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«Selon la loi, c'est l'ANRT qui veille au respect de la concurrence dans le secteur des télécoms»

Les éclairages du directeur général de l'ANRT suite à la récente étude sur la concurrence.

«Selon la loi, c'est l'ANRT qui veille au respect de la  concurrence dans le secteur des télécoms»
Azzeddine El Mountassir Billah
LE MATIN: Quel a été votre ressenti à la lecture de l'étude commandée par le Conseil de la concurrence qui est selon mes confrères un véritable pavé jeté dans la mare ?
AZZEDDINE EL MOUNTASSIR BILLAH:
L'étude est d'une telle approximation qu'elle n'a d'étude que le nom. D'autre part, les sous estimations, les sous-entendus sur des choses importantes font que l'on se pose beaucoup de questions sur les objectifs d'une telle étude. Nous ne disposons pour le moment que d'une trentaine de pages rendues publiques de l'étude que vous évoquez. Une première lecture me fait poser une question de fond : peut-on qualifier ce travail d'étude ? le commanditaire lui-même semble ne pas lui donner ce qualificatif. L'étude se fonde sur des statistiques et des chiffres obsolescents. Quand on cite des chiffres de la consommation des ménages de 2001 et qu'à l'intérieur, on prend les chiffres communication et transport, cela veut dire que l'on diffuse des chiffres obsolètes et que la partie telecom et l'étude le souligne, ne peut pas être isolée, cela veut dire que l'on diffuse des données obsolètes et erronées pour essayer d'en tirer des conclusions. En feuilletant ce document, on se rend compte qu'il n'y a pas de chiffres portant sur le parc, sur les chiffres d'affaires, les évolutions du marché sur les dix dernières années. Il y a par contre beaucoup de suppositions, des sous entendus et des …probablement. Est-il concevable de faire un travail sur un secteur qui est l'un des moteurs de la croissance de l'économie du pays, qui draine de l'investissement en utilisant des termes du style : perception, probable, il se peut que ….tout cela, ne relève pas du professionnalisme, de la précision, sauf si le but est ailleurs et non pas un examen serein du secteur. Il faut rappeler que ce secteur a drainé entre 1995 et 2005, 50% des investissements étrangers au Maroc et qui continue à le faire, le dernier en date est celui de France Télécom. Une première transaction avait permis aux Espagnols et aux Portugais de vendre leurs participations à leurs partenaires marocains et que moins d'un an plus tard, l'un des plus grands opérateurs mondiaux vient offrir prés de 30% de plus-value pour prendre 40% ! Les Marocains qui étaient minoritaires se retrouvent donc majoritaires avec 30% de plus-value. Pensez-vous que ces investisseurs ont investi dans un pays où il y a un risque réglementaire ? Non madame, l'agence est crédible, elle l'a toujours été, sa crédibilité est reconnue par les institutions internationales. Dans un contexte international et régional en mutation, notre pays reste un pays crédible et les signaux forts qui nous viennent de l'extérieur en témoignent. Il y a donc un réel problème de responsabilité qui se pose.

Un mot sur le rôle et la mission de l'ANRT qui selon les auteurs de cette étude doit être plus présente sur le terrain de la réglementation que sur celui de la régulation, soulignant au passage que le régulateur devrait être plus vigilant pour faire respecter les règles ?

Le rôle dévolu à l'agence depuis la libéralisation du secteur n'est pas seulement celui de la régulation mais de l'accompagnement du développement du secteur. La régulation n'est qu'un aspect car l'ANRT a accompagné l'aménagement du pays en infrastructures télécoms. ON n'est pas là uniquement pour que les opérateurs offrent des services dans les régions où c'est rentable. On est là pour que tout Marocain, à n'importe quelle région, puisse avoir accès aux services des télécoms, là où il se trouve. Fin2011, nous atteindrons la couverture des 100% de la population marocaine. Dans le cadre du projet universel, notre projet vise à équiper en infrastructures télécoms 9300 villages dont la moitié relève de l'INDH. 2,3 millions de Marocains sont en train d'être équipés par les services de télécommunication. Voilà un aspect de développement qui a été fait par l'agence indépendamment du processus de libéralisation qu'elle a mené tout au long de ces dix dernières années.

Pour une bonne compréhension des évolutions, quel était l'état des lieux du secteur avant la libéralisation ?

