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«Doter le pays de compétences à la hauteur des ambitions affichées est le défi majeur à relever»

L'INAU fête son 30e anniversaire et organise un colloque international sous le thème: «Urbanisation et politiques urbaines : les défis de la durabilité».

«Doter le pays de compétences à la hauteur des ambitions affichées est le défi majeur à relever»
LE MATIN : L'Institut national d'aménagement et d'urbanisme (INAU) organise, pour fêter son 30e anniversaire, un colloque international consacré au thème : «Urbanisation et politiques urbaines : les défis de la durabilité». Avant de se pencher sur ce thème, pouvez-vous dire un mot sur l'Institution elle-même ?

ABDELAZIZ ADIDI: L'INAU est un Institut de formation, de recherche et d'expertise dans les domaines de l'urbanisme, de l'aménagement du territoire et du développement territorial. Il est, en effet, le seul établissement de formation au Maroc dédié aux questions relatives à l'organisation de l'espace et aux différents instruments d'intervention sur celui-ci. L'INAU place ses interventions particulièrement au service de la promotion et du développement des compétences spécialisées dans le domaine, de l'engagement de programmes de recherches en matière d'aménagement et d'urbanisme et enfin de la conduite des études commanditées par l'administration, les organismes, les établissements publics et les collectivités locales. Ce sont là trois domaines qui structurent l'intervention qui se déploie au bénéfice des institutions et acteurs concernés à l'échelle du Maroc et au-delà des frontières nationales, notamment en direction des pays du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne.

Le colloque international qui se déroule le 28 et 29 avril a pour thème « Urbanisation, politiques urbaines : les défis de la durabilité » et verra la participation d'universitaires, de chercheurs et de décideurs centraux et locaux, mais aussi des élus et des représentants de la société civile. Quel est l'objectif in fine de ce colloque ?

L'organisation de cet événement sera mise à profit également pour faire le bilan de l'intervention de l'Institut depuis sa création à nos jours, identifier les nouveaux enjeux et défis à relever et esquisser les perspectives de développement de ses contributions. L'exercice, au regard du contexte particulier que connaît notre pays, interpelle tous les acteurs de la formation. Le Maroc est aujourd'hui un pays en mouvement qui se modernise, s'équipe, se dote progressivement de stratégies sectorielles concertées et libéralise des pans entiers de son économie, dont il prépare l'intégration réussie dans l'espace euro-méditerranéen. Doter le pays de compétences à la hauteur des ambitions affichées est sans conteste le défi majeur à relever au cours des prochaines années, en ce sens que la qualification du facteur humain, principale richesse nationale, constitue la grande avenue pour rattraper les retards cumulés, atteindre un nouveau palier de développement et enregistrer les rythmes de croissance tant attendus. La dynamisation de la formation continue, la création de masters spécialisés et l'ouverture récente d'une formation doctorale sont les premières réponses que l'INAU apporte dans ce sens, qu'il entend développer et qui participent de l'effort de mise à l'écoute de l'environnement et de la volonté d'accompagner les chantiers de développement du pays. Enfin, la conférence internationale sera l'occasion pour donner le coup d'envoi d'une série d'activités qui rentrent dans le même cadre, qui vont ponctuer toute l'année et prendront la forme de séminaires ou de tables rondes pour alimenter la réflexion sur ce sujet qui est au cœur des politiques publiques.

Le développement urbain, l'urbanisation, a marqué les cinquante dernières années. Un mot sur cette tendance lourde qui s'accentue encore plus aujourd'hui.

