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Les stagiaires «exploités»

«Cela fait huit ans que je suis notaire stagiaire. Tous les deux ans, je passe l'examen dit «professionnel», sans aucun succès», indique Farid, clerc de notaire, selon le jargon de la profession. «Avant d'accéder au titre de premiers clercs, les stagiaires passent plusieurs années de stage dans les études des notaires.

Les stagiaires «exploités»
Ce titre est obtenu au terme d'un examen de sélection dont les épreuves constituent un barrage à l'examen professionnel final», explique Ali Lahrach, président de l'Association nationale des notaires stagiaires.
Ces derniers, dont le nombre s'élève à environ 2.000, sont, d'après la loi de 1925 toujours en vigueur jusqu'à ce jour, des substituts de notaires. Ils travaillent en étroite collaboration avec ces derniers. Certains se retrouvent quasiment à la tête d'études notariales. Ils effectuent les recherches et rassemblent les pièces administratives. «Nous sommes considérés par les notaires plus comme des coursiers diplômés, que des juristes», souligne Farid. Et d'ajouter: «Nous effectuons tout le travail de l'étude notariale. Nous avons tous des diplômes en droit qui varient entre licence et master. Pourtant, nous manquons de gratification. Les notaires ne parlent même pas de salaires, mais d'indemnité de transport qui varie entre 1.000 et 3.000 dirhams, quel que soit le nombre d'années d'expérience. C'est aberrant!».

«Les clercs de notaires possèdent au minimum une licence universitaire ou un diplôme équivalent et totalisent une expérience de quatre à plus de dix ans. La durée des stages étant variable, il n'y a pas de limites d'âge pour être "stagiaire". Il n'est pas rare que des malchanceux à l'examen professionnel soient contraints d'enchaîner stage après stage alors qu'ils possèdent déjà les qualifications correspondant aux tâches qui leur sont confiées et sont prêts à entrer dans la vie professionnelle», assure Lahrach.
«Cela fait dix ans que je suis clerc de notaire. Mon salaire n'a jamais dépassé 2.000 dirhams. Pourtant, c'est moi qui gère l'étude notariale, le maître est, presque, toujours absent. Donc, j'effectue les recherches, rassemble les pièces administratives, rédige les actes qui doivent respecter une forme légale et un langage précis. Malgré toute cette expérience, je n'arrive pas à réussir l'examen professionnel. Je ne comprends rien», raconte Hanane.

«La durabilité de la précarité, la durée indéterminée du stage notarial, l'instabilité, les incertitudes, l'insécurité sociale, l'absence de couverture sociale... sont devenues les maîtres mots du stage notarial», estime Lahrach.
Pourquoi ces jeunes notaires ont du mal à réussir l'examen professionnel ?
«L'examen se déroule toujours dans de mauvaises conditions. Vu que les notaires n'ont pas d'ordre, chaque fois, on est dirigé vers tel ou tel établissement», lance Farid. «En plus, il n'y a aucune limitation de matières concernant l'examen. Le candidat doit apprendre tout ce qui touche le droit, sans exception», ajoute-t-il. «Le candidat peut être un «super notaire» ou un savant en droit, il n'est pas sûr, pour autant, de réussir. Tout se passe dans les coulisses», renchérit Hanane. En effet, selon plusieurs clercs de notaires, les examens manquent de transparence et on parle régulièrement de piston et de pots-de-vin. «On ne sait pas quels sont les critères exacts pour réussir l'examen. On ne nous informe pas non plus du barème de correction.

On ignore même si les copies sont réellement corrigées. Personnellement, j'en doute», affirme Farid. Hanane partage également les mêmes doutes et le même pessimisme. «Même lorsque l'examen est à la portée et qu'on estime avoir bien répondu, on n'est jamais sûr du résultat, bien au contraire», assure-t-elle.
Chimaa Haddioui, notaire à Casablanca, estime que toutes les rumeurs concernant la non fiabilité des examens, sont non fondées et fausses. «Notaire est une profession difficile. L'examen professionnel est généralement, tout aussi compliqué. Il faut être un «crack» en droit et savoir rédiger en français», affirme-t-elle. Et d'ajouter: «Il n'y a pas de secret, c'est le meilleur qui réussit. Personnellement, j'ai passé deux fois l'examen, avant de pouvoir prétendre au titre de notaire». Selon Mohamed Alami, président délégué du Conseil des notaires au Maroc «Le problème de l'examen professionnel rerste le niveau des candidats. Ce dernier a baissé pendant ces dernières années», assure M.Alami. Et d'ajouter: «Même si, des fois, le sujet parait simple, il est généralement, truffé de pièges. Les candidats pensent avoir bien rédigé et à l'annonce des résultats, ils sont déçus. C'est normal».

Concernant les rumeurs de falsification des résultats, M.Alami rejette toute insinuation de ce genre. «Je réfute ces histoires. C'est de la mauvaise langue, rien de plus. Il n'existe aucun notaire qui accepterait de se rabaisser à ce niveau. Notre profession est connue pour respecter l'éthique et la morale. Toute personne qui pense que l'examen est truqué, n'a qu'à le prouver», atteste-t-il. Selon lui, c'est la formation qui fait défaut. «La plupart des candidats sont diplômés en droit arabe. Or, les rédactions se font en français. Malgré l'expérience et la connaissance qu'ils peuvent acquérir en stage, ils n'ont jamais le niveau souhaité pour rédiger une dissertation d'examen en bonne et due forme», estime-t-il. Et d'ajouter: «Il se peut qu'il y ait, aussi, une certaine injustice, de la part des examinateurs. Ces derniers ne ciblent pas les sujets qui touchent directement le métier de notariat, mais se penchent surtout sur des sujets, plus ou moins, philosophiques, dont l'exactitude des réponses reste très vague».

Lésés par le projet de la nouvelle loi

Le projet de loi n° 32-09 relatif à l'organisation de la profession de notaire, tant attendu depuis des années, et qui finalement va bientôt voir le jour, a déçu les clercs de notaires, qui estiment être oubliés par le nouveau projet. Cette loi ne prévoit rien pour les clercs de notaire qui ont passé six à dix années de stage effectif et continu dans l'étude de notaire. «Il est grand temps d'élaborer un vrai statut du notaire stagiaire et des mesures légales et justes dans le but de lui permettre d'accéder honorablement à la profession de notaire. Autrement dit, fini le temps de l'anarchie, l'exploitation, voire l'esclavagisme. On revendique plus de clarté et de transparence, mais surtout d'éthique quant au statut du notaire stagiaire», insiste Lahrach. Et d'ajouter: «Nous dénonçons l'injustice des dispositions du projet de loi et nous voulons attirer l'attention du ministère de tutelle sur l'ampleur de la problématique des stagiaires actuellement en exercice. Nous sollicitons un vrai statut et des mesures justes qui nous permettent d'accéder à la profession du notaire».
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