Dans les années 90, on disait que l'on avait le taux de pénétration des télécoms qui correspondait à celui de la croissance du PIB du Maroc qui était bas. On libéralise le secteur et une décennie plus tard, il devient une locomotive pour tirer le taux de croissance vers le haut, lequel atteint 5% du PIB et qui permet de développer beaucoup d'activités dont celle de l'offshoring qui crée des milliers d'emplois et qui pèse aujourd'hui 6 milliards de DH. Cela montre que la libéralisation du secteur a été une réussite, même si celui-ci ne peut avancer, évoluer sans problème que l'agence tente de régler.

Vous insistez beaucoup sur les résultats du processus de libéralisation. Qu'en est-il réellement ?

En fait, il y a eu trois phases. En 1998, nous avons eu le lancement de la première GSM qui de l'avis de tous a été une réussite par sa transparence, par son apport au pays, soit quelque 13 milliards de DH. C'est à ce moment là, que Feu Hassan II décide de créer le fonds Hassan II qui sera doté de 7 milliards de DH émanant de la recette de la licence de Méditel qui accompagnera la création de Tanger Med, l'extension du réseau autoroute et d'autres infrastructures. De 2004 à 2008, il y a eu une phase de consolidation du secteur parce qu'il fallait l'ouvrir à d'autres opérateurs. C'est durant cette phase que le secteur va connaitre sa plus forte croissance. En 2009, nous passons d'une phase de développement à une phase de régulation. Nous avions fait lors de mon premier conseil d'administration à l'agence en 2008, que si le marché s'était développé, les prix n'avaient pas baissé au niveau souhaité. Ce constat est acté et écrit dans la note d'orientation publiée par l'agence et à partir de là, nous avions décidé de prendre un certain nombre de mesures.

Cette question des prix trop légèrement en baisse est au cœur de ladite étude qui constate la faiblesse de l'intensité concurrentielle. Quelles mesures avez-vous prises ?

En résumant je rappellerai le lancement d'un appel d'offre pour l'octroi d'une troisième licence de GSM en partant du principe que l'un des leviers de la régulation c'est la concurrence. Nous avons décidé de baisser les tarifs d'interconnexion qui sont facturés entre les opérateurs de près de 70% sur trois ans avec des asymétries tarifaires entre les trois opérateurs parce que nous avions estimé, chiffres des experts à l'appui, qu'il fallait des asymétries tarifaires entre l'opérateur historique Méditel et le troisième entrant. Notre objectif étant de stimuler la concurrence et d'offrir un espace pour permettre le développement de l'ensemble des acteurs du marché. Nous avions pris une troisième décision extrêmement importante, celle d'interdire les écarts tarifaires sur le prépayé entre les communications à l'intérieur d'un réseau et vers les réseaux des autres opérateurs. Ces trois mesures ont produit des résultats tangibles depuis trois ans en matière de prix. On constate que le prix moyen à la minute du pré payé sur la période 2009 -2010a baissé de 20% et qu'entre 2010 et la fin du premier trimestre 2011, la baisse est de 30% sur le pré payé à la minute. Aujourd'hui, on peut affirmer que le prix moyen à la minute, ce que l'on appelle le revenu moyen par minute encaissé par les opérateurs est à 0,89hors taxe.

Pourquoi n'appliquez-vous pas la tarification à la seconde comme on le fait dans d'autres pays ?

Le Maroc a fait un choix, celui de la liberté de commercer. Il y a une loi qui permet aux gens qui commercent de fixer librement leur prix. La manière de fixer le prix est une prérogative qui est entre les mains des opérateurs comme elle l'est entre les mains des banques pourvu que des règles soient respectées. Chaque opérateur choisit la méthode de facturation qu'il souhaite. L'un des opérateurs a choisi de facturer ses prestations à la seconde. Quand on regarde le benchmark dans le monde, il y a certains pays qui ont promulgué une loi rendant obligatoire la mise en place d'au moins une offre facturée à la seconde.
C'est ce que nous avons proposé dans le cadre d'un texte de loi qui est en cours d'examen. Si cette proposition venait à passer, les opérateurs auront l'obligation de faire au moins une offre basée sur la tarification à la seconde. Dans les pays où cela a été fait sous forme d'options et non pas de choix stratégique marketing de l'opérateur, le nombre de clients qui ont choisi la facturation à la seconde reste relativement faible. Autant dire que cette problématique des règles de vente reste entre les mains de l'opérateur qui établissent leurs stratégies commerciales.

