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«Le conte nous plonge rapidement dans un monde onirique»

L'artiste soliste Vanessa Paloma vient de faire paraître son deuxième ouvrage sur les contes du nord du Maroc. la parution en anglais: «The Moutain, the desert and the Pomegranate : stories of Morocco and beyond» devrait bientôt être suivie d'une traduction.

«Le conte nous plonge rapidement dans un monde onirique»
LE MATIN : Pourquoi avoir choisi d'écrire un livre sous forme de contes ?

VANESSA PALOMA :
En fait, moi j'adore lire les contes. Je pense qu'étant donné que le conte est écrit dans un format court, il a la faculté de nous plonger rapidement dans un monde onirique. C'est donc plus facile pour les gens de lire un style plus léger, plus accessible, même si on est en présence d'idées profondes.

Pour pénétrer votre nouveau livre, quel angle de lecture recommandez-vous pour un public d'amateurs ?

C'est simple. Je pense qu'il faut juste le lire avec un esprit ouvert, ce qui permet au lecteur de voyager à travers le contenu.

D'où vous vient votre passion pour l'écriture ?

En fait, je suis chanteuse à la base et les chants que j'interprète sont issus d'une tradition orale racontant des histoires. C'est donc une manière orale d'écrire et les personnes ont tendance à relier l'écriture au papier, alors que les mots restent les mots. Personnellement, depuis toujours, j'adore l'écriture et les chants et c'est justement cette relation avec les mots, les histoires et les contes qui m'a incitée à aller vers l'écriture.

Que pensez-vous de la littérature marocaine ?

D'abord, il est très important de rappeler que la littérature marocaine est très ancienne et repose en grande partie sur la tradition orale. En effet, cette dernière est d'une richesse incroyable ! Et malheureusement, nous avons tendance à oublier ce côté oral. Quand il s'agit de littérature, on pense principalement au côté écrit et sacré du livre. Or, ce n'est pas toujours vrai. L'oral est plus fort que l'écrit, car il existe en chacun de nous. C'est la mémoire des anciens (les grands-parents, etc.). Dans ce sens, c'est une richesse, un héritage millénaire de la littérature marocaine qu'il faut valoriser et mettre en avant.

Qu'est-ce qui vous plaît particulièrement dans le genre du conte ?

Dans ce livre, il y a une partie qui relève purement de la fiction et une autre qui découle d'un vécu, d'une expérience personnelle que j'exprime. Et c'est justement dans cet apport varié que réside la richesse du conte. Chaque rencontre ayant sa magie et ce genre d'écrit donne du sens à ce qui est oublié, tout en faisant passer un message profond.

Vous avez grandi en Colombie, à Puerto Rico et aux États-Unis. Comment s'est fait le passage d'une culture à l'autre, par exemple pour écrire ce livre, qui trouve ses racines dans la culture marocaine d'antan ?

Je pense qu'on a trop tendance à se focaliser sur la différence des gens et à oublier ce que nous avons en commun. D'ailleurs, j'ai toujours pensé que le Maroc était très proche de l'Amérique latine et qu'il n'y avait pas une très grande différence entre ces deux cultures. J'ai toujours dit que le Maroc, c'est la Colombie en arabe. En partie, bien sûr, mais il y a plusieurs similitudes et c'est sur ce fond commun qu'il faut travailler. À ce propos, je prends l'exemple d'une chaise. Bien que cette dernière ait des appellations différentes d'une langue à l'autre, elle reste quand même une chaise en fin de compte. Et c'est là l'idée qu'il faut avoir et transmettre, à savoir qu'il y a des choses communes à l'humanité, avec des différences d'une culture à l'autre, et c'est justement cela qui fait la richesse de l'humanité.

On dit parfois que les contes nous plongent dans un monde irréel, fait de rêves et de fantasmes. Qu'en pensez-vous ?

À mon sens, il faut aller au-delà des apparences, car il y a d'autres niveaux de la vie, qui se déroulent en même temps que notre quotidien. D'où la nécessité de s'ouvrir à d'autres expériences, d'autres «mondes».

Parlons de votre nouveau roman. Comment est née l'idée de départ ?

En fait, je suis soliste à la base et aussi chercheuse en ethnologie. Donc voilà, j'avais des contes écrits antérieurement et ce que je chante est en étroit rapport avec les contes, exprimant parfois une réalité et parfois de la pure fiction. Donc voilà, du fait des thèmes que je chante, on m'a demandé d'écrire un livre pour mettre cet héritage oral sur papier. Au début, j'étais réticente et gênée, puisque ce n'était pas là mon métier, mais après je me suis rendu compte que tout mon travail, ma vie étaient autour du conte et que, d'une certaine façon, traduire cette littérature orale à l'écrit était en quelque sorte un devoir. C'est ainsi que j'ai décidé de me mettre à l'écriture.

Ce roman est intimement lié à votre pays d'origine, le Maroc. Que pouvez-vous nous dire sur votre relation à ce pays ?

J'ai des racines remontant à cinq générations au Maroc et suis originaire de Tétouan. Et c'est là une partie de mes racines. Au début, je suis venue en tant que chercheuse dans le domaine de l'ethnologie (les chants judéo-marocain des femmes du nord) pour ensuite m'installer définitivement. Une décision «mûrement» réfléchie, qui comporte un côté positif et, bien sûr, un aspect difficile, lié à l'intégration.

Votre roman est un véritable éloge du chant, où puisez-vous votre inspiration ?

C'est le chant qui m'inspire, surtout lorsqu'on voit ce moment de communion entres les gens que le chant crée. À mon avis, le chant a une grande force de ralliement, de cohésion… Pour transmettre une émotion pure, pour unifier les gens en les rassemblant autour d'un héritage commun. D'ailleurs, dans ce livre, il y a un compte qui s'appelle «Estrella» qui veut dire étoile.

Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

En ce moment, je travaille sur plusieurs projets différents. Une recherche sur les femmes musiciennes au Maroc et je prépare également un mon travail doctoral à l'INALCO (La Sorbonne) par rapport aux femmes juives du nord du Maroc et la tradition orale, cette hybridité identitaire qui est très importante à découvrir pour faire un travail d'archivage.
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