Depuis les années 50, le Maroc connaît un rythme d'urbanisation accéléré avec une augmentation moyenne de 4% par an, contre 2,5% au niveau mondial. Il a vu ainsi sa population urbaine se multiplier par 6, en passant de 3 millions en 1960 à 18 millions en 2010, soit 15 millions de plus en 50 ans. Ce rythme d'urbanisation pose de véritables défis dans le domaine de la lutte contre les différentes formes d'exclusion urbaine, d'habitat insalubre, de sous-emploi, de sous-équipement, etc. Les études préalables à l'élaboration du schéma national d'aménagement du territoire ont débouché sur la reconnaissance de la prééminence de la ville comme moteur de développement économique. Alors que, pendant longtemps, l'urbanisation ou, plus précisément, la croissance urbaine avait été perçue comme un fléau à endiguer, la ville est considérée aujourd'hui comme un espace de création de richesses et un moteur du changement social. Nous sommes donc face à ce double défi, lutte contre l'exclusion et compétitivité économique, de grandes questions de gouvernance urbaine se posent. Les rencontres des collectivités locales d'Agadir, puis le Forum national sur le développement urbain ont dégagé des diagnostics et des recommandations qui restent toujours à l'ordre du jour, notamment la nécessaire convergence et mise en cohérence des politiques publiques sectorielles dans leur territorialisation (agriculture, industrie, tourisme, santé, éducation, programme villes sans bidonvilles, INDH).
Cette question touche aussi bien au cadre de référence du développement urbain qu'à la mise en cohérence de l'action des pouvoirs publics dans les politiques directement liées à la ville (niveau de déconcentration-décentralisation, rôle des walis, etc.). Au-delà de la fourniture des principaux services urbains, les collectivités locales sont appelées à jouer de nouveaux rôles d'animateurs économiques et de gestionnaires, en partenariat notamment avec le secteur privé.
Elles sont amenées à se prononcer plus fréquemment sur des projets économiques ou sociaux d'une grande complexité, tels que la nécessité de concilier la gestion urbaine et la préservation et la gestion rationnelle des ressources (principalement l'eau et l'énergie), la prévention des dangers écologiques, des risques de catastrophes et des déséquilibres sociaux.

Il y a une autre inflexion forte qui se décline à travers le monde et qui relève de la responsabilité collective, c'est celle du développement durable. On assiste aujourd'hui à une prise de conscience et à un premier début d'action avec l'introduction du programme d'efficacité énergétique dans le bâtiment.
Quel est votre sentiment à ce sujet ?


Le développement durable n'est pas lié exclusivement à la préservation de l'environnement, mais englobe plus largement les problèmes économiques et sociaux et la question de la gouvernance. En d'autres termes, la notion de «développement durable» est un agencement et une conciliation entre l'économique, le socio-spatial (ou le territorial), l'écologique et l'institutionnel. C'est dans cet objectif, et en commémoration du 30e anniversaire de la création de l'Institut national d'aménagement et d'urbanisme (INAU), que nous organisons ce colloque international sur «Urbanisation et politiques urbaines : les défis de la durabilité». Il s'agit d'exposer l'état des questionnements et des chantiers mis en œuvre dans ce sens au Maroc et d'en débattre en comparaison avec des expériences étrangères. Ce colloque ne sera nullement un événement de mise au point de ces politiques, mais davantage l'occasion d'instaurer des ponts entre des opérateurs, des élus et des chercheurs. L'ensemble des réformes institutionnelles et leur mise en œuvre dans la ville (nouvelle charte communale, Stratégie nationale de développement urbain, INDH, etc.), les différents modes de faire innovants introduits par certains acteurs urbains (sociétés d'économie mixte, structures ad hoc de gestion, etc.) constituent autant d'expériences à partager dans leur prolongement en termes de formation. Ce colloque est une occasion pour interpeller la formation en aménagement et urbanisme au Maroc à travers les défis du développement urbain durable et ses exigences en termes de nouveaux métiers de la ville.

Quels sont les thèmes qui seront traités au cours de ces deux journées organisées par l'INAU ?

La «Planification stratégique, projet de ville et développement durable», qui cible trois échelles territoriales, les villes moyennes, les grandes villes moteurs de croissance économique et enfin la métropole nationale avec la nécessité de se positionner à la bonne échelle avec des dispositifs de «gouvernance». Le deuxième thème, c'est «la Gouvernance urbaine entre les nécessités de la compétitivité économique et la lutte contre l'exclusion sociale», qui s'inscrit aussi dans une réflexion large sur la planification territoriale au Maroc, échelles, territoires et institutions, quelles articulations ? Le troisième axe est relatif à l'«Environnement urbain et soutenabilité institutionnelle» et le dernier axe traitera des «Nouveaux enjeux, nouvelles compétences». Le développement urbain durable pose de véritables défis au système de formation traditionnel. Il suppose de repenser et évaluer les instruments de gouvernance, de développer des métiers de conception alimentés par une large connaissance des contextes politiques, sociaux et environnementaux dans lesquels elle se fait, de multiplier les métiers d'accompagnement des populations et d'intermédiation et d'animation territoriale, et enfin d'ouvrir le champ de l'évaluation à une expertise bénéficiant d'une éthique et de garanties professionnelles. Les réponses à ces défis, en termes de formation, seront à débattre à travers l'expérience marocaine, celle d'autres pays et les perspectives à ouvrir.
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