Il y a aussi une autre question importante révélée par l'étude, c'est celle du partage des infrastructures contre un prix raisonnable, les risques d'abus de position dominante et d'entente illicite sur les prix. La charge est lourde et sous d'autres cieux, les opérateurs sont durement sanctionnés ?
Il faut rappeler un certain nombre de faits : depuis sa création, l'agence a traité une vingtaine de litiges. Aucun n'a donné lieu à un recours auprès du tribunal administratif. Les verdicts qui ont été rendus par le comité de gestion de l'agence présidé par le Secrétaire général du gouvernement et des personnalités du monde privé n'ont jamais été remis en cause et toujours acceptés par toutes les parties. C'est là une preuve de transparence.

Il n'y a donc pas d'entente entre les opérateurs ?

L'étude évoque une similitude de prix sans donner aucun chiffre, or nous savons que les prix au niveau des opérateurs ne sont pas les mêmes. Comment voulez vous qu'un opérateur qui a démarré son activité depuis 15 mois puisse atteindre une taille de parts de marché de l'ordre de 15%, s'il n'y avait pas de concurrence entre les opérateurs ? Laisser supposer qu'il y a des ententes, ce sont des insinuations non fondées et non affirmées. Ces concepts d'abus de position dominante, d'entente sur les prix, ce sont des choses précises qui ont une portée juridique. On ne peut pas juger des intentions, on porte ces jugements quand on a des faits, des preuves. Si maintenant les buts de l'étude est d'argumenter le fait que le Conseil de la concurrence doit récupérer les prérogatives de l'ANRT, je trouve que le procédé devrait être plus éthique et plus responsable.

Question de fond : y a-t-il un conflit de compétences entre le Conseil de la Concurrence et l'ANRT ?

Non, il n'y a pas conflit de compétences. La prérogative de la gestion de la concurrence du secteur des télécoms a été confiée à l'ANRT par la loi 2004.C'est l'ANRT qui veille au respect de la concurrence dans le secteur des télécoms. La prérogative existait déjà, elle a été renforcée en 2004 en confiant à l'Agence les articles 6, 7 de la loi 6-99 qui concernent la concurrence.

L'étude évoque des règles floues, et une agence qui manque de poids. Cela rappelle certaines critiques du temps de M. Terrab qui avait démissionné de l'agence ?

Les prérogatives de l'agence sont déclinées en fonction de l'évolution du marché et de l'environnement. En 1998, il y a eu des prérogatives qui ont permis à l'agence de travailler et d'ouvrir le marché, lesquelles ont été élargies en 2004, des modifications importantes ont été apportées à la loi. Au vu des évolutions que le marché a connu depuis cette date, nous avons un projet de texte qui est déposé au secrétariat général du gouvernement pour élargir encore plus les prérogatives de l'ANRT. Nous avons travaillé sur la relation entre consommateurs et opérateurs. Dans la nouvelle mouture, il y a plusieurs articles qui clarifient les règles contractuelles entre l'opérateur et le consommateur : engagement sur les règles commerciales, sur les conditions de résiliation et sur les conditions de qualité de service. Tout cela doit être fixé dans le contrat. Plus que cela, nous proposons à ce que l'ANRT ait le pouvoir d'imposer aux opérateurs de modifier les clauses contractuelles, cela veut dire que si l'on constate que des indicateurs de qualité de service ont été nouvellement adoptés au niveau mondial, on se donne la possibilité de les faire évoluer au Maroc.
C'est l'aspect relation avec le consommateur, il y a aussi la gestion de la publicité. Le deuxième aspect est relatif aux relations entre l'agence et les opérateurs. Nous avons proposé de clarifier un certain nombre de concepts au niveau du texte de la loi. Aujourd'hui, quand il y a un problème d'interconnexion, nous passons par le comité de gestion, nous proposons que cette prérogative soit du ressort de l'Agence pour que nous puissions aller plus vite, nous proposons de nouvelles règles pour le partage des infrastructures entre les trois opérateurs et de rendre public les catalogues d'infrastructures à partager. Un autre point important indiqué dans la note d'orientation, nous proposons à ce que l'Agence ait le pouvoir de sanctionner financièrement les opérateurs en cas de non-respect de la réglementation en vigueur en imposant des amendes graduelles.

Ces propositions figurent dans le projet de loi 24-98. Mais va-t-on vers une réelle indépendance de l'ANRT ?

