villes nouvelles en France, de grands témoins comme Abdelatif Jouahri, Gouverneur de Bank El Maghreb, Chakib Benmoussa, président du Conseil économique et social (CES), ou Mohamed Hassar, Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur qui avait piloté le projet de Sala El Jadida.
Nous publions en exclusivité les extraits du Livre Blanc du CDS commenté par Mohamed Benamour, président du CDS avec un focus sur les 8 idées fortes pour garantir la réussite d'une ville nouvelle. Idées fortes dont certaines sont au cœur du projet de la ville de Zenata, porté par la Société d'Aménagement de Zenata (SAZ) dirigée par Amine El Hajhouj qui vient de lancer l'appel à manifestation d'intérêt pour réaliser le plus grand projet commercial du Maroc. Son Directeur général nous présente les grandes lignes de cette éco-cité bioclimatique qui devrait accueillir 300.000 habitants et quelque 100.000 emplois et qui est située sur la commune d'Ain Harrouda, entre une façade atlantique de plus de 5 km et l'autoroute qui relie Casablanca à Rabat. «C'est aussi la dernière réserve foncière à l'est de Casablanca déployée sur 1.650 ha,
pouvant absorber un projet urbain intégré de cette envergure», nous confie Amine El Hajhouj
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LE MATIN : Selon une étude de l'Institut national des études démographiques, la population mondiale, qui a septuplé depuis 1800, pourrait se stabiliser entre 9 et 10 milliards d'ici un siècle. Nous sommes aujourd'hui à 7 milliards avec une croissance urbaine très forte au niveau mondial, mais aussi national puisque nous prévoyons d'ici 2030 la construction de 15 nouvelles villes.
Comment analysez-vous ces évolutions ?
AMINE EL HAJHOUJ: Nous avons franchi selon les estimations des Nations unies le cap des 7 milliards d'habitants dans le monde qui, comme l'a souligné le SG des Nations unies ont besoin de logements mais aussi d'eau, d'énergie d'éducation, de santé…C'est dans les pays de l'hémisphère Sud ou les pays «dit émergents» que la population des villes va augmenter le plus, conséquence d'une explosion démographique. Le taux d'urbanisation prévisionnel de ces pays avoisinera les 80% en 2030. Les pays sages sont ceux qui ont préparé leur transition urbaine, élaboré une stratégie réfléchie, structurée avec des fondamentaux de bonne gouvernance. Pour cela, il faudra veiller à des priorités incontournables : développer les infrastructures, assurer les services de base en termes d'accès à l'eau potable, d'assainissement, de transports publics, d'écoles, d'hôpitaux et dispensaires. L'autre priorité c'est de veiller au développement urbain et à l'emploi. Au Maroc, nous avons assisté cette dernière décennie et sous les Orientations de Sa Majesté le Roi à la mise en œuvre des programmes de mise à niveau urbaine, sur le plan national dans 230 villes et centres urbains qui ont bénéficié d'une enveloppe globale de près de 42 milliards de DH consacrés à la réalisation de différents travaux de mise à niveau urbaine, dont l'assainissement liquide et solide, l'éclairage public, les espaces verts, les places publiques, les équipements culturels et sportifs et les espaces communaux. On a assisté également à la création de villes nouvelles pour limiter le développement anarchique des villes ou pour créer des agglomérations multipolaires qui doivent répondre aux défis du développement durable, de l'eau et aux problèmes de l'énergie.
C'est l'ambition de la ville de Zenâta, nouveau pôle urbain situé à l'Est de Casablanca dont le plan d'aménagement est en cours d'approbation au niveau de l'Agence Urbaine ?
