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Pardonne, pardonne pas

Certes quand on se marie, on se promet amour et fidélité. Mais un petit coup d'œil sur notre société nous montre que la réalité est loin d'être une démonstration de cette promesse.
C'est un bien triste jour pour Fatima, 56 ans, elle vient de perde son mari. Décédé la veille, haj Abdallah, 68 ans, était connu dans tout le quartier comme étant un exemple de droiture. Un homme pieux, honnête et très généreux. Depuis sa retraite, il passait le plus clair de son temps, chez lui, entouré de sa femme et de ses petits enfants.

Pardonne,  pardonne pas
Selon les psychanalystes, le pardon est impossible. On ne pardonne jamais une infidélité, mais on oublie. La Marocaine pardonne pour le bien de son foyer et pour les autres.
Assise au milieu de ses proches, venus lui présenter leurs condoléances, Fatima, habillée en blanc (signe de deuil), pleure en sanglots en se remémorant les merveilleux moments passés avec son défunt mari. Une femme s'avança jusqu'à elle. Habillée en blanc aussi et trainant deux enfants avec elle, elle lança: «Je te présente mes condoléances ma sœur. Aujourd'hui toi et moi, nous partageons la même douleur et le même deuil».
Choquée par ces propos et ne comprenant pas pourquoi cette femme portait du blanc, Fatima demanda des explications. La jeune femme annonça qu'elle était la 2e épouse du défunt et présenta ses fils, comme étant les enfants de haj Abdellah. Fatima n'en croyait pas ses oreilles. Son mari ne pouvait pas avoir eu une autre femme. Ils ne se quittaient presque jamais… Sauf quand il allait à la mosquée.

Il ne ratait la prière de l'aube (Al Fajr) sous aucun prétexte ! Convaincue par le récit de la 2e épouse, qui avait apporté les documents justifiant et son mariage avec le défunt et la paternité de ses enfants, Fatima jeta les habits de deuil et décréta qu'elle n'avait plus d'enterrement à honorer. Quelques semaines plus tard, elle quitta le pays et alla vivre avec l'un de ses enfants en France.
Fatima n'est pas la seule à avoir réagi de la sorte. Il est très difficile de pardonner l'infidélité de son conjoint. La trahison provoque une plaie qu'on ne peut refermer facilement. Et bon nombre de couples ne survivent pas au clash. C'est le cas de Meriem, 27 ans, en pleine procédure de divorce. Elle raconte: «Un jour, en allant au café avec mes copines, j'ai surpris mon mari avec une autre femme, la main dans la main. Ils avaient l'air tellement amoureux… en plus ce n'était pas n'importe quelle femme. C'était ma meilleure amie!». Et de confier: «La douleur que j'ai ressentie était insupportable. J'étais doublement poignardée dans le dos. Même aujourd'hui, des mois après l'incident, je n'arrive pas encore à croire ce qui m'est arrivé. Des fois, je me dis que c'est un mauvais rêve et que je vais bientôt me réveiller, retrouver mon mari et ma meilleure amie comme avant. Mais je sais que ce n'est pas possible».

Hormis celles qui optent pour la séparation, il y a d'autres qui pardonnent. Les courageuses ou les faibles, cela dépend de notre vision des choses... Pour une raison ou une autre, ces femmes trahies choisissent de donner une autre chance à leur couple. «Pour faire durer un mariage, il faut accepter certains travers de l'autre. Il faut pardonner. Lorsque j'ai appris que mon mari entretenait une liaison avec une autre femme, je me suis effondrée. J'ai immédiatement pensé au divorce. Mais quand j'ai décidé de l'écouter et de lui donner l'occasion de se justifier, je me suis rendue compte que j'avais une part de responsabilité : J'avais négligé ma vie de couple en me focalisant sur mon rôle de mère et sur mon travail», indique Loubna, 36 ans.
Selon le psychanalyste, Jay Jawad Hamdouch, le pardon est impossible. «Psychologiquement, on ne pardonne jamais une infidélité, mais on oublie. La Marocaine pardonne pour le bien de son foyer et pour les «autres», car les Marocains vivent toute leur vie pour l'autre, non pas pour soi : «“Wili que vont dire les gens ?”, “Tant qu'il revient toujours chez lui, qu'il fasse ce qu'il veut”», explique-t-il.

Mais pourquoi les hommes ont-ils tendance à tromper leurs femmes ? Selon le psychanalyste, c'est socioculturel ! «L'infidélité des hommes est connue depuis la nuit des temps, c'est l'une des raisons pour laquelle l'Islam a institué la polygamie», estime-t-il. Cependant, les femmes ne sont pas toutes des victimes. Les femmes adultères sont de plus en plus nombreuses. «Tromper son conjoint n'est pas facile, surtout pour une femme. Mais je ne suis qu'un être humain. Il y a certains sentiments qu'on ne contrôle pas, surtout si on en manque. C'est difficile à dire, mais mon mari ne me satisfait pas, ni sentimentalement, ni sexuellement. Et je ne veux pas divorcer pour le bien de mes enfants. Je sais que c'est mal, mais je ne sais pas quoi faire», confie une femme qui préfère garder l'anonymat.

«L'infidélité au Maroc est courante auprès des hommes. Mais, cette pratique a commencé à prendre de l'ampleur auprès des femmes, depuis que la femme marocaine est devenue financièrement indépendante. N'empêche que l'adultère féminin reste très discret et timidement pratiqué. La société marocaine est toujours macho et patriarcale. En effet, on a toujours appris à la femme qu'elle ne doit pas lever les yeux sur un homme. C'est «hchouma», «hram», et «ayb». Sinon, elle est «souillée d'opprobre», affirme Jay Jawad Hamdouch.

Une loi à revoir !

Les articles 491 et 492 du Code pénal, qui sanctionnent l'adultère, sont pointés du doigt par de nombreux juristes et hommes de religion. En effet, selon ces articles, la condamnation du conjoint adultère est soumise à condition. Les articles 491 et 492 prévoient, respectivement, que: «Est puni de l'emprisonnement d'un à deux ans toute personne mariée convaincue d'adultère. La poursuite n'est exercée que sur plainte du conjoint offensé». «Le retrait de la plainte par le conjoint offensé met fin aux poursuites exercées contre son conjoint pour adultère. Le retrait survenu postérieurement à une condamnation devenue irrévocable arrête les effets de cette condamnation à l'égard du conjoint condamné. Le retrait de la plainte ne profite jamais à la personne complice du conjoint adultère». En d'autres termes, le conjoint adultère peut bénéficier d'une «exemption» de peine contrairement au célibataire, qui est puni de l'emprisonnement d'un mois à un an, sans possibilité d'exonération. Une loi qui vient contredire les principes de la religion musulmane, selon laquelle l'adultère est considéré plus grave que la fornication entre deux personnes célibataires. Preuve en main, le coupable encourt une lourde punition : la lapidation.
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