L'ANRT a toujours été indépendante. Le fait que ses organes de gestion soient sous forme de Conseil d'administration, de direction générale et de comité de gestion ne veut pas dire que l'ANRT n'est pas indépendante. Mais l'ANRT, je le répète n'a pas pour seule vocation la régulation. Il y a bien sûr cet aspect mais aussi le développement du secteur. Si on devait la cantonner dans son seul rôle de régulateur, il faudrait sans doute revoir ses structures. Mais c'est aussi à côté de la régulation, le développement du secteur et l'actuelle architecture de l'Agence est une architecture idoine. Nous avons un Conseil d'administration présidé par le Premier ministre et où sont représentés les principaux ministères, le secteur privé et à coté de cela un comité de gestion de service universel qui s'occupe de la généralisation de l'accès au service à l'ensemble de la population marocaine. Le Comité de gestion présidé par le Secrétaire général du Gouvernement et qui compte trois personnes du privé et un représentant du ministère de la Justice tranche sur les litiges. Nous avons les organes qu'il faut pour travailler dans la nouvelle mouture, nous proposons la création d'une structure collégiale pour la prise de décision en matière de sanction. Les prérogatives de l'Agence évoluent avec l'évolution du secteur.

Allons jusqu'au bout de notre réflexion, n'y a-t-il pas un problème de gouvernance ?
Il n'y a pas de schéma préétabli. Chaque pays s'inspire de ce qui se fait autour de lui en tenant compte de son histoire, de son présent …Le Conseil de la Concurrence qui veut hériter des prérogatives de la gestion de la concurrence dans le secteur des télécoms, reconnaît dans l'étude que le législateur a confié cette tâche à l'ANRT en 2004 du fait que l'exercice de cette tâche requiert une certaine expertise. Je me pose aussi une autre question : est ce que les problèmes de la concurrence dans le secteur des télécoms seraient les seules priorités pour une instance transverse qui a un ensemble de secteurs non régulés ? Nous avons au Maroc quelques secteurs régulés comme celui des télécoms, de la banque, des assurances… il y a fort à faire dans les 200 autres secteurs…

Vous travaillez dans ce secteur depuis les années 80. Quel regard posez-vous sur son évolution ?
Quand j'ai commencé ma carrière, le Maroc avait 375 000 lignes de téléphone. Le délai d'attente moyenne pour satisfaire une demande était de 75 mois ! L'ONPT peinait à disposer de ressources pour investir dans l'infrastructure de la téléphonie parce que les télécoms étaient considérés comme un service qui ne faisait pas partie des nécessités de base.


Nous avons atteint avec beaucoup de difficultés en 1997, 1,8 million d'abonnés en téléphone fixe. Il y avait deux théories, ceux qui voulaient que le secteur soit libéralisé pour stimuler le taux de croissance et les autres qui étaient contre parce que disaient-ils la demande n'était pas solvable ; nous devons la libéralisation à Feu Hassan II qui avait pris la décision suffisamment tôt. Nous avons été précurseurs en matière de lancement des appels d'offres. Le Maroc a lancé son appel d'offres pour sa licence en 1999. Celle ci a rapporté 11 milliards de DH plus 2 milliards de TVA. Un an plus tard, nos voisins algériens ont lancé leur appel d'offres, ils ont encaissé 737 millions de dollars c'est-à-dire la moitié, la Tunisie a lancé le processus en 2002, elle a encaissé 443 millions de dollars. En étant précurseur le Maroc a mieux valorisé son entrée sur le marché et à partir de là, la concurrence a commencé à se développer autour de deux opérateurs, l'opérateur historique Maroc Telecom et aussi Méditel.
Il y a eu la deuxième phase de libéralisation à partir de 2006, qui a permis d'ouvrir tous les compartiments du marché. Cette ouverture a permis le développement de l'offre, la généralisation de l'accès … A valeur d'aujourd'hui, nous sommes à 37 millions, entre mobile fixe et mobilité restreinte. Pour les prix on est à 0,89 ct hors taxe pour le prépayé, à 0,70 ct hors taxe pour le post payé.
L'investissement moyen par an réalisé par les trois opérateurs sur les trois années est de 6 milliards par an. Globalement, nous avons un secteur où l'offre se développe, l'usage croît, les prix baissent, et une croissance continue ce qui pousse les investisseurs à investir. C'est sur cette équation que nous travaillons pour que la demande continue et que les prix baissent que le marché croit pour attirer les investisseurs.

Un mot pour conclure ?

Au niveau de l'ANRT, nous sommes factuels, nous parlons d'un secteur qui fait la fierté du pays au niveau régional, chiffres à l'appui.
Nous préparons le futur en travaillant sur le plan national à très haut débit parce que nous voulons que nos écoles, nos entreprises, nos hôpitaux, nos bureaux d'Etat civil …puissent disposer d'Internet à très haut débit parce que nous croyons que le monde de demain sera fait de l'accès à Internet avec de l'image animée pour la télémédecine, pour les cours interactifs. …notre travail aujourd'hui est de préparer sereinement cet avenir. n
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