Nous sommes effectivement orientés stratégie développement durable et Zenata serait une Eco cité qui prendrait place dans le poumon économique du pays, à savoir le Grand Casablanca. Il faut se rappeler que la capitale économique s'est développée à travers plusieurs plans d'aménagement, d'abord le plan Prost en 1917, ensuite le Plan Ecochard qui introduit le zonage urbain établi à grande échelle, puis le plan Pinseau de 1985 qui implante de nouveaux centres administratifs et redonne à la médina sa centralité au cœur de Casablanca. Enfin, le SDAU de 2010 qui a pour ambition de faire de Casablanca une métropole mondiale intégrée et structurée avec des projets de développement urbain comme Zenata, Anfa, Nouaceur, Sidi Moumen…Il est aussi important de noter que le Grand Casablanca fait face d'une part à une très forte pression démographique puisque l'on estime à 60% l'augmentation du nombre des ménages d'ici 2030, principalement dans les classes moyennes et d'autre part, à de nombreux déséquilibres Est-Ouest notamment en termes de services. Le projet de Zenata a une place toute particulière puisqu'il deviendrait un territoire qui pourrait aider au développement de cette classe moyenne, mais aussi qui rééquilibrerait l'offre de services de l'agglomération vers l'est. Le site se trouve précisément sur la commune d'Ain Harrouda, entre une façade atlantique de plus de 5 km et l'autoroute qui relie Casablanca à Rabat. C'est la dernière réserve foncière à l'est de Casablanca, 1650 ha, pouvant absorber un projet urbain intégré de cette envergure,
Ce que l'on craint le plus c'est la création de ces villes dortoirs sans âme, créées sous pression pour répondre à une forte demande sociale. Qu'en est-il de Zenata et pouvez-vous présenter ce projet de pôle urbain ?
Souvent, quand on pense urbanisme, on pense lotissements et groupements d'habitations sans réflexion intégrée d'un territoire urbain avec toutes les autres problématiques : l'emploi, les infrastructures qui irriguent la ville, la mobilité en général, la culture …le sport. Avec le projet de Zenata, la CDG, en tant que développeur territorial, a voulu éviter cela, d'autant que l'est de la métropole est enclavé, en voie de paupérisation, marqué par des déséquilibres en termes de services comme je l'ai déjà précisé. Je voudrais rappeler qu'il y a déjà eu, dans les années 80 et 90, des tentatives de création de pôles urbains au niveau de ce territoire mais elles ont échoué par manque de moyens de l'Etat en général et de la région en particulier. C'est dans ce contexte que l'on a pensé à un établissement public qui pouvait porter ce projet de Zenata situé dans la deuxième couronne Nord du Grand Casablanca. Notre projet s'est d'abord heurté à la problématique foncière, car 1300 hectares du territoire sont privés, d'où la déclaration d'utilité publique qui a frappé ce territoire en mars 2006 étant entendu que l'on ne peut avancer que dans un territoire suffisamment bien assaini. Ceci demande beaucoup de moyens et d'efforts. On est alors parti sur une réflexion novatrice pour pouvoir épurer le foncier, ce qui nous a coûté à valeur d'aujourd'hui, quelque 7 milliards de DH. On a été accompagné dans cette démarche par des juristes et des experts dans ce domaine qui ont évalué à leur juste mesure les parcelles de terrain. Parallèlement, on a voulu un modèle urbain différent de celui de Casablanca, il laisserait beaucoup de place aux espaces publics et aux espaces verts. En effet, plus de 450 ha du territoire, soit près de 30%, seront consacrés aux parcs verts. Il intégrera une grande diversité de formes urbaines, avec plusieurs polarités et des bâtiments emblématiques qui contribueront à construire l'identité de cette nouvelle centralité urbaine. On a voulu également démarrer le projet par des activités locomotives telles que le parc commercial ou le parc d'exposition qui participeront à la création de l'emploi. Ces activités bénéficieront de la proximité de l'aéroport, des réseaux routier et autoroutier existants, des chemins de fer, d'une zone port sec… Il y aura aussi au-delà des équipements induits nécessaires à l'urbanisation de la ville, un pôle Santé, des équipements médicaux qui permettront aux professionnels du métier de s'installer dans les meilleures conditions au sein du territoire de Zenata. Un pôle universitaire est également prévu qui pourra constituer un pôle d'excellence de formation et de recherche et développement liés aux clusters de la ville nouvelle de Zenata en particulier en termes de santé et d'urbanisme durable
Qui sont les intervenants dans ce projet ?
Le projet de la ville nouvelle de Zenata a émané d'une Volonté Royale. Le 11 février 2006, un protocole d'accord signé sous la Présidence du Souverain a mandaté comme principal opérateur public, la CDG pour piloter le projet d'Aménagement de la ville nouvelle de Zenata à travers sa filiale CDG Développement et sa structure dédiée la Société d'Aménagement Zenata, la SAZ, qui est donc le maître d'ouvrage et qui est la garante de la cohérence globale du projet et de sa mise en oeuvre. La CDG avait la charge de réfléchir avec l'Agence urbaine de Casablanca sur les orientations urbaines de ce territoire et d'élaborer le montage financier adéquat. La SAZ est aménageur mais aussi participant au développement des activités locomotives d'ancrage de la ville dans un souci de cohérence du projet. Nous travaillons en étroite collaboration avec les partenaires du projet, la wilaya de Casablanca, la préfecture de Mohammedia, l'Agence urbaine de Casablanca, la commune de Aïn Harrouda, la région, la ville, les départements ministériels concernés, le CRI, tous signataires du protocole. On vient de lancer un appel à manifestation d'intérêt pour réaliser le plus grand projet commercial marocain. Le portage institutionnel du Parc d'exposition a été trouvé. Ce dernier projet constituerait la vitrine économique du Royaume dont la métropole casablancaise a besoin aujourd'hui.
Un mot sur ce projet commercial ?
Ce projet s'insère parfaitement dans la stratégie de l'Etat à travers son plan Rawaj. En effet, le ministère du Commerce et de l'Industrie l'a intégré comme le 13e projet à réaliser. Il sera conçu ouvert et fermé en parfaite harmonie avec la ville et son développement futur. Et axé sur l'animation culturelle et le loisir. Il prévoit une architecture novatrice intégrant les principes du développement durable en termes de matériaux, d'énergie. Il intégrera une offre très diversifiée avec grandes, moyennes et petites surfaces. Ce sont là quelques principes, il y en a d'autres qui doivent positionner le Projet commercial comme l'un des pôles «supra régionaux» et pionniers du Maroc.
Eco-cité, développement durable. Vous avez, à plusieurs reprises, évoqué ces vocations qui touchent tout un ensemble de défis : Zenata doit tenir ses promesses d'emplois ; de création de richesses sur un mode soutenable en énergie, en ressources naturelles. Il faut en fait inventer une nouvelle manière de faire la ville ?
Oui, tout à fait. Nous nous sommes obligés dés le départ à réfléchir Eco cité même si nous devions faire face à un territoire occupé par des activités industrielles et par plus d'une vingtaine de bidonvilles épars. Le programme de relogement lancé par Sa Majesté en avril 2010 a déjà démarré avec 4000 logements en cours de réalisation et qui seront prêts fin 2012. Pour ce qui est des friches industrielles, nous avons signé une convention de Paix sociale avec les industriels locaux qui continueront à travailler jusqu'à ce qu'une zone industrielle d'accueil soit prête. Celle-ci est prévue fin 2012 début 2013. Quels sont les principes qui nous ont orientés pour le développement durable ? D'abord Zenata sera une ville qui préserverait la mémoire des Zénéths. Plusieurs bâtiments aujourd'hui chargés d'histoire seront conservés et restaurés. Zenata sera une ville où la mixité sociale sera assurée. Elle sera destinée majoritairement aux classes moyennes, une classe émergente dans notre pays et qui souffre de l'accession au logement. Zenata comblera la carence en centralité urbaine de la métropole. Zenata permettra de rééquilibrer l'est par les services et les activités en particulier en termes de santé, d'éducation. Sur le plan environnemental, Zenata sera une ville bioclimatique, ventilée par ses quelque 450 ha de parcs verts où l'eau et les ressources naturelles seront préservées. Espaces verts, bassins de rétention d'eau, parcs irrigués naturellement conçus comme des corridors écologiques végétalisés qui vont favoriser la biodiversité et éviter les inondations ; nous avons également mené une étude sur le traitement écologique du littoral indispensable à une ville s'ouvrant sur la mer. La problématique de la mobilité est au centre de notre réflexion urbaine.
L'un de nos objectifs est de maîtriser les émissions CO2 dans les transports en développant les mobilités collectives dans un territoire qui historiquement est passant. Il nous fallait réorienter cette mobilité et réfléchir sur la mobilité interne en la liant au plan de déplacement urbain de Casablanca. Dans ce sens, la gare multimodale est réfléchie comme nœud central de développement de Zenata. La ligne RER, le tramway de Zenata s'inscrivent dans le réseau de mobilité du Grand Casablanca.
Pour l'aspect économique et comme évoqué, il y a un équilibre entre emplois et habitat. On prévoit la création de 100.000 emplois pour 300.000 habitants, un ratio en phase avec le label éco cité. La construction d'une cité balnéaire attractive permettant de restituer la plage aux citoyens, et l'intégration du pôle économique régional avec le Parc d'exposition, le parc commercial et le secteur tertiaire : de grands projets d'ancrage permettant une bonne intégration sociale. L'aménagement du territoire passe aussi par le développement et la mise à niveau de l'agglomération d'Ain Harrouda qui doit être au rendez vous avec ce que va être Zenata. En bref, La réflexion que nous menons avec nos partenaires et nos urbanistes aujourd'hui est bâtie sur les trois ou quatre piliers du développement durable : équilibrer les enjeux sociaux environnementaux et économiques, maîtriser l'empreinte écologique tout en assurant l'équilibre financier du projet et enfin tenir compte de l'aspect gouvernance du territoire.
Quelles sont les études lancées par la Société d'Aménagement de Zenata ?
Une étude urbanistique pour élaborer le plan d'aménagement de la nouvelle ville tracé en étroite collaboration avec l'agence urbaine de Casablanca, une étude d'impact sur l'environnement du territoire, une étude de marché et de positionnement stratégique globale, toutes les études techniques nécessaires à l'aménagement du territoire, et d'autres études spécifiques nécessaires à la mise en œuvre des activités d'ancrage. Toutes ces études sont achevées où en cours d'achèvement. Le projet de l'éco cité casablancaise est aujourd'hui prêt à sortir de terre. Son édification, je l'espère, sera une fierté pour notre pays.
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Institution indépendante et sans but lucratif, le CDS s'est fixé les missions suivantes :
• Analyser les réformes en chantier sous les regards croisés d'experts nationaux et internationaux
• Débattre des feuilles de route à adopter en vue d'accroître la productivité globale de l'économie marocaine et sa résilience aux chocs
• Proposer des mesures opérationnelles assurant la convergence des efforts publics et privés ainsi que la nécessaire adaptation à un environnement international en perpétuelle mutation.
Crée par Mohamed Benamour, qui a été le concepteur de Vision 2010 Tourisme, le CDS regroupe des personnalités marocaines et étrangères de différents horizons : chefs d'entreprises, consultants, avocats, architectes, intellectuels, artistes, journalistes, universitaires, représentants d'associations et d'ONG …autour de commissions sectorielles. Ces commissions travaillent sur les piliers de la croissance économique et du développement humain. Elles apportent leur expertise pour organiser et alimenter des débats, consignés dans les « Cahiers du CDS, Idées et débats». Les prochaines rencontres porteront sur «Les relations Sud-Sud : pour un partenariat rénové pour l'Afrique» et «l'Enseignement préscolaire : un premier pas pour un enseignement de qualité».
Il s'agit de Tamensourt, Tamesna, Chrafat et Lakhyayta. Les deux premiers projets, Tamensourt et Tamesna, sont dans un stade avancé de réalisation et accueillent déjà une population respective conséquente. Les deux autres villes sont dans le stade des aménagements et les travaux de viabilisation ont atteint 75%. Créés autour des grandes agglomérations dynamiques, Rabat, Casablanca, Tanger, Marrakech, ces nouveaux pôles urbains devraient contribuer à les décongestionner et à stimuler leur croissance. Reste que le Comité interministériel pour les villes nouvelles ne s'étant jamais réuni, cela a posé nombre de problèmes de coordination, de gouvernance et de déficit d'équipements publics. Les nouvelles villes se sont parfois transformées en ville dortoir, avec des difficultés de transport. Que faire à partir de ces constats? Le Conseil du développement et de la solidarité (CDS) a organisé, le 18 mai dernier, une première rencontre «Ville nouvelle, vies nouvelles» pour contribuer à la réflexion sur la ville de demain réunissant des chercheurs, des architectes urbanistes, des opérationnels étrangers comme le président de Louvain la neuve, une nouvelle ville belge, le responsable du programme des villes nouvelles en France, de grands témoins comme Abdelatif Jouahri, Gouverneur de Bank El Maghreb, Chakib Benmoussa, président du Conseil économique et social (CES), ou Mohamed Hassar, Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur qui avait piloté le projet de Sala El Jadida.
Nous publions en exclusivité les extraits du Livre Blanc du CDS commenté par Mohamed Benamour, président du CDS avec un focus sur les 8 idées fortes pour garantir la réussite d'une ville nouvelle. Idées fortes dont certaines sont au cœur du projet de la ville de Zenata, porté par la Société d'Aménagement de Zenata (SAZ) dirigée par Amine El Hajhouj qui vient de lancer l'appel à manifestation d'intérêt pour réaliser le plus grand projet commercial du Maroc. Son Directeur général nous présente les grandes lignes de cette éco-cité bioclimatique qui devrait accueillir 300.000 habitants et quelque 100.000 emplois et qui est située sur la commune d'Ain Harrouda, entre une façade atlantique de plus de 5 km et l'autoroute qui relie Casablanca à Rabat. «C'est aussi la dernière réserve foncière à l'est de Casablanca déployée sur 1.650 ha,
pouvant absorber un projet urbain intégré de cette envergure», nous confie Amine El Hajhouj
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LE MATIN : Selon une étude de l'Institut national des études démographiques, la population mondiale, qui a septuplé depuis 1800, pourrait se stabiliser entre 9 et 10 milliards d'ici un siècle. Nous sommes aujourd'hui à 7 milliards avec une croissance urbaine très forte au niveau mondial, mais aussi national puisque nous prévoyons d'ici 2030 la construction de 15 nouvelles villes.
Comment analysez-vous ces évolutions ?
AMINE EL HAJHOUJ: Nous avons franchi selon les estimations des Nations unies le cap des 7 milliards d'habitants dans le monde qui, comme l'a souligné le SG des Nations unies ont besoin de logements mais aussi d'eau, d'énergie d'éducation, de santé…C'est dans les pays de l'hémisphère Sud ou les pays «dit émergents» que la population des villes va augmenter le plus, conséquence d'une explosion démographique. Le taux d'urbanisation prévisionnel de ces pays avoisinera les 80% en 2030. Les pays sages sont ceux qui ont préparé leur transition urbaine, élaboré une stratégie réfléchie, structurée avec des fondamentaux de bonne gouvernance. Pour cela, il faudra veiller à des priorités incontournables : développer les infrastructures, assurer les services de base en termes d'accès à l'eau potable, d'assainissement, de transports publics, d'écoles, d'hôpitaux et dispensaires. L'autre priorité c'est de veiller au développement urbain et à l'emploi. Au Maroc, nous avons assisté cette dernière décennie et sous les Orientations de Sa Majesté le Roi à la mise en œuvre des programmes de mise à niveau urbaine, sur le plan national dans 230 villes et centres urbains qui ont bénéficié d'une enveloppe globale de près de 42 milliards de DH consacrés à la réalisation de différents travaux de mise à niveau urbaine, dont l'assainissement liquide et solide, l'éclairage public, les espaces verts, les places publiques, les équipements culturels et sportifs et les espaces communaux. On a assisté également à la création de villes nouvelles pour limiter le développement anarchique des villes ou pour créer des agglomérations multipolaires qui doivent répondre aux défis du développement durable, de l'eau et aux problèmes de l'énergie.
C'est l'ambition de la ville de Zenâta, nouveau pôle urbain situé à l'Est de Casablanca dont le plan d'aménagement est en cours d'approbation au niveau de l'Agence Urbaine ?
Nous sommes effectivement orientés stratégie développement durable et Zenata serait une Eco cité qui prendrait place dans le poumon économique du pays, à savoir le Grand Casablanca. Il faut se rappeler que la capitale économique s'est développée à travers plusieurs plans d'aménagement, d'abord le plan Prost en 1917, ensuite le Plan Ecochard qui introduit le zonage urbain établi à grande échelle, puis le plan Pinseau de 1985 qui implante de nouveaux centres administratifs et redonne à la médina sa centralité au cœur de Casablanca. Enfin, le SDAU de 2010 qui a pour ambition de faire de Casablanca une métropole mondiale intégrée et structurée avec des projets de développement urbain comme Zenata, Anfa, Nouaceur, Sidi Moumen…Il est aussi important de noter que le Grand Casablanca fait face d'une part à une très forte pression démographique puisque l'on estime à 60% l'augmentation du nombre des ménages d'ici 2030, principalement dans les classes moyennes et d'autre part, à de nombreux déséquilibres Est-Ouest notamment en termes de services. Le projet de Zenata a une place toute particulière puisqu'il deviendrait un territoire qui pourrait aider au développement de cette classe moyenne, mais aussi qui rééquilibrerait l'offre de services de l'agglomération vers l'est. Le site se trouve précisément sur la commune d'Ain Harrouda, entre une façade atlantique de plus de 5 km et l'autoroute qui relie Casablanca à Rabat. C'est la dernière réserve foncière à l'est de Casablanca, 1650 ha, pouvant absorber un projet urbain intégré de cette envergure,
Ce que l'on craint le plus c'est la création de ces villes dortoirs sans âme, créées sous pression pour répondre à une forte demande sociale. Qu'en est-il de Zenata et pouvez-vous présenter ce projet de pôle urbain ?
Souvent, quand on pense urbanisme, on pense lotissements et groupements d'habitations sans réflexion intégrée d'un territoire urbain avec toutes les autres problématiques : l'emploi, les infrastructures qui irriguent la ville, la mobilité en général, la culture …le sport. Avec le projet de Zenata, la CDG, en tant que développeur territorial, a voulu éviter cela, d'autant que l'est de la métropole est enclavé, en voie de paupérisation, marqué par des déséquilibres en termes de services comme je l'ai déjà précisé. Je voudrais rappeler qu'il y a déjà eu, dans les années 80 et 90, des tentatives de création de pôles urbains au niveau de ce territoire mais elles ont échoué par manque de moyens de l'Etat en général et de la région en particulier. C'est dans ce contexte que l'on a pensé à un établissement public qui pouvait porter ce projet de Zenata situé dans la deuxième couronne Nord du Grand Casablanca. Notre projet s'est d'abord heurté à la problématique foncière, car 1300 hectares du territoire sont privés, d'où la déclaration d'utilité publique qui a frappé ce territoire en mars 2006 étant entendu que l'on ne peut avancer que dans un territoire suffisamment bien assaini. Ceci demande beaucoup de moyens et d'efforts. On est alors parti sur une réflexion novatrice pour pouvoir épurer le foncier, ce qui nous a coûté à valeur d'aujourd'hui, quelque 7 milliards de DH. On a été accompagné dans cette démarche par des juristes et des experts dans ce domaine qui ont évalué à leur juste mesure les parcelles de terrain. Parallèlement, on a voulu un modèle urbain différent de celui de Casablanca, il laisserait beaucoup de place aux espaces publics et aux espaces verts. En effet, plus de 450 ha du territoire, soit près de 30%, seront consacrés aux parcs verts. Il intégrera une grande diversité de formes urbaines, avec plusieurs polarités et des bâtiments emblématiques qui contribueront à construire l'identité de cette nouvelle centralité urbaine. On a voulu également démarrer le projet par des activités locomotives telles que le parc commercial ou le parc d'exposition qui participeront à la création de l'emploi. Ces activités bénéficieront de la proximité de l'aéroport, des réseaux routier et autoroutier existants, des chemins de fer, d'une zone port sec… Il y aura aussi au-delà des équipements induits nécessaires à l'urbanisation de la ville, un pôle Santé, des équipements médicaux qui permettront aux professionnels du métier de s'installer dans les meilleures conditions au sein du territoire de Zenata. Un pôle universitaire est également prévu qui pourra constituer un pôle d'excellence de formation et de recherche et développement liés aux clusters de la ville nouvelle de Zenata en particulier en termes de santé et d'urbanisme durable
Qui sont les intervenants dans ce projet ?
Le projet de la ville nouvelle de Zenata a émané d'une Volonté Royale. Le 11 février 2006, un protocole d'accord signé sous la Présidence du Souverain a mandaté comme principal opérateur public, la CDG pour piloter le projet d'Aménagement de la ville nouvelle de Zenata à travers sa filiale CDG Développement et sa structure dédiée la Société d'Aménagement Zenata, la SAZ, qui est donc le maître d'ouvrage et qui est la garante de la cohérence globale du projet et de sa mise en oeuvre. La CDG avait la charge de réfléchir avec l'Agence urbaine de Casablanca sur les orientations urbaines de ce territoire et d'élaborer le montage financier adéquat. La SAZ est aménageur mais aussi participant au développement des activités locomotives d'ancrage de la ville dans un souci de cohérence du projet. Nous travaillons en étroite collaboration avec les partenaires du projet, la wilaya de Casablanca, la préfecture de Mohammedia, l'Agence urbaine de Casablanca, la commune de Aïn Harrouda, la région, la ville, les départements ministériels concernés, le CRI, tous signataires du protocole. On vient de lancer un appel à manifestation d'intérêt pour réaliser le plus grand projet commercial marocain. Le portage institutionnel du Parc d'exposition a été trouvé. Ce dernier projet constituerait la vitrine économique du Royaume dont la métropole casablancaise a besoin aujourd'hui.
Un mot sur ce projet commercial ?
Ce projet s'insère parfaitement dans la stratégie de l'Etat à travers son plan Rawaj. En effet, le ministère du Commerce et de l'Industrie l'a intégré comme le 13e projet à réaliser. Il sera conçu ouvert et fermé en parfaite harmonie avec la ville et son développement futur. Et axé sur l'animation culturelle et le loisir. Il prévoit une architecture novatrice intégrant les principes du développement durable en termes de matériaux, d'énergie. Il intégrera une offre très diversifiée avec grandes, moyennes et petites surfaces. Ce sont là quelques principes, il y en a d'autres qui doivent positionner le Projet commercial comme l'un des pôles «supra régionaux» et pionniers du Maroc.
Eco-cité, développement durable. Vous avez, à plusieurs reprises, évoqué ces vocations qui touchent tout un ensemble de défis : Zenata doit tenir ses promesses d'emplois ; de création de richesses sur un mode soutenable en énergie, en ressources naturelles. Il faut en fait inventer une nouvelle manière de faire la ville ?
Oui, tout à fait. Nous nous sommes obligés dés le départ à réfléchir Eco cité même si nous devions faire face à un territoire occupé par des activités industrielles et par plus d'une vingtaine de bidonvilles épars. Le programme de relogement lancé par Sa Majesté en avril 2010 a déjà démarré avec 4000 logements en cours de réalisation et qui seront prêts fin 2012. Pour ce qui est des friches industrielles, nous avons signé une convention de Paix sociale avec les industriels locaux qui continueront à travailler jusqu'à ce qu'une zone industrielle d'accueil soit prête. Celle-ci est prévue fin 2012 début 2013. Quels sont les principes qui nous ont orientés pour le développement durable ? D'abord Zenata sera une ville qui préserverait la mémoire des Zénéths. Plusieurs bâtiments aujourd'hui chargés d'histoire seront conservés et restaurés. Zenata sera une ville où la mixité sociale sera assurée. Elle sera destinée majoritairement aux classes moyennes, une classe émergente dans notre pays et qui souffre de l'accession au logement. Zenata comblera la carence en centralité urbaine de la métropole. Zenata permettra de rééquilibrer l'est par les services et les activités en particulier en termes de santé, d'éducation. Sur le plan environnemental, Zenata sera une ville bioclimatique, ventilée par ses quelque 450 ha de parcs verts où l'eau et les ressources naturelles seront préservées. Espaces verts, bassins de rétention d'eau, parcs irrigués naturellement conçus comme des corridors écologiques végétalisés qui vont favoriser la biodiversité et éviter les inondations ; nous avons également mené une étude sur le traitement écologique du littoral indispensable à une ville s'ouvrant sur la mer. La problématique de la mobilité est au centre de notre réflexion urbaine.
L'un de nos objectifs est de maîtriser les émissions CO2 dans les transports en développant les mobilités collectives dans un territoire qui historiquement est passant. Il nous fallait réorienter cette mobilité et réfléchir sur la mobilité interne en la liant au plan de déplacement urbain de Casablanca. Dans ce sens, la gare multimodale est réfléchie comme nœud central de développement de Zenata. La ligne RER, le tramway de Zenata s'inscrivent dans le réseau de mobilité du Grand Casablanca.
Pour l'aspect économique et comme évoqué, il y a un équilibre entre emplois et habitat. On prévoit la création de 100.000 emplois pour 300.000 habitants, un ratio en phase avec le label éco cité. La construction d'une cité balnéaire attractive permettant de restituer la plage aux citoyens, et l'intégration du pôle économique régional avec le Parc d'exposition, le parc commercial et le secteur tertiaire : de grands projets d'ancrage permettant une bonne intégration sociale. L'aménagement du territoire passe aussi par le développement et la mise à niveau de l'agglomération d'Ain Harrouda qui doit être au rendez vous avec ce que va être Zenata. En bref, La réflexion que nous menons avec nos partenaires et nos urbanistes aujourd'hui est bâtie sur les trois ou quatre piliers du développement durable : équilibrer les enjeux sociaux environnementaux et économiques, maîtriser l'empreinte écologique tout en assurant l'équilibre financier du projet et enfin tenir compte de l'aspect gouvernance du territoire.
Quelles sont les études lancées par la Société d'Aménagement de Zenata ?
Une étude urbanistique pour élaborer le plan d'aménagement de la nouvelle ville tracé en étroite collaboration avec l'agence urbaine de Casablanca, une étude d'impact sur l'environnement du territoire, une étude de marché et de positionnement stratégique globale, toutes les études techniques nécessaires à l'aménagement du territoire, et d'autres études spécifiques nécessaires à la mise en œuvre des activités d'ancrage. Toutes ces études sont achevées où en cours d'achèvement. Le projet de l'éco cité casablancaise est aujourd'hui prêt à sortir de terre. Son édification, je l'espère, sera une fierté pour notre pays.
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Le CDS : une intelligence collective pour une dynamique gagnante
Né de la volonté de fédérer les efforts et de stimuler la créativité des acteurs publics et privés, le Conseil du Développement et de la Solidarité (CDS) a pour vocation de contribuer à la construction d'un Maroc moderne et compétitif, ouvert sur le monde et soucieux de préserver son patrimoine naturel et culturel. Suivant une démarche indépendante, participative et citoyenne, la CDS crée le débat et étudie les leviers d'une croissance durable, d'une solidarité active et d'un partage équitable des richesses.Institution indépendante et sans but lucratif, le CDS s'est fixé les missions suivantes :
• Analyser les réformes en chantier sous les regards croisés d'experts nationaux et internationaux
• Débattre des feuilles de route à adopter en vue d'accroître la productivité globale de l'économie marocaine et sa résilience aux chocs
• Proposer des mesures opérationnelles assurant la convergence des efforts publics et privés ainsi que la nécessaire adaptation à un environnement international en perpétuelle mutation.
Crée par Mohamed Benamour, qui a été le concepteur de Vision 2010 Tourisme, le CDS regroupe des personnalités marocaines et étrangères de différents horizons : chefs d'entreprises, consultants, avocats, architectes, intellectuels, artistes, journalistes, universitaires, représentants d'associations et d'ONG …autour de commissions sectorielles. Ces commissions travaillent sur les piliers de la croissance économique et du développement humain. Elles apportent leur expertise pour organiser et alimenter des débats, consignés dans les « Cahiers du CDS, Idées et débats». Les prochaines rencontres porteront sur «Les relations Sud-Sud : pour un partenariat rénové pour l'Afrique» et «l'Enseignement préscolaire : un premier pas pour un enseignement de